Entrepreneur, rassembleur, expert, visionnaire, écrivain, passeur d’idée et de savoir… Il reste difficile de décrire ce personnage, si attachant et si réservé que soit Jean-Louis Baroux
« Je vous parle d’un temps où les jeunes qui travaillent aujourd’hui dans le secteur du tourisme ne peuvent pas connaître… »
La rubrique de Michel Messager
Ce personnage, car c’en est un au sens noble du terme, lui qui sait si bien évoquer le passé pour parler du présent tout en évoquant l’avenir. C’est peu dire les ingrédients qu’il faut pour être un ‘’sage’’ et sage il l’est assurément pour la profession.
Mais Jean-Louis Baroux ne représente pas que cela, même si c’est beaucoup…
Il endosse le costume d’un humaniste qui sait rester à sa place, car il se connaît lui-même et aime écouter les autres. Il connaît ses forces et ses faiblesses et agit avec conséquence dans sa vie familiale comme dans son parcours professionnel. Il fera toujours le pas qu’il faut, mais jamais le pas de trop. C’est la force de ceux qui s’enveloppent de la panoplie de vrais leaders.
L’ayant plusieurs fois côtoyé, il m’a toujours impressionné par sa sérénité et la justesse de ses jugements. Il détonne dans notre monde actuel par l’attention qu’il porte aux intérêts de ses interlocuteurs. Il incarne un homme d’un autre siècle, mais qui vit toujours dans et pour l’avenir. Je pense que le respect et l’écoute que lui portent des gens du métier viennent de là.
Jean-Louis Baroux aime raconter cette anecdote qui l’a poussé à choisir l’aérien après son diplôme de l’Ecole Supérieure de Commerce de Lyon en 1967. « Je faisais mon service militaire en Libye, plus précisément à Benghazi, au titre de la coopération. Mon épouse était enceinte et mon fils Éric est né dans notre appartement. A l’époque il y avait une petite communauté de français, notamment des gens d’Air France. Dans l’après-midi, l’un d’entre eux est arrivé avec un magnifique bouquet de roses. J’étais très étonné, car il était impossible de trouver des roses en Libye. Je lui ai demandé comment il s’était débrouillé. « J’ai été les acheter à Rome », m’a-t-il répondu simplement. Je me suis dit qu’un tel secteur d’activité qui peut rendre cela possible, je me devais d’y entrer. »
Voilà comment notre ami Jean-Louis allait intégrer l’aérien. Notre profession allait accueillir celui qui deviendra l’expert reconnu par tous.
C’est en 1970 qu’il entre à Air Inter. Très rapidement, il se retrouve en face d’un directeur commercial qui voulait, tel un ‘’petit chef’’, tout réglementer et régenter. Étant ‘’responsable commercial passager’’ il ne pouvait supporter une telle situation. Connaissant la placidité légendaire de Jean-Louis Baroux, le ‘’petit chef’’ avait dû dépasser largement la limite de l’acceptable. Jean-Louis Baroux explose ou implose, à chacun son choix, et lui dit tout de go : « si vous voulez tout commander, vous commanderez tout seul ! » Et pour la première fois et la seule fois de sa vie, il fait grève avec à ses côtés tous ses collaborateurs.
On connaissait Dany le Rouge, mais Jean-Louis le Rouge… lui qui a toujours évité de parler politique quel que soit le sujet, il fallait réellement qu’il soit sorti de ses gonds. Inutile de vous dire que sa carrière à Air Inter était terminée.
Après un passage par Trans Air Régions, il crée rapidement en 1983 sa première société "Europe air Promotion" pour représenter les compagnies régionales à Paris. Sa vraie vie professionnelle, celle qu’il a toujours souhaitée, celle de l’entrepreneuriat pouvait alors commencer.
Il développe alors son activité en créant une deuxième entreprise "Europe Air Représentation" dans laquelle il s’était associé à un partenaire pour lancer une mini-holding en 1985 qui s’appelait APG.
Les débuts sont modestes, « Nous étions dans un demi-bureau, hébergés par une agence de pub rue des Pyramides et sans clients. Mais un jour, un de mes actionnaires, André Carrié, m’amène un contrat de représentation pour la compagnie Aloha Airlines. »
Alors que la société commence à trouver sa vitesse de croisière, à la fin de l’année 90… la tuile : son partenaire ‘’oublie’’ de payer les compagnies aériennes clientes, environ une quinzaine !
La faillite parait inéluctable, et pourtant… Laissons donc la parole à Jean-Louis : « Réunies devant un juge-commissaire en ma présence, la quinzaine de compagnies créancières ont cependant toutes souhaité continuer de travailler avec moi. Quelle reconnaissance ! Mais ma fierté consiste à être parvenu finalement à payer tout le monde. » Cette marque de confiance le marquera à jamais.
APG était reparti, pour devenir ce qu’elle est aujourd’hui, sous le nom d’APG Global Associates : le premier réseau mondial de services commerciaux pour le transport aérien, avec 145 pays couverts et 240 compagnies aériennes clientes.
Mais le parcours, ne s’est pas fait tout seul et a été jonché de créations et de succès strories, qu’il est ici important de rappeler, même si la modestie de Jean Louis Baroux ‘’l’entrepreneur’’ dut en souffrir. Il convient tout autant de rappeler que l’Etat a tenu à honorer celui qui se dit ‘’ Président de la plus petite multinationale du monde’’ en le faisant Officier dans l’Ordre du Mérite National en Juillet 2011.
Jean-Louis, c’est avant tout un Rassembleur et qui en tant qu’épicurien sait recevoir, deux exemples pour le prouver.
Le ‘’World Connect by APG’’
Créateur et animateur depuis une vingtaine d’années de ce qui s’appelait alors le Cannes Airlines Forum, Jean-Louis Baroux a su créer un événement de dimension mondiale, rassemblant chaque année, que ce soit à Singapour, Washington, Amman, Marrakech, Malte, Monaco et en 2025 à Séville, plus de 400 participants venant de 80 pays.
Faire venir 400 participants dont la plupart sont des décideurs, les faire passer 20 heures en avion à traverser plusieurs aéroports pour seulement 2 ou 3 jours est en soit un sacré pari, pari chaque année réussie et ceci pour la 25ème fois. La recette, de ce succès, Jean-Louis Baroux nous la donne : « les participants sont certains d'apprendre quelque chose qui les aidera dans la conduite de leurs affaires pour l'année » et « ils sont également conscients de rencontrer leurs collègues venus d'autres régions du monde dans une ambiance chaleureuse. »
Pour ceux qui ont eu la chance d’assister à un ‘’World Connect’’comme j’en ai eu l’occasion, ils ne peuvent être qu’impressionnés par le côté professionnel de cet événement. Pas un temps mort, un timing respecté à la minute, un plateau d’intervenants exceptionnels, des participants concernés et assidus, une équipe APG motivée et disponible et un Président toujours présent et à chaque instant… Comme on le dit dans le langage populaire ‘’certains devraient en prendre de la graine’’.
Les déjeuners APG
Il y a une petite trentaine d’années que Jean-Louis Baroux a lancé les ‘’Déjeuners de l’APG’’. Au début de l’aventure, ils se tenaient autour de trois petites tables, au siège de la société. Tables pas toujours pleines, les directeurs France des compagnies aériennes étrangères qui vivaient comme des ambassadeurs regardant avec dédain et quelque mépris un « petit » GSA (Global sales agent) naissant.
Il a fallu toute la volonté et la résilience de Jean-Louis, pour en faire un must de la profession et ‘’the place to be’’. Depuis une dizaine d’années, tous les trois mois, le déjeuner accueil une centaine de personnalités de l’aérien, favorisant les rencontres, les échanges, mais sans obligatoirement d’enjeu mercantile. Comme le dit un ‘’fin connaisseur’’ de l’industrie touristique : « Être invité à ces déjeuners vous donne l’impression de jouer dans la cour des grands. Ne pas l’être peut-être vécu comme une frustration. » On ne peut rendre plus bel hommage à cette réussite.
Jean-Louis Baroux c’est aussi un communiquant hors pair. Mais ce que l’on sait peut-être moins, c’est que c’est un homme de plume. A son actif près d’une demi-douzaine de livres : des ouvrages sur l’aérien bien sûr, comme par exemple ‘’Transport aérien, une profession au bord de la crise de nerfs’’, ‘’Compagnies aériennes, la faillite du modèle’’, ‘’Ces vérités qu'on vous cache’ ’, mais aussi des ‘’thrillers’’ comme : ‘’ On a perdu le MH 370 ‘’, ‘’Peur sur le Vatican’’…
Mais Jean-Louis Baroux c’est aussi des centaines d’articles pour les principaux médias aériens, lus par des milliers de lecteurs. Il faut dire que non seulement il connaît son affaire et ne mache pas ses mots : « Oui, j’écris une chronique toutes les semaines. Je note régulièrement des idées dans le but d’écrire quelque chose qui puisse intéresser le lecteur. Je n’ai pas cependant la prétention de réformer le transport aérien, mais j’ai la prétention de dire ce que j’en pense. J’ai cette liberté. Je ne dois rien à personne et d’ailleurs depuis que j’écris, j’achète tous mes billets d’avion. Je ne conçois pas d’écrire pour ou contre quelqu’un sans avoir ma liberté parce que je demande un billet. » C’est sans doute pour cette liberté de ton qu’il a battu tous les records de lecteurs en publiant en mai 2020 dans la presse professionnelle tourisme un article intitulé ‘’Transport aérien : Le vrai début de l’hécatombe’’. Résultat : 1,1 millions de vues. Qui dit mieux !
Quand on demande, à Jean-Louis Baroux, quel est son plus beau souvenir de voyages, il répond : « J’hésite toujours entre l’Italie où je vais très souvent et le Bouthan que j’ai eu le privilège de visiter alors qu’il n’y avait que très peu de touristes. »
Sa plus grande fierté : « Sans aucun doute la transmission d’APG à ma fille qui depuis a considérablement développé l’entreprise. »
Sa plus grande angoisse : « Je suis peu angoissé de nature, mais tout de même perdre quelqu’un de ma famille proche m’affecterait beaucoup. »
Jean-Louis Baroux vient tout juste d’avoir 80 ans, toujours bon pied bon œil et plus que jamais serein. Il est vrai qu’il a parfaitement réussi sa succession, ce qui est le plus souvent difficile, un modèle du genre.
Bien qu’en pleine activité, il y a longtemps qu’il y pense… on retrouve le sage qu’il est. Mais laissons-le raconter : « Un jour, c'était en 2003, nous étions à Madrid avec ma fille Sandrine de Saint-Sauveur, qui travaillait déjà dans l’entreprise. Nous avions eu un rendez-vous d’affaires qui ne s’était pas très bien passé. Nous étions un peu énervés et je me disais à cette époque ‘’il faut que tu penses à sortir. Il ne faut pas faire le combat de trop ; Jamais’’. Nous attendions notre vol retour vers Paris et j’ai posé la question à Sandrine ‘’Est-ce que tu veux prendre ma suite’’. » Celle-ci a accepté avec enthousiasme et un an plus tard, le 31 mars 2024, il quitte son bureau pour le laisser à sa fille Sandrine. Lui est parti s’installer dans les étages. « Au départ les gens continuaient à venir me voir et je leur répondais : Le bureau de la direction n’a pas changé. C’est au même endroit donc vous redescendez. Cela a duré huit jours et ensuite c’était terminé, plus personne n’est venu me demander une autorisation » raconte Jean-Louis Baroux.
Cela s’appelle la ‘’Classe ’’ et quel exemple !
Mais pouvions-nous en douter de la part d’un tel homme et d’un tel parcours.
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