
« Le concept de ce salon était le mariage parfait entre une ville de tourisme et la réunion de professionnels venus de toute la France et de tous les pays. »
Portrait
« Je vous parle d’un temps où les jeunes qui travaillent aujourd’hui dans le secteur du tourisme ne peuvent pas connaître… »
La rubrique de Michel Messager
Le Drakkar, les Vapeurs, le Central, le Ciro's, Chez Miocque, les Planches… Ces noms ne vous rappellent rien et pourtant ces restaurants sponsorisés par de grandes marques, aujourd’hui disparues comme Planète, Touropa, Vacances 2000, Asie Tour, Africatours, Sunair, Horizons Lointains, HotelPlan, Touring Club de France… affichaient ‘’complet’’ tous les soirs et comptaient le record du monde du nombre d’agents de voyages au m2.
C’était dans les années 80/90, chaque année au mois de septembre à Deauville à Top Résa, près de 20 000 professionnels débutaient une véritable transhumance pour assister à la ‘’Grande Messe’’ organisée par Jean François Alexandre.
Jean Français Alexandre, l’homme aux 67 salons s’est retiré de la profession lors de ses 67 ans pour prendre un repos bien mérité à Veules-les-Roses dans cette belle région de Normandie qui lui est si chère, là où il avait 40 ans plutôt commencé sa carrière touristique à l’Office de Tourisme de Deauville. Aujourd’hui grand-père heureux, il continue à cultiver ses fleurs et son swing légendaire bien connu dans la profession.
J’ai connu Jean Français Alexandre, en 1979, lors du 1er Top Résa dans les couloirs de l’hôtel PLM Saint Jacques à Paris où chaque exposant, environ une centaine, s’était vu attribuer une chambre… pour présenter ses produits aux quelques 500 agents de voyages présents.
Top Résa, crée par une bande de ‘’copains du tourisme’’ dont Jean François Alexandre était l’initiateur et le créateur, avait pour but de tirer un premier bilan de la saison estivale, de présenter ses nouveaux produits, mais aussi de se déconnecter après le stress de l’été et de faire la fête ensemble.
Cocktail simple, mais magique, bien que pour cette première édition peu de gens auraient parié sur l’avenir de cet événement naissant …
C’est véritablement l’année suivante que Top Résa connu son véritable envol, lorsque Jean François eu l’idée folle de déplacer le salon de Paris à Deauville. Quitter Paris pour Deauville, il fallait oser le faire ! Jean François l’a fait contre tous les avis des ‘’grands sachants’’ de l’époque. Pourtant, il a réussi seul contre tous.
Je me souviens de ces premières années. Top Résa s’est tenu tout d’abord à l’hôtel du Golf. Les chambres du 1er et 2ème étage avaient été transformées et aménagées en « stand » et celles des étages supérieurs restaient réservées à l’hébergement. Puis le Salon a été transféré au prestigieux Casino de Deauville puis devant le succès, au Centre des Congrès et enfin il a élu domicile, et de façon définitive, à l’hippodrome de Deauville, sous une tente géante, montée à l’occasion.
Avec 400 exposants (environ 2 500 personnes sur les stands) représentant 800 marques et quelques 20 000 visiteurs, Top Résa devenait le plus grand salon du tourisme en France.
On ne peut imaginer la véritable ‘’institution’’ que représentait à l’époque Top Résa, véritable rendez-vous de rentrée de la Grande ‘’famille’’ du Tourisme.
Pendant deux, puis trois jours de 9 heures du matin, sous la pluie, le soleil et même la neige, jusque tard dans la nuit ce n’était qu’un immense ‘’happening de travail et de festivités’’, contrôlé et millimétré par le Boss qu’était Jean François Alexandre.
Les affaires marchaient, les clients étaient au rendez-vous, le contact humain était la recette magique « on pouvait rencontrer facilement des dirigeants de T.O. et de compagnies que nous ne pouvions pas joindre à d'autres moments », l’on se connaissait toutes et tous, nous avions une trentaine d’années et surtout nous avions plaisir à nous retrouver, patrons, salariés, vendeurs, commerciaux, comptables… et de faire tous ensemble la fête.
Nous avions tous un point commun : la passion du métier et de la création.
Top Résa c’était bien plus qu’un salon, c’était un EVENEMENT ouvert à toutes et à tous.
Imaginez….
Conduire les bolides du Paris Dakar sur les plages de Deauville avec René Metge, Patrick Tambay, ou Hubert Auriol, sous les yeux de Mano Dayak touarègue du Niger, dont l'agence de voyages à Agadès était le point de ralliement des Occidentaux passionnés par le désert…
Assister aux soirées d’artistes célèbres comme Fabienne Thibault, Bernard Lecoq, Carlos, Philippe Laville, les Jazzmen Moustache et Marcel Zanini au Casino, sous les Halles ou aux terrasses des bistrots de la station Normande… et les débuts de David Guetta lors des folles soirées blanches organisées par le Club Med, ou aux fameux dîners de Visit France de 1 500 couverts face à la Halle aux Poissons de Trouville.
Participer au Tournoi de Tennis en compagnie des joueurs Elie Nastase, Mansour Barami et des Journalistes sportifs comme Gérard Holtz, Roger Zabelle ou Alexandre Debanne ; au tournoi de football entre l’équipe de France de Tourisme et la Réserve du PSG au stade de Deauville devant trois mille spectateurs ; au Marathon Paris-Deauville en relais par équipe (départ 16 heures escorté par la Gendarmerie motorisée arrivée le lendemain matin à 11 heures sur les planches de Deauville) ; au tournoi quotidien de Pétanque de 19 heures ; au tournois de Golf ; au Baptême de l’Air à bord du DC3 affrété par Aigle Azur…
Ayant participé à tous les Top Résa de de Jean François Alexandre, je peux témoigner que les journées étaient intenses et les contacts professionnels nombreux.
Il n’était pas rare à certains moments d’avoir en même temps sur son stand, dix, vingt, voire même trente visiteurs professionnels. Certes à l’heure du déjeuner le rythme des visites ralentissait ou plutôt se déplaçait dans les restaurants aux alentours de l’hippodrome où il était très fréquent que des contrats soient signés et des accords réalisés. Pendant trois jours nous étions totalement immergés dans une atmosphère de business qui régnait en maître et c’est là où le professionnalisme et la ‘’vista’’ de Jean François Alexandre donnait toute sa puissance à Top Résa.
Aujourd’hui quand on demande, à celui que tout le monde appelait JFA, quelle est sa plus grande fierté, il nous répond : « Aujourd’hui encore, et ce depuis 40 ans, lors d’un dîner où que j’aille dans le monde, je m’entends très souvent dire « Ah Top Résa Deauville, quel événement grandiose avec de belles rencontres, des bonnes affaires, des superbes soirées. C’était les belles années du tourisme ! ».
Il poursuit : « Et je ne parle pas de la région de Deauville qui semble marquée à jamais. Le départ du salon pour Paris a été ressenti comme une véritable catastrophe par beaucoup, surtout bien évidemment les hôteliers restaurateurs. Aujourd’hui encore, certains m’offrent un verre en souvenir du « bon temps ». Combien de gens connaissaient ! ne serait-ce que de nom, Il y en a même dans mon petit village, tout étonné de me rencontrer. Certains ont été exposants ou visiteurs, d’autres y ont été livreurs, il y a même un ancien chauffeur de navette Avis. »
Et puis bien sûr, le fait divers, présent dans toutes les têtes de l’époque : ne pas avoir voulu inviter le ministre du tourisme communiste qui avait fait son entrée dans le gouvernement Mitterrand. Cette histoire a fait couler beaucoup d’encre. Jean François Alexandre s’en explique aujourd’hui : « Que les choses soient claires. Je n’ai pas refusé qu’il vienne au salon. Je ne l’ai pas invité, c’est tout. Le fait de ne pas l’avoir invité, n’interdisait pas à ce qu’il soit invité par une autre instance. Il se trouve que le SNAV n’a pas envoyé non plus d’invitation, c’est ce qui a fait monter la mayonnaise. C’est vrai que cette affaire a fait beaucoup de bruit. Tous les médias s’en sont emparés ».
Quel est a été sa plus grande angoisse au cours de ces Top Résa : « Le jour où, pour cause de panne, il manquait un camion transportant un morceau de chapiteau, mettant ainsi en péril l’ensemble de la construction et de l’équipement : moquette, stands, électricité, téléphone, etc…. Il a fallu au tout dernier moment trouver un autre élément de chapiteau qu’il a fallu démonter en urgence sur le site d’un salon qui venait de se terminer. Ça a été vraiment ric-rac, quasiment à une heure près. Mais quelle suée !
Une autre fois, victime de la psychose après le drame de Furiani, il nous a été imposé de placer un anémomètre au sommet du chapiteau avec pour avertissement d’évacuer le chapiteau à partir d’une certaine vitesse du vent. C’était un jour de grande marée, à la limite de la tempête, et ça soufflait très fort au point que l’on a été à 5km/h de la vitesse fatale. La catastrophe n’était pas loin ! »
Pour conclure, quoi de mieux que reprendre les mots d’une grande plume du Tourisme, Pierre Doulcet, celui qui avait eu le culot, car il fallait en avoir, de créer le 1er quotidien du Tourisme, qui au moment de l’annonce du départ de Jean François Alexandre à la retraite , déclarait : « Ayant accompagné JFA depuis ses débuts à la tête de Top Résa, je me dois de saluer sa principale qualité qui réside en son courage face à l’adversité, sa fidélité à ses idées et à ses amis dont j’ai eu la chance de bénéficier depuis les débuts de son aventure. Honneur à toi l’ami ».