
Comme dans les meilleures séries, la défaillance de Thomas Cook France a tenu en haleine la profession pendant des semaines. En exclusivité, Nicolas Delord a raconté à Tour Hebdo comment a été vécue la crise, de l’intérieur.
Précédemment : Dans notre premier épisode, « La Chute », Nicolas Delord revenait sur le 23 septembre 2019, le jour où tout a basculé. « Une communication était prévue dans la nuit. Nous nous sommes tous couchés sans savoir. Lorsqu’à 4 heures, nous avons découvert le message de la direction se terminant par "We are no longer a team. Good luck", ça a été la douche froide », expliquait-il notamment. L'occasion aussi pour lui de revenir sur les premières heures qui ont suivi l'annonce, entre préparation du dépôt de bilan et lutte pour éviter la liquidation judiciaire immédiate.
Épisode 2 : La gestion de la crise
Erreur de la banque
« Cela a été un coup de chance. La trésorerie pas remontée à Londres était celle des franchisés et la banque a commis une erreur. Il y avait deux comptes séparés mais joints et elle a payé les factures des intégrés avec l’argent des franchisés. On avait 14 millions à régler aux fournisseurs des intégrés et il devait y avoir une descente de trésorerie pour cela le lundi 23 septembre, qui n’a jamais eu lieu.
La banque s’est pris les pieds dans le tapis dans l’exécution des ordres de virement et elle a commencé à régler les fournisseurs des intégrés avec l’argent des franchisés. Les franchisés étaient prélevés par la centrale de paiements en prélèvement SEPA et c’est opposable dans les 6 semaines. Ils ont donc rappelé les prélèvements et réglé leurs fournisseurs en direct.
Si la banque n’avait pas fait l’erreur, c’était 14M€ de plantage pour les TO sur les départs d’août et là il y aurait eu des dégâts et beaucoup de monde fragilisé avec faillites en cascade. »
Pas toujours les bons choix
« On a géré aussi bien qu’on a pu. Dans la panique, il faut se poser les bonnes questions mais on n’a pas toujours fait les bons choix. Par exemple, nous avons pris très vite la décision de payer les salaires de septembre, on avait de quoi les payer. A posteriori, il s'est avéré que nous n'aurions pas dû le faire, les AGS s’en seraient acquittées. Mais peut-être le 10 du mois suivant, alors que tout le monde doit pouvoir payer son loyer. Donc, on ne regrette pas de l’avoir fait.
Tous les jours, il se passait quelque chose, et ce qui était vrai un jour ne l’était plus forcément le lendemain. Cela explique les incompréhensions, les frustrations. Mais c’est le propre d’une situation de crise. Mais j’ai la satisfaction d’avoir pu sauver la moitié du personnel. A contrario, la grosse frustration, c’est de ne pas avoir réussi à sauver le personnel du siège. »
De la communication en interne
« Il y a eu pas moins de 21 notes diffusées au réseau en deux mois, des conférences à distance et des communications via notre outil interne Workplace. Nos agences ont parfois eu le sentiment d’être isolées mais je pense que l’éloignement géographique joue dans ces cas-là. On est loin du cœur du réacteur, c’est une période de grand stress et les procédures sont très codifiées. Nous ne pouvions pas nous exprimer sur tous les sujets. Et en cas de crise, les priorités des uns ne sont pas celles des autres, le rapport au temps aussi est différent. On n’avait pas six mois devant nous !
Cette période a été dantesque. Il y a eu, c’est vrai, des malentendus et des incompréhensions par exemple sur la consigne donnée aux salariés de prendre leurs jours de congés et RTT et sur leur paiement. En cas de crise, il faut prendre des décisions rapidement, avec des procédures complexes et beaucoup d’intervenants, et ce ne sont pas toujours les bonnes. »
À suivre... Dès demain retrouvez l'épisode 3 "Jet tours et l'offre managériale" de notre série "L'affaire Thomas Cook France".
=> En attendant, (re)découvrez les épisodes précédents :