
Lors d’un point presse hier soir, Nicolas Delord et les membres du Comex de Thomas Cook France sont revenus sur les trois semaines écoulées depuis la faillite de leur maison mère. L’occasion de clarifier quelques points, dont des sujets de friction avec agences et partenaires TO.
Aucune volonté de règlement de comptes ni d’esquiver les questions. Nicolas Delord, le président de Thomas Cook France, s’est livré hier à un exercice de décryptage de la crise que traversent depuis trois semaines l’entreprise et ses 777 salariés, victimes collatérales de la défaillance retentissante de leur maison mère le 23 septembre dernier. « Je saisis l’opportunité de corriger certaines choses qui ont été dites ou écrites, de réparer quelques inexactitudes car dans cette aventure, si j’ose dire, Il y a eu des interprétations assez étonnantes qui méritent explications et précisions. »
NON, la direction de Thomas Cook France n’a rien vu venir
Jusqu’au dernier moment, Nicolas Delord et ses équipes ont cru à la possibilité d’une recapitalisation de leur maison mère par le groupe chinois Fosun. « Nous n’avons rien anticipé. Je rappelle que 10 jours auparavant nous étions en convention au Népal avec nos franchisés, puis en présentation de brochure en Crète. Un éductour est rentré le 21 des Maldives. Nous n’aurions certainement pas engagé toutes ces actions si nous nous étions doutés de la suite. »
Même le samedi précédant l’annonce de la faillite, « la probabilité d’une issue favorable était plus élevée que le scénario catastrophe évoqué », se souvient Nicolas Delord. Dans la nuit du 22 au 23 septembre, c’est donc « un choc ». « Nous avions tous l’espoir que les choses s’arrangent. Sitôt l’annonce de la faillite vers 2-3 heures du matin, nous nous sommes tous appelés. Et à 6 heures tous les membres du Comex et moi-même, étions au siège à Clichy. »
« Cette crise était totalement inattendue, inédite et d’une ampleur sans précédent », insiste Nicolas Delord dont la préoccupation première a été de protéger l’entreprise et ses salariés.
OUI, les équipes de Thomas Cook ont été sur le pont tout de suite et tout le temps
« Nous avons fait ce que nous avions à faire. Et je ne me suis pas mis aux abonnés absents », se défend Nicolas Delord. « Préparer une cessation de paiements, soit un acte de protection d’entreprise intervenue le 27 septembre, était une priorité et une urgence vitale. Je ne souhaite à personne de vivre cela. »
« Nous avons obtenu l’alternative la plus heureuse », se félicite le patron de Thomas Cook France, « puisque le juge nous a accordé le 2 octobre le placement en redressement judiciaire. Le rôle de mandataire social, que j’assume, est très lourd dans une telle procédure collective. Gérer les collaborateurs, les partenaires TO comme distributeurs, les fournisseurs et surtout tous les clients à destination et ceux prêts à partir dans un contexte où tout le monde est pris de court est compliqué. »
« C’est comme le crash d’un gros porteur. Il y a un équipage technique et commercial. Le commandant de bord ne peut pas parler à tous les passagers. Il fait le maximum pour que l’atterrissage soit le plus soft possible, sans effet de rebond. » Et de rappeler qu’à la fin de la première semaine quelque 8 000 des 10 000 clients à destination étaient rentrés avec l’aide de l’APST, son garant. « On ne s’en est pas si mal sorti. 10 personnes de chez nous étaient dans les locaux de l’APST en permanence. »
NON, Thomas Cook n’a retenu ni annulé aucun PNR
« Beaucoup de choses se sont dites et sont inexactes », insiste Nicolas Delord rappelant que la garantie de l’APST s’étant activée le 29 septembre, Thomas Cook France et Jet tours ont perdu leur licence le 1er octobre. « Dans le cas des PNR réservés non émis et non payés pour des dossiers Jet tours, on les a fait passer aux agences pour qu’elles puissent reconditionner le voyage. »
« Pour les PNR émis et payés pour lesquels les agences demandaient le transfert de propriété, nous l’avons fait, sous réserve de l’accord de la compagnie aérienne et ce, jusqu’à ce que cela soit possible, soit le 4 octobre date à laquelle notre filiale Brokair a elle-même perdu sa licence. Ensuite, tout est juridiquement bloqué sauf autorisation des autorités compétentes. »
« Ce que les agences n’ont pas toujours compris », déplore Nicolas Delord, « c’est que ces PNR ne pouvaient pas leur être cédés gracieusement. Elles sont tenues de s’acquitter du prix de ces PNR qui sont un actif d’une entreprise qui plus est en redressement judiciaire. Celles qui ont viré les fonds ont reçu les transferts en échange. Des têtes de réseaux ont refusé de les payer sous le prétexte de la compensation financière dans le cadre de la connexité des créances, donc on n’a pas cédé. Ton PNR tu le veux, tu le paies. »
Et il n’y a eu aucun PNR annulé du fait de Thomas Cook, selon le président. « Si certains passagers ont eu des problèmes et ont été refoulés à l’embarquement, c’est qu’ils n’avaient plus de vouchers attachés au tarif de leur réservation, ce qui est la règle. Les agences qui n’avaient pas repris de prestations terrestres ou les clients partant avec un simple billet prenaient donc un risque dont nous les avions prévenus. »
Il y a eu aussi quelques cas de billets émis et non payés du fait du décalage du BSP. Quelques compagnies notamment américaines n’ont pas honoré les émissions, mais cela a concerné très peu de passagers, détaille le patron de Thomas Cook France. Quand la licence est tombée le 4 octobre, il restait environ 80 000 euros de PNR pas transmis, précise-t-il. « Donc très peu si l’on considère qu’à cette période on émet essentiellement du long-courrier. »
OUI, les franchisés Thomas Cook ont touché les fonds
« Tous les franchisés Thomas Cook ont récupéré l’argent qu’ils avaient remonté à la centrale de paiements Tess sauf ceux qui n’ont pas rejeté les mandats SEPA comme nous leur avons demandé de le faire », explique Nicolas Delord. Ils sont donc en capacité de régler les fournisseurs et doivent le faire. Ils disposent également des fonds nécessaires pour re-protéger leurs clients sur d’autres voyages.
Par souci de transparence, « chaque TO a reçu de notre part la liste des prélèvements franchisés par franchisés », précise le patron de Thomas Cook France.
OUI, le contrat de franchise court toujours
De nombreux franchisés ont fait tomber leur enseigne Thomas Cook ou couvert celle-ci en façade, « ce qui est compréhensible », admet Nicolas Delord. Mais légalement le contrat d’enseigne court toujours et ceux qui le dénonceraient court un risque à évaluer avec leur conseil juridique.
Il y a aura bien sûr un geste de la part de Thomas Cook France concernant la redevance annuelle de franchise, avec un calcul au prorata pour tenir compte de la période d’inactivité sachant que les franchisés peuvent continuer à vendre les TO tiers. Ce qui n’est pas toujours simple puisque certains TO auraient bloqué les accès, pour tenir compte des dettes en cours. D’autres TO tentent de faire baisser les taux de commission, là aussi sous le prétexte de compensation de créance. « Les fournisseurs doivent continuer d’honorer les contrats des franchisés au même taux », rappelle Nicolas Delord.
NON, certains TO n’ont pas été favorisés
Six TO seulement ont touché l’intégralité des règlements des ventes d’août et septembre par les agences intégrées. « Il n’y a eu aucun favoritisme comme j’ai pu le lire », insiste Nicolas Delord. La banque a procédé au règlement de manière aléatoire prenant les noms qui apparaissaient en tête de liste. Le processus a été stoppé automatiquement lorsqu’il n’y a plus eu de descente de trésorerie. « On ne paie pas nos fournisseurs par copinage. »
NON, les salariés de Thomas Cook ne sont pas au chômage technique
La période d’observation ouverte le 1er octobre en vue de trouver des repreneurs est relativement longue, trois semaines pour permettre le dépôt d’offres de reprise qui pérennisent l’avenir de l’entreprise. Dans ce laps de temps, sur les conseils de l’administratrice judiciaire et en concertation avec les instances du personnel, il a été demandé aux salariés de se mettre en congés payés jusqu’au 31 octobre à l’exception de quelques services du siège (environ 80 personnes sur 200 travaillent).
Dans les agences, qui restent donc ouvertes mais sans possibilité d’activité commerciale, une personne à mi-temps assure une permanence. La formule des congés payés est la plus intéressante pour toutes les parties, les salariés touchent la totalité de leur salaire (qui serait diminué de 15% en cas de chômage technique) et le versement des salaires est pris en charge par l’AGS (Association pour la gestion du régime de garantie des créances des salariés), ce qui permet de ne pas amputer la trésorerie de l’entreprise. « Tout le monde sera de retour le 4 novembre au matin, dans l’attente de la décision qui sera prise le 5 novembre par le tribunal de commerce. »
OUI, il faudra que certaines choses changent dans le secteur à l’avenir
« Personne, même parmi nos instances représentatives, n’a idée de toutes les arcanes juridiques et complications générées par une telle situation. Il faut le vivre au quotidien pour découvrir la complexité des procédures et les aberrations du système », constate Nicolas Delord. « Il faudra se pencher sur tous ces sujets car le Code du tourisme doit évoluer. En intensité, cette crise a été l’équivalent du volcan islandais ou du tsunami, sauf que nous étions tout seul à la vivre. C’est un tour de force que nous avons réalisé avec beaucoup d’investissement et de dignité de la part des équipes », tient à faire savoir le président de Thomas Cook France.