Flightright estime que la flambée du prix des billets d’avion tient moins à de la fiscalité ou du carburant qu’au pilotage tarifaire des compagnies. Quelle est la réalité ?
Flightright, officine spécialisée dans l’indemnisation des passagers victimes de perturbations aériennes, annonce que les prix des billets d’avion ont décollé bien plus vite que l’inflation cet été. Pour eux la taxe de solidarité (TSBA) ne joue qu’un rôle marginal et tout comme coût du carburant. Fort de ce constat, cette officine estime que ces hausses sont dues à la stratégie tarifaire des compagnies.
Voilà les chiffres annoncés :
- + 4,9 % en mai
- + 4,4 % en juin
- + 6,8 % en juillet
L’officine estime que ça représente le double du rythme observé durant l’été 2024. « En clair, les billets d’avion ont augmenté six à dix fois plus vite que les prix à la consommation. Ce décalage confirme que l’aérien répond à sa propre logique inflationniste, découplée des coûts généraux. » clame Imane El Bouanani, responsable juridique France de Flightright. Ces données révèlent une stratégie tarifaire fondée sur les périodes de tension commerciale : lorsque les voyageurs ont peu d’alternatives.
Alors vrai ou faux. Nous avons posé la question à Jean-Pierre Sauvage, président du BAR (Board of Airlines) auréolé d’une compétence et d’autorité incontestables.
Vrai
Jean-Pierre Sauvage ne nie pas le yield, au contraire. Il estime que les producteurs de sièges aériens doivent bien évidemment se soumettre à un environnement concurrentiel pour établir les meilleures conditions de leur compétitivité : « Sur la question des prix, il est amusant de relever que Flightright semble découvrir maintenant le yield management. Il s’agit pourtant d’une technique de gestion appliquée dans toutes les entreprises de service. Sur ce point, il est opportun de rappeler pour illustrer le débat que la SNCF, bien que soutenu financièrement par l'Etat, n’applique pas moins les mêmes principes de gestion commerciale : hausse des tarifs en périodes pleine et baisse en période creuse. Cela s'appelle tout simplement la loi de l'offre et de la demande. Il ne faut pas sortir d'HEC pour en comprendre le fonctionnement ».
Taxes et carburant
Pour Flightright la taxe de solidarité, dite « taxe Chirac », entrée en vigueur au printemps 2025 est un faux coupable. Son impact serait de : +7,40 € sur un court-courrier, +15 € sur un moyen-courrier, +40 € sur un long-courrier. Proportionnellement au prix du billet, elle ajoute entre 1 et 2,5 points, selon la destination. Mais les hausses observées cet été (jusqu’à +6,8 % en juillet) dépassent largement ce seuil. L’effet de la taxe, bien que réel, demeure marginal face à l’ampleur constatée.
Faux
Pour obtenir une vision qui soit le reflet de la réalité, il est nécessaire de se reporter aux chiffres globaux et ne pas prendre des données partielles. Jean-Pierre Sauvage explique : « En ce qui concerne la TSBA, elle vient amplifier considérablement la charge fiscale. Loin d’être anodine, elle pèse sur le prix du billet aérien de façon vertigineuse contrairement à ce qu’annonce Flightright. Il suffit de prendre les données fournies par IATA pour s’en rendre compte : les taxes sur les billets internationaux émis en France ont augmenté de plus de 110% pour les vols longs courriers. En classe éco ces taxes représentent maintenant 62,3 euros versus 29,39 en 2024 ! Comment prétende que ‘’l’effet de cette taxe demeure marginal ‘’? C’est tout l’inverse, cette taxe fait de la France un des marchés les plus élevés des majors européens en matière de fiscalité. C’est parfaitement dommageable pour notre économie à un moment crucial où l’augmentation de l'offre de sièges en France est la plus faible en Europe, due justement aux effets délétères de cette fiscalité excessive ».
Autre raison souvent avancée : le carburant.
Flightright annonce que le prix moyen du kérosène a reculé par rapport à 2024 : environ 86 $/baril, contre 99 $ l’année précédente. Si le carburant jouait un rôle déterminant, la hausse serait continue. Elle ne l’est pas : elle se concentre sur les mois de forte demande. La dynamique tarifaire n’a rien de structurel. Elle est purement opportuniste.
Faux
Jean-Pierre Sauvage insiste pour analyser le problème dans son ensemble et sur la durée : « Pour ce qui est du carburant il faut savoir qu’il représente 26 % des charges opérationnelles. C’est donc ¼ des charges. Raison pour laquelle il faut étudier son impact sur la durée pour en connaître réellement son incidence. Il est simpliste de relever le prix à un moment M du jet fuel soumis à de constantes fluctuations dérivant de l'environnement géopolitique mondial. À cela s’ajoute la mise en œuvre du programme européen FIT for 55 imposant aux transporteurs aériens d'inclure aujourd'hui 2% de carburant SAF dans leur approvisionnement carburant et bientôt 6% en 2030. Personne ne devrait ignorer, et Flightright non plus, que le SAF coûte extrêmement cher et participe grandement à l’augmentation des coûts ».
Le moteur caché des prix
« Carburant en baisse, taxe marginale, profits en hausse : les explications habituelles ne justifient pas la flambée des prix des billets » dénonce Imane El Bouanani, responsable juridique France de Flightright. « C’est le jeu tarifaire et les services facturés qui font la différence. La stabilité économique des compagnies n’est pas menacée. Au contraire, elles affichent une rentabilité record. La vraie question n’est donc pas leur équilibre, mais le déséquilibre pour le passager : il paie beaucoup plus, sans que ce soit justifié. »
Faux
Jean-Pierre Sauvage est formel : « La démonstration tarifaire de l'entité citée démontre son peu de connaissance des mécanismes économiques auquel est soumis le transport aérien. Rappelons que cette industrie produit plus de 1000 milliards de dollars annuellement, ce qui, il est vrai, est assez considérable. Par contre les taux de marge émanant de IATA indiquent que le secteur ne dégage qu'une faible marge nette de 3,6%. Il est donc parfaitement inexact d’affirmer que le secteur aérien affiche des rentabilités records ».
La question maintenant consiste à se poser la question : pourquoi une si grande différence de lecture des chiffres ?
Il faut évoquer la situation actuelle des officines spécialisées dans la défense des droits des passagers. Elles s’attendent à subir un choc économique impactant. Le décret du 05 août 2025 imposant aux passagers de recourir au médiateur avant toute action de justice en cas de refus d’embarquement, de retard important ou d’annulation de vol va retirer une grande partie de leur business. On peut comprendre leur fébrilité et ont donc tout intérêt à justifier leur existence, même avec des interprétations de chiffre partiales.
Autre explication : il est de bon ton de taper sur l’aérien. La FNAM a sorti une étude intéressante concernant la perception des français concernant l’aérien. À la question posée : Quel est l’impact environnemental de l’aérien dans le monde ? La majorité des Français pensent que c’est plus de 10% et bon nombre vont jusqu’à annoncer des chiffres aux alentours de 30% ! l’écart entre la réaliste et la perception est abyssale sachant que le bon chiffre est 3%. Ce n’est pas la première fois que les Français sont pris à défaut sur leur niveau de connaissance économique, mais elle laisse la porte ouverte à toutes les démagogies.
Le pire exemple vient de l’ancien ministre François Ducovray qui a balayé d’un revers de main la menace de Ryanair de quitter la France en cas d’augmentation de la TSBA. Il déclarait : « On est assez habitués aux coups de semonce du patron de Ryanair qu’il ne met pas à exécution. Ça ne m’impressionne pas plus que ça. Aujourd’hui, je peux dire que Ryanair ne va pas quitter la France. » le comique. Ryanair a largement baissé sa production comme bien d’autres compagnies pour fuir cette fiscalité excessive.
Par voie de conséquence, les pays étrangers bénéficient d’un apport de visiteurs supplémentaire au détriment des visiteurs hexagonaux. Conclusion : la nouvelle taxe sur le transport aérien, qui devait rapporter 850 millions, n’a en fait rien rapporté à notre gouvernement, mais a contribué à dégrader la compétitivité du pavillon français. Pascal de Izaguirre président de la FNAM explique : « La baisse du nombre de visiteurs imputée à cette taxe s’estime, selon les études, à 3 500 000 visiteurs en moins. Par voie de conséquence, le manque à gagner en recette fiscale est peu ou prou équivalent à ces 820 millions d’euros. Autrement dit, l'impact escompté de la hausse de la TSBA, qui était de 850 millions d'euros, s'est complètement évaporé. Il a été annihilé par la perte de recettes fiscales.