Une page se tourne. Avec la disparition en début de semaine de Philippe Polderman, le cofondateur de Fram, c’est un demi-siècle d’histoire du tourisme qui s’achève. Car si le TO (à l’origine les Voyages F.R.A.M. : Fer, Route, Air, Mer) n’a pas l’image d’un défricheur, il compte parmi les pionniers de la démocratisation des vacances, avec le Club Med et Nouvelles Frontières. Mais, populaire et cocardier, il n’a jamais eu les faveurs des faiseurs de tendances. Pour être dans le coup, il faut se pâmer sur l’authenticité d’un séjour sous la yourte en Mongolie, dénigrer Marrakech (trop de monde, surfait), encenser Taroudant (une cité du Sud marocain où-l’on-casse-soi-même-les-noix-d’argan-pour-faire-son-huile) ou les îles Kerguelen, desservies une fois par trimestre en cargo, donc chic, forcément chic. Un tourisme, pardon, une certaine idée du voyage, qui concerne disons… treize personnes et demie dans les bonnes années. Quitte à avouer, sous le manteau, rentrer d’une semaine aux Dunes d’Or avec le petit dernier…
Car le consommateur est de plus en plus volatile, nous disent les études marketing. Sa pétanque, il peut la pratiquer 15 jours l’été dans une bastide du Lubéron, et une semaine à la Toussaint au Framissima Bella Maris. C’est parfois (souvent) une histoire de porte-monnaie. Mais pas seulement. Madonna s’habille bien en H & M ! Le popu, c’est sexy. Reste à convaincre le client d’assumer sa Fram attitude. Avec Kuoni et Jet tours qui n’en finissent pas de monter en gamme, il va bien falloir qu’un TO continue à s’inquièter du Français moyen. Fram, nouvelle icône bobo ? Quand on voit le destin de la sandale Birkenstock, a priori peu esthétique mais si confortable, passée en quelques mois des maisons de retraite aux pieds des stars de Hollywood, on se dit que tout est possible. Si être tendance, c’est se réapproprier les produits populaires, alors le bob Fram a toutes ses chances au panthéon de la mode, comme la sardine s’est imposée sur les tables branchées. A condition de se réinventer, à l’instar de ces marques fortes qui ont connu une seconde naissance, grâce à une stratégie industrielle ultra-bordée et un plan marketing bien orchestré. Quitte à se faire aider d’un nouvel actionnaire ? Mais ceci est une autre histoire, qui reste à écrire. En attendant, pour les 50 dernières années, on dit « respect ». Toute l’équipe de Tour hebdo s’associe à la douleur de la famille de Philippe Polderman, de ses amis et de ses collaborateurs.