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Vols annulés : Nicolas Brumelot (Misterfly) interpelle le Premier ministre sur les "abus" de l'Iata


Publié le : 10.04.2020 I Dernière Mise à jour : 10.04.2020
Nicolas Brumelot, co-fondateur et président de Misterfly, a adressé une longue lettre au gouvernement. I Crédit photo DR

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  • La rédaction

Le co-fondateur et président de Misterfly, Nicolas Brumelot, continue sa croisade contre Iata. Il a a publié le 9 avril sur Linkedin une lettre ouverte à l'attention du gouvernement français et plus particulièrement du Premier ministre Édouard Philippe. La voici.

Lettre ouverte du 9 avril 2020 à 
Monsieur Édouard Philippe, Premier ministre
Monsieur Bruno Le Maire, ministre de l’Économie et des Finances
Madame Nicole Belloubet, Garde des Sceaux, ministre de la Justice
Madame Élisabeth Borne, ministre de la Transition écologique et solidaire
Monsieur Jean-Baptiste Lemoyne, Secrétaire d’État auprès du ministre de l’Europe et des Affaires étrangères
Monsieur Jean-Baptiste Djebbari, Secrétaire d’État auprès de la Transition écologique et solidaire, chargé des Transports

copie : Madame Ursula Von der Leyen, Présidente de la Commission européenne, Madame Pascale Fontenel-Personne, députée de la Sarthe, Co-Présidente du groupe Tourisme à l’Assemblée Nationale 

 

Monsieur le Premier ministre, Mesdames et Messieurs, les ministres,

Monsieur Alexandre de Juniac, Directeur Général et Chef de la Direction de l’Association du Transport Aérien International (IATA), s’est adressé à la communauté des agents de voyages dans une lettre ouverte diffusée le 3 avril 2020.

Les propos de IATA sont à ce point choquants, que j’ai décidé de m’adresser directement à vous, afin de vous interpeller sur l’attitude scandaleuse de cette organisation envers les agences de voyages ET les consommateurs (cf. lettre ouverte adressée le 20 mars 2020 à Monsieur Alexandre de Juniac restée sans réponse).

Cette lettre ouverte permet de prendre à témoin, mes confrères, nos instances représentatives, les consommateurs ainsi que les dirigeants des compagnies aériennes membres de cette organisation, qu’il existe un état de non-droit dont bénéficient IATA et ses membres, au détriment du consommateur. Il vous appartient d’y mettre un terme en faisant respecter l’application des lois et règlements.

Selon IATA :

- « Il est pratiquement impossible pour les acteurs de l’industrie de trouver suffisamment de moyens financiers pour maintenir la chaîne de valeur du transport aérien durant la courte période qui sépare les compagnies aériennes de la faillite» ;

- « Les dettes de l’industrie pour le remboursement des passagers sont aux alentours de 35 milliards de dollars » ;

- « En l’absence de recettes, les compagnies aériennes, n’ont pas une trésorerie suffisante pour rembourser».

Doit-on comprendre que les compagnies aériennes, utilisent les recettes des vols futurs, pour payer leurs charges et trous de trésorerie d’aujourd’hui ? Cela ressemble à s’y méprendre au processus financier de la cavalerie où de nouveaux emprunts servent sans cesse à rembourser les emprunts antérieurs.

Il serait inéquitable, voir immoral, de faire financer par les consommateurs, les trous de trésorerie des compagnies aériennes. Cela serait d’autant plus immoral, que des compagnies aériennes bénéficient et vont continuer à bénéficier d’aides massives : Alitalia a été nationalisée. La Suède et le Danemark ont apporté une aide à la compagnie aérienne SAS. La Norvège a apporté un soutien à l’ensemble des compagnies aériennes du pays. Singapour a octroyé une aide de 12 milliards d'euros à Singapore Airlines. L’administration américaine a annoncé une aide de 50 milliards de dollars aux compagnies aériennes américaines.

Monsieur Bruno Le Maire a été clair quant à l’aide financière dont bénéficiera Air France-KLM : « Ce n’est pas un coup de pouce dont va avoir besoin Air France, c’est un soutien massif de la part de l’État. Air France aura ce soutien massif de la part de l’État. Nous voulons à tout prix préserver cette compagnie aérienne qui est un fleuron industriel français. »

IATA et les compagnies aériennes se tournent vers les autorités pour être renflouées par l’octroi d’aides publiques. « Nous voulons un plan de soutien avec des conditions minimales et une vitesse maximale », a déclaré Monsieur de Juniac. « Nous sommes en contact permanent avec le gouvernement. Nous discutons avec le ministre des transports quotidiennement et avec Bruno Le Maire et Muriel Pénicaud, une fois par semaine », a déclaré Alain Battisti, Président de la Fédération Nationale de l’Aviation Marchande (FNAM).

Dans le même temps, IATA mène une intensive campagne de lobbying afin d’obtenir « que les autorités de régulation, assouplissent leurs exigences de remboursement et permettent aux compagnies aériennes de remettre plutôt des bons de voyages ».

Le règlement européen N°261/2004 sur le remboursement des vols annulés, et en particulier les articles 8 §1 et 7 §3, n’est pas une « exigence », mais un règlement ! Celui-ci a donc force de loi.

La Commission européenne a rappelé l’application de ce règlement dans le contexte du Covid-19 dans sa communication du 18 mars 2020 indiquant ses « orientations interprétatives relatives aux règlements de l’UE sur les droits des passagers au regard de l’évolution de la situation en ce qui concerne le Covid-19 :  Il convient de distinguer cette situation des circonstances dans lesquelles le transporteur annule le voyage et ne propose qu’un bon au lieu d’offrir le choix entre un remboursement et un réacheminement. Si le transporteur propose un bon, cette offre ne peut pas affecter le droit du passager d’opter plutôt pour un remboursement ».

Il est utile de préciser, que l’obligation de remboursement qui pèse sur les compagnies aériennes pour les vols annulés, s’applique dans la plupart des régions du monde.

Aux États-Unis, le Département d’État aux Transports, a rappelé, le 3 avril 2020 (cf. « Enforcement Notice regarding refunds by carriers given the unprecedented impact of the Covid-19 public health emergency on air travel ») :

- L’obligation de rembourser immédiatement les vols annulés, pèse sur les compagnies aériennes depuis de nombreuses années ;

- L’obligation reste en vigueur, y compris sur le délai de remboursement, dans le contexte du Covid-19 ;

- Exercera de façon discrétionnaire son pouvoir de poursuites afin de permettre aux compagnies aériennes de se mettre en conformité avant de prendre d’autres mesures ;

- N’est pas opposé à la possibilité de proposer des avoirs. Toutefois, cela doit se faire avec le consentement du passager, et en rappelant au passager que ce dernier a le droit au remboursement s’il le souhaite.

L’Aviation Enforcement Office du Département d’État aux Transports suivra les pratiques des compagnies aériennes et engagera les poursuites nécessaires au respect de l’obligation de remboursement. Le Département d’État aux Transports précise que cette obligation s’impose aux compagnies aériennes américaines comme étrangères.

Cela fait maintenant trois semaines que la Commission européenne a rappelé aux compagnies aériennes que le règlement européen continuait de s’appliquer dans le contexte du Covid-19.

Comment dans ce contexte expliquer qu’aucune mesure n’a été engagée contre les compagnies aériennes qui refusent toujours d’appliquer le règlement, en « confisquant » la trésorerie des consommateurs ?

Cela est d’autant moins compréhensible et acceptable que cette situation de non-droit se prolonge :

- Au préjudice des consommateurs envers lesquels IATA estime avoir une « dette de 35 milliards de dollars pour le remboursement des passagers ». Consommateurs dont il n’est jamais fait mention dans les communications de IATA ;

- Alors que plusieurs compagnies aériennes bénéficient déjà d’aides massives d’argent public ;

- Alors que « plusieurs compagnies aériennes seraient en faillite » et demandent de pouvoir remplacer le remboursement par un avoir, sachant qu’il n’existe aucune mesure de protection du consommateur en cas de faillite !

- Alors que les agences de voyages, TPE et PME pour la plupart, agents accrédités des compagnies aériennes, sont considérées comme responsables envers le consommateur de l’obligation de remboursement, alors qu’elles ne sont pas responsables du non-respect de l’obligation de remboursement.

L’administration américaine, va exercer son pouvoir de sanction, pour faire respecter l’obligation de remboursement qui s’applique à l’ensemble des compagnies aériennes aux États-Unis, quelle que soit sa nationalité.

Si aucune mesure de respect du droit n’est appliquée en France et en Europe, il vous faudra alors expliquer aux consommateurs français et européens, pourquoi aux États Unis un consommateur aura bénéficié du remboursement de son vol annulé, sur Air France ou Lufthansa par exemple, alors que le passager européen du même vol, n’aura pas eu le droit au remboursement.

Il est également nécessaire d’expliquer pourquoi dans ce contexte et des agissements de IATA, les agences de voyages sont gravement spoliées :

- Les clients-consommateurs exigent de leur mandataire (CQFD, l’agence de voyages), l’application du règlement européen et donc d’avoir à leur rembourser les billets annulés, peu importe que ceux-ci aient été réglés par les agences de voyages aux compagnies aériennes (calendrier de règlement IATA qui n’a bénéficié d’aucun assouplissement malgré le contexte de crise historique). Nos agents se font laminer au téléphone ; les clients nous menacent ; les réclamations s’accumulent. C’est d’une violence inouïe ;

- Il existe à peu près autant de règles et de procédures d’annulation (remboursement, émission d’un avoir, autorisation d’un report), qu’il existe de compagnies aériennes. Chaque processus est différent ce qui provoque une charge de travail titanesque, qu’il ne sera pas possible de résorber avant de nombreux mois. Cette gigantesque charge de travail provoquée par les compagnies aériennes, n’est pas rémunérée ;

- IATA, qui estime avoir une « dette de 35 milliards de dollars pour le remboursement des passagers », continue d’exiger et d’imposer le respect, par les agences de voyages, de leurs obligations. Cette exigence se poursuit alors que « les taux de défauts de 2020 sont légèrement inférieurs à ce qu’ils étaient il y a un an ». Dans sa grande générosité, IATA « offre d’étirer d’un mois les délais pour le dépôt des comptes annuels », tout en reconnaissant « que dans l’environnement actuel, il peut être difficile, voire impossible, de faire réaliser des audits financiers » ;

- Les agences de voyages, n’ont AUCUNE dette envers IATA, mais restent soumises à un contrôle financier strict par IATA. Dans le même temps, IATA et les compagnies aériennes membres, qui a une « dette de 35 milliards de dollars envers les consommateurs » et donc envers leurs mandataires (CQFD, les agences de voyages), n’est pas soumise à une procédure de contrôle de leur situation financière ;

- IATA et les compagnies aériennes membres ne sont soumises à aucune garantie en cas de faillite alors qu’elles encaissent pourtant le prix du vol plusieurs mois à l’avance.

Doit-on comprendre que les compagnies aériennes sont autorisées à utiliser les recettes des vols futurs, pour faire face à leur trou de trésorerie d’aujourd’hui ? Lorsque l’on sait qu’un certain nombre d’elles ont distribuées des dividendes à leurs actionnaires ces dernières années, c’est inacceptable, intolérable et immoral.

La communauté des agences de voyages n’est pas opposée à permettre un assouplissement du règlement européen sur le droit au remboursement des passagers pour les vols annulés. IATA a toujours refusé la recherche d’une solution, qui consisterait à prendre en considération les intérêts autres que ceux exclusifs des compagnies aériennes, à savoir, les intérêts des agences de voyages ET de celles des consommateurs.

Cet éventuel assouplissement, doit donc être strictement encadré :

- Les passagers sont fortement touchés par la crise, et beaucoup d’entre eux pourraient avoir besoin de ces remboursements. La substitution d’un remboursement par un avoir, devra recueillir l’accord du passager ;

- L’assouplissement sur le droit au remboursement ne doit pas viser à supprimer les autres protections dont bénéficient les passagers ;

- La procédure d’émission, de validité et d’utilisation des avoirs, doit être identique pour l’ensemble des compagnies aériennes ;

- L’avoir doit bénéficier d’une garantie financière pour couvrir le remboursement en cas de non-utilisation à l’issue de la période de validité ou de faillite de la compagnie aérienne ;

- Les agences de voyages doivent bénéficier des compagnies aériennes d’une indemnisation pour le traitement et la gestion des avoirs.

105 députés français issus de divers groupes politiques ont co-signé aujourd’hui [le 9 avrl, NDLR] une lettre à l’initiative de Madame Pascale Fontenel-Personne, co-présidente du groupe Tourisme à l’Assemblée Nationale, pour réclamer la mise en place « d’un fonds passagers garantissant aussi bien les voyageurs que les agents de voyages », considérant que « le secteur est doublement lésé par les pratiques abusives des compagnies aériennes et de leur représentant IATA », pointant du doigt un risque pour le consommateur et l’agent de voyage.

Les agences de voyages sont un maillon essentiel de la chaîne du voyage et de la distribution du transport aérien en particulier. Elles doivent donc être associées étroitement à toute évolution de la règlementation.

Dans un courrier adressé le 30 mars 2020 au Président de la République, auquel « il n’a pas été possible de répondre de manière personnalisée face à l’abondance des courriers reçus », je faisais remarquer au président, que la solidarité, appelé de ses vœux, notamment de la part des grandes entreprises, ne se traduisait pas sur le terrain.

J’ai alerté le Président de la République sur l’abus de position dominante et des pratiques déloyales dont nous faisons l’objet de la part de IATA (cf. supra).

Je rappelais enfin que le devoir du gouvernement était d’assurer que les mesures de soutien massives que le Président a décidé d’apporter à l’économie, sont adressées prioritairement aux plus faibles, et aux plus vulnérables : les micro-entreprises, TPE, PME et ETI, qui constituent le tissu économique du pays.

Ces mesures de soutien ne doivent pas être dirigées prioritairement vers les grandes entreprises. Les « petites » entreprises représentent une part prépondérante du tissu économique français. Elles sont aussi son ciment social, avec leurs implantations sur tout le territoire.

La pratique qui consiste donc à soutenir prioritairement Air France-KLM (« Air France aura ce soutien massif de la part de l’État. Nous voulons à tout prix préserver cette compagnie aérienne qui est un fleuron industriel français »), tout en « l’exonérant » de son obligation de remboursement sur les vols annulés (en Europe, puisqu’aux États Unis, Air France-KLM devra rembourser), constitue une terrible injustice envers les TPE-PME que nous sommes et envers les consommateurs européens.

Cette pratique de soutien aux « fleurons industriels », pourtant contraire à la doctrine du Président de la République, qui oppose « petites » et « grandes » entreprises, renforcera le profond sentiment d’injustice sociale qui existait déjà dans notre pays avant le déclenchement de cette crise historique.

Le monde a été bouleversé. Les pratiques du passé sont obsolètes. Le gouvernement doit veiller dans ce contexte dramatiquement historique, à plus de justice économique et sociale ainsi qu’à une plus forte solidarité et exemplarité.

Je vous remercie par avance de votre bienveillante attention et je vous prie de croire, Monsieur le Premier ministre, Mesdames et Messieurs les ministres, à l’expression de ma considération distinguée.

Nicolas Brumelot

Président et co-fondateur MisterFly

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