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Jean-Luc Michaud : ‘’El Professor’’ du tourisme


Publié le : 20.11.2025 I Dernière Mise à jour : 20.11.2025
Jean-Luc Michaud : ‘’El Professor’’ du tourisme I Crédit photo Michel Messager

Auteur

  • Michel Messager

Lorsque l’on converse avec Jean-Luc Michaud, on est frappé par son écoute et sa modestie, l’une et l’autre allant d’ailleurs de pair. Puis la conversation se poursuivant on comprend pourquoi cet homme est si réservé tant il connaît tous les détails l’histoire et la politique touristique française

 

La rubrique de Michel Messager

« Je vous parle d’un temps où les jeunes qui travaillent aujourd’hui dans le secteur du tourisme ne peuvent pas connaître… »

 

« Le savoir est un champ, mais s’il n’est ni labouré ni surveillé, il ne sera pas récolté. » Proverbe peul

 

En tant que grand commis de l’État, il sait ce que le droit de réserve veut dire. Mais, ardent et fervent défenseur de l’intérêt général, il a su, dans les différents postes qu’il a occupés, défendre toujours ses idées, même si elles n’étaient pas dans le ‘’politiquement correct’’.

Depuis les années 1970, il a non seulement connu, mais fréquenté et souvent inspiré tous ceux qui ont eu une quelconque influence sur la politique touristique. Rien que des Ministres ou des Secrétaires d’état au Tourisme, il en a connu 30 avec lesquels il a travaillé, directement ou indirectement. Qui dit mieux ?

 

C’est peut-être pour cela que certains le surnomment ‘’El Professor’’.

Qui ne rêverait d’avoir une fille ou un fils avec un tel cursus universitaire ? Après des études secondaires au lycée Pasteur de Neuilly, Jean-Luc Michaud s’oriente vers la géographie, la sociologie et la psychologie à l’Université naissante de Paris X Nanterre, où il complète sa licence ès-lettres par une maîtrise de géographie urbaine après avoir fondé en 1964 l’association des étudiants UNEF-Nanterre.

Ancien élève de Sciences Po (1970) et diplômé du Cycle supérieur d’aménagement et d’urbanisme de l’IEP où il devient l’assistant de l’ancien ministre Edgar Pisani. Il soutient en 1975 avec les félicitations du jury son doctorat de géographie et d’aménagement à l’Université de Paris I Panthéon Sorbonne. Cerise sur le gâteau, il est lauréat en 1985 du Cycle de perfectionnement de l’ENA (École nationale d’administration).

Entré en 1970 à la Délégation à l’Aménagement du Territoire et à l’Action Régionale (DATAR), il est rapporteur du 1er Schéma National du Tourisme français auprès de Roger Godino, fondateur de l’INSEAD et de la station des Arcs. Il devient ensuite l’un des piliers de l’équipe interministérielle dédiée à l’aménagement à long terme du littoral français, qui sera à l’origine de la création du Conservatoire du littoral en 1975.

Durant cette période il sera également chargé de cours au Centre d’études supérieures du tourisme à l’Université de Paris I et professeur à l’École Spéciale d’architecture de Paris, dont il est administrateur.

 

En 1973, il est appelé par le Commissaire Général au Tourisme pour constituer le service des études, de la recherche et de la statistique. Il conduit de 1974 à 1980 la préparation des premiers Comptes satellites du Tourisme, mettant en place la méthodologie, qui sera reconnue par l’OCDE, l’OMT, l’UE et les Nations-Unies et aujourd’hui appliquée par 70 pays dans le monde.

Au cours de cette période, il connaîtra, sous les gouvernements Mesmer, Chirac et Barre, de grands ministres du Tourisme tels qu’Olivier Guichard, un des « barons du gaullisme, Maire de La Baule ou Jacques Médecin, Maire de Nice à la vie que l’on peut qualifier de ‘’romanesque’’.

Il est par ailleurs nommé rapporteur de la Commission « Choisir ses loisirs » qui propose en 1978 au Président de la République une politique sociale des loisirs et la création du « titre-vacances ». Pour Jean-Luc, nommé en 1979 rapporteur général de la Commission tourisme du 8è Plan, les comptes du tourisme se portent bien, puisqu’à peine 12% des séjours des Français se font à l’étranger, principalement dans les pays limitrophes et guère plus de 1% des trajets de vacances se font en avion.

Alors que les vacances sont plus que jamais à l'ordre du jour avec la cinquième semaine de congés payés pour tous les salariés en 1981, Jean-Luc Michaud siège désormais au sein de la Commission nationale de réforme de la Planification et participe à différents cabinets ministériels, où il est notamment en charge de la création du chèque-vacances et de la préparation des lois « montagne » et « littoral ».

Il avait entre-temps publié le livre-cri d’alarme « Manifeste pour le littoral » en 1977, traduit en espagnol et premier lauréat du « Prix du livre de l’environnement » décerné sous la présidence de l’académicien Louis Leprince-Ringuet.

Chargé de mission d’inspection générale dès 1985 puis promu Inspecteur général du tourisme, il est alors nommé Secrétaire général du Conseil supérieur du tourisme dont il assure en 1986 la réforme et la relance sous l’appellation de Conseil national du tourisme.

A noter que déjà et bien avant les ‘’ayatollahs du tourisme vert’’, Jean-Luc publie en 1983 un des premiers ouvrages sur ‘’ Le Tourisme face à l’environnement », où il développe l’article prospectif qu’il avait publié dès 1970 dans la revue Espaces -Tourisme, loisirs, environnement, revue qu’il avait co-fondée la même année.

Une petite digression sur ce Conseil national du tourisme composé de 200 personnalités marquantes issues des milieux professionnels privés, institutionnels et associatifs du tourisme et qui avait pour mission de formuler des propositions à l’intention du ministre et de façon plus générale de la communauté du tourisme. C’était un outil qui fonctionnait si bien, parfaitement démocratique et peu coûteux (les membres étant bénévoles) qu’il a été supprimé en 2018 ! sous le Gouvernement d’Edouard Phillipe qui ne comportait ni Secrétaire d’État au Tourisme, ni bien entendu Ministre dédié. Cela explique cela. Sans commentaire…

En 1989, il est nommé Directeur du Tourisme et le restera jusqu’en 1994, sous les gouvernements Rocard, Bérégovoy, Cresson et Balladur, avec pour Ministres chargés du Tourisme François Doubin, Olivier Stirn, Jean-Marie Rausch, Jean-Michel Baylet et Bernard Bosson. A ce poste stratégique, il est le véritable patron du tourisme français. Reconnu par les professionnels pour ses compétences et sa connaissance du secteur. Il est élu en 1989 « Personnalité de l’année du tourisme ». Il conduit notamment l’élaboration des lois portant respectivement sur la commercialisation du tourisme et l’organisation territoriale du tourisme, adoptées à l’unanimité par le Parlement et promulguées en 1992. Il crée en 1990 l’Observatoire national du tourisme.

Sous sa direction, et conformément à la stratégie qu’il avait soumise au Premier ministre, la France en 1990 dépasse pour la première fois la barre des 50 millions de visiteurs étrangers, le secteur réalisant un chiffre d'affaires de 580 milliards de francs et sa balance extérieure dégage un excédent de 45 milliards de francs. Du jamais vu. Le Graal !

Comme directeur du tourisme, il comprend et accompagne judicieusement l’entrée de l’industrie touristique dans une nouvelle ère : loisir de masse, internationalisation, essor de l’événementiel, ‘’tout-inclus’’, mais aussi la standardisation des offres et le début des nouvelles technologies (il est présent à 2 h 47 du matin, le 7 janvier 1992, lorsque le premier dossier passager informatique d'Amadeus International est créé dans les bureaux niçois du GDS).

 

Pour l’avoir connu à cette époque, je dois dire qu’avec lui ‘’ça ne rigolait pas’’ ! Nous avions un interlocuteur maîtrisant parfaitement ses dossiers, concret, précis et pragmatique ; bourreau de travail, toujours à l’écoute de ses interlocuteurs avec bienveillance, mais intransigeant sur l’intérêt général. Un grand commis de l’État au sens noble du terme, d’ailleurs reconnu par la nation qui l’élève au grade d’Officier dans l’ordre national du mérite en 1995, puis d’Officier de la Légion d’Honneur en 2000.

 

En bon géographe, il est aussi homme de terrain et s’implique dans la vie locale et régionale, comme élu municipal, intercommunal et régional en Ile de France durant plus de 25 ans. Il est à ce titre élu à l’unanimité en 1998 président du Comité régional du tourisme de Paris-Ile de France et pilote aussitôt, avec l’appui des autres structures régionales du tourisme, l’accueil de la Coupe du monde de football ainsi que la préparation du nouveau schéma régional du tourisme et des loisirs.

 

Revenant à son corps d’origine, comme inspecteur général du tourisme, il effectue de nombreuses missions à l’international à la demande de l’État, de l’UNESCO, de l’OCDE ou de l’OMT et continue, ce qui depuis le début de sa carrière est une des ses passions, à enseigner ‘’la bonne parole touristique’’ (HEC, ENA, IEP Paris, Universités de Paris I, Paris IV, ParisVIII et Paris X). Professeur associé des Universités à Paris 1 puis au CNAM, Il crée avec B Morucci, directeur de l’IREST qu’il présidera, la Chaire UNESCO pour le Tourisme, ainsi que le premier Master de droit du tourisme avec Laurence Jegouzo. C’est aussi l’une de ses caractéristiques, voire même pour lui une ardente obligation que de transmettre les savoirs. D’où peut-être son surnom,‘’El professor’’.

 

Il propose en 1998 à la Secrétaire d’État au Tourisme, Michelle Demessine dans le gouvernement Jospin, la création du Code du Tourisme dont il est chargé de diriger les travaux dès leur lancement en 2000 jusqu’à leur approbation à l’unanimité par le Parlement en 2004 - après avoir été en 2002 nommé chef du Service de l’Inspection générale.

En 2006, en tant qu’Inspecteur général du développement durable, il est chargé par le Gouvernement de créer et présider le Comité français pour le développement durable du tourisme dans le cadre du Programme des Nations-Unies pour l’environnement. Il fait adopter à Marrakech en 2010, à la tête de la délégation française, la création auprès des Nations-Unies du Partenariat mondial pour le développement durable du tourisme.

Nommé Chef de mission de Contrôle général économique et financier au Ministère de l’Economie et des Finances, il conduira de 2008 à 2010 plusieurs missions sur le développement du tourisme, demandées par le Parlement dans le cadre de la loi de modernisation du tourisme.

On aurait pu croire qu’avec une telle carrière au service du tourisme français, que Jean-Luc aurait pris une retraite bien méritée. C’est mal connaître le ‘’bonhomme’’.

Dès 2011, ce militant de la justice sociale par l’insertion et de la transmission des savoirs est élu vice-président, puis président de l’Institut national de formation et d’application (INFA) issu en 1945 des mouvements de la Résistance et de l’éducation populaire, présent notamment dans les domaines des loisirs, du tourisme, de l’animation et des métiers HCR. Il engage la transformation de l’association en Fondation, reconnue d’utilité publique en 2015 et met en place une nouvelle gouvernance dès 2016.

Aujourd’hui, il mène avec brio - toujours son goût pour la transmission des savoirs - l’Institut Français du Tourisme, qu’il a fondé avec Paul Dubrule Co-président fondateur d’ACCOR et l’ancien ministre du Tourisme Jean-Jacques Descamps. Président exécutif depuis l’origine de l’IFT, à travers cet organisme, il associe les principaux partenaires territoriaux, académiques et professionnels français pour contribuer à mieux faire reconnaître le tourisme et en professionnaliser les acteurs, qu’il représente au Conseil national de la mer et du littoral.

Pour Jean-Luc Michaud, ‘’le combat continue’’ pour porter plus haut et plus loin le tourisme français !

 

Quand on demande à Jean-Luc Michaud quel est son plus beau souvenir de voyages, cet amoureux de la mer et des littoraux évoque le choc d’un premier petit matin dans l’Antarctique, illuminé par l’indicible transparence de l’atmosphère et l’absolue blancheur des glaces.

 

Sa plus grande fierté ? « Avoir réuni à Hyères les Palmiers en 1993 tous les ministres méditerranéens autour du ministre français du tourisme, pour la première conférence euro-méditerranéenne sur le tourisme et le développement durable et placé côte à côte les représentants d’Israël et de la Palestine pour bâtir un avenir touristique partagé : mais ce grand moment d’espoir a fait place à une infinie déception. »

 

Sa plus grande inquiétude ? « Ne pas parvenir à mener à bien la préparation de la loi de 1992 sur la commercialisation du tourisme, qui avait demandé trois ans de concertations acharnées aux niveaux national et communautaire pour faire évoluer, par un large consensus obtenu au terme de plus de deux cents réunions, la performance de l’offre touristique française et ses intérêts contradictoires. »

 

Ce portrait, si est un hommage à Jean-Luc Michaud, il est aussi, et je suis persuadé qu’il l’acceptera comme tel, un hommage à toutes ces femmes et tous ces hommes de l’administration que l’on croise au cours d’une vie et qui pour la grande majorité d’entre eux méritent notre respect, notre considération et notre admiration pour leur abnégation, leur travail et leur sens de l’intérêt général. Jean-Luc, adepte du travail en équipe, pour sûr, fait partie de cette majorité.

 

NB Parmi la dizaine de livres sur le tourisme écrits par Jean-Luc Michaud, dont l’ouvrage qu’il a mené à bien en 1992 avec des auteurs prestigieux dans la Nouvelle Encyclopédie Diderot intitulé « Tourismes : Chance pour l’économie, risque pour les sociétés ? », difficile d’en choisir un. Aussi, je vous conseille son dernier ouvrage (2026), créé et co-dirigé avec le Pr Jean-Marie Breton, le « Dictionnaire français du tourisme et de droit du tourisme » aux Editions Mare et Martin (coll Tourisme durable.

 

 

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