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Michèle Sani ‘’La Dame Rayonnante’’


Publié le : 31.10.2025 I Dernière Mise à jour : 31.10.2025
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Auteur

  • Michel Messager

Elle est l’une de ces personnes dont on aurait aimé qu’elle soit notre confidente, notre amie, notre petite ou grande sœur … tant elle sait attirer la sympathie due sans doute à son humeur toujours au beau fixe, son sourire rayonnant et son regard malicieux et pétillant de petite fille

« La joie est le soleil des âmes ; elle illumine celui qui la possède et réchauffe tous ceux qui en reçoivent les rayons. » Carl Reysz

La rubrique de Michel Messager

 

« Je vous parle d’un temps où les jeunes qui travaillent aujourd’hui dans le secteur du tourisme ne peuvent pas connaître… »

Rayonnante est pour moi le mot qui symbolise le mieux Michèle Sani. Partout où elle se trouve, au pied de la Grande Muraille de Chine, dans un bus de Bangkok, un ferry du port de San Francisco ou une rue parisienne, Michèle irradie par sa gentillesse et sa disponibilité.

Pourtant, il ne faut pas s'y fier, derrière cette ‘’copine’’ se cache une Grande Dame du Tourisme qui mérite tout notre respect comme notre admiration, tant son parcours de vie est riche et hors du commun. Si elle a connu et confessé tous les personnages de notre profession (elle a visité le monde entier), sa vie est aussi un film captivant sur le siècle qu’elle a traversé et les expériences qu’elle a vécues.

Sa modestie, sans doute, l’a empêché d’écrire un livre sur sa vie, dommage, car avec sa plume, douce et précise, qu’elle a enrichie au cours de sa carrière de journaliste touristique, elle en aurait fait un best-seller.

Rares sont ceux ou celles dont on peut dire que c’est un ‘’personnage’’, Michèle Sani en fait partie.

Michèle est née en Tunisie en avril 1940. Ses parents étaient instituteurs, tous 2 d'origine italienne. Le 6 septembre 1943 son père rejoint à Alger "Le Comité de la France Combattante". En octobre 1944 mère et fillette quittent Alger pour être rapatriées en avion militaire sur Paris. « De ces années de fin et d'après-guerre, je garde des souvenirs à la fois heureux et chaotiques » énonce aujourd'hui Michèle.

 

Et ce sont les années difficiles de son adolescence. « Je suis pensionnaire dans une institution sévère, sinistre et mal chauffée. Je me souviens des hivers interminables. Je rêvais d'évasions en grelottant... Je préfère oublier ». À 17 ans elle part comme jeune fille au pair à Londres. « Je découvre les surprise-partys. À la radio on passe en boucle Sinatra et Liberace. Je vais de temps en temps aux cours d'anglais. Tout va bien ».

Retour en France, elle vient d'avoir 18 ans et veux continuer à sortir, à faire la fête tout en vivant chez ses parents. « Mais un jour mon père s’énerve et il décide sur-le-champ de m’inscrire à l’École Supérieur de Secrétariat rue de Liège et au Centre d'art dramatique par l'acteur Yves Furet. »

 

Michèle trouve son premier emploi en 24 heures. À 19 ans elle est dactylo dans un pool à l'usine Hispano-Suiza à Bois-Colombes. Très vite elle se tourne vers l'intérim. Elle ne doit être assez performante, car l'organisme lui confie des missions de confiance à travers lesquelles, hasard heureux ou pas, elle rencontre des personnages, disons... atypiques.

Et les exemples se bousculent. En voici un parmi tant d’autres… « Dans une société d'édition, les Cahiers de l'Herne rue de Tournon, je rencontre un groupe de jeunes écrivains et intellectuels parmi lesquels se trouve un gentil jeune homme à l'œil de verre. Son nom ? Jean-Edern Hallier. Je continuerai à le voir pendant ma mission et durant près de 20 ans Jean-Edern m'appellera au moins une fois par an pour prendre de mes nouvelles. »

 

1968 : à chacun ses combats ! Pour certains c’est l’année où les ‘’Maos’’ et les’’ Trotskos’’ prennent la Sorbonne. Pour Michèle c’est l’année où le tourisme et le voyage entrent dans sa vie. « Avec ma sœur, nous décidons de prendre de longues vacances et nous partons avec ma Renault 4L, direction Paris-Marseille-La Goulette. Nous allons alors sillonner la Tunisie dans tous les sens et faire de longues haltes dans la maison que notre père vient d’acheter. » (Elle l’a toujours aimé et se ressourcer dans cette maison familiale de Tabarka, comme de recevoir ses amis).

1970 : à Paris, Hosni Djemmali, jeune directeur de l’Office du Tourisme de Tunisie, décide de créer son entreprise, ‘’Tunisie Contact’’. Connu sous le nom de Sani Marchal, le père de Michèle est alors l'un des rédacteurs en chef de Radio Monte-Carlo très écoutée en Tunisie. Leurs bureaux sont voisins et ils se rencontrent souvent. « Hosni qui cherchait du personnel pour ouvrir son agence me contacte de la part de mon père. Je l'ai rejoint avec comme seul bagage professionnel ma connaissance de la Tunisie. J'ai commencé le métier d'agent de voyages en apprenant sur le terrain, vendeuse puis cheffe de produit ! Et j’ai vraiment vécu en direct le déploiement du tourisme tunisien ».

Au bout de 4 ans de Tunisie, Michèle en a fait le tour et souhaite changer de sujet. De plus, elle s'est mariée avec un étudiant en architecture dont les études n'en finissent plus de durer... Ils sont tous deux parents d'une petite fille, mais elle assume tout "La séparation était inévitable".

Elle apprend que ‘’Paquet’’, la grande - et seule - compagnie de croisière française au départ de France, cherche des commerciaux. Pour seule expérience de la croisière, elle n’a … que les ferries qui lui ont permis de gagner l’Angleterre ou la Tunisie. Cela ne l'arrête pas. Avec un certain culot ou une vraie insouciance, elle postule… et est engagée par Claude Dexidour, un grand Monsieur de la croisière aujourd’hui disparut.

« Les débuts chez Paquet sont difficiles, surtout avec les chefs d’agences et les vendeuses qui, pour beaucoup, connaissaient mieux le ‘’produit’’ que moi. Certains cadors de l’époque, des vedettes, étaient redoutables. Pour être servis, les clients prenaient rendez-vous. Alors pensez, une petite commerciale… » Elle restera 5 ans chez Paquet.

 

Faisant partie d’une des vagues de licenciement, elle rebondira très rapidement chez Daro voyages, agence prestigieuse située rue Royale avec des implants dans d’importantes sociétés. Le patron, Philippe Bamberger, un homme qui comptait alors dans les instances professionnelles, lui confie la création du service ‘’incentive".

 

En 1981 elle vient d'avoir 40 ans. À l'issue d'un séminaire professionnel, elle rencontre celui qui va faire basculer sa vie professionnelle : Pierre Doulcet, journaliste de tourisme sur Europe N°1 et Télé 7 jours. Il vient de créer ‘’Tour Hebdo’’, le célèbre hebdomadaire à destination des professionnels du tourisme. « Je l’aborde et lui dis que j’aime écrire. Il me demande de lui envoyer des textes sur mes derniers voyages. Ce que je fais. Il m’engage comme pigiste. Avec lui, j’apprends le métier. Et du métier, il en a. »

En 1983, Pierre Doulcet engage définitivement Michèle et c'est le début d'une carrière qui durera près de 40 ans ! Souvenirs, souvenirs... « Durant ces premières années, nous formions une merveilleuse équipe. Je pense souvent à Pascal Pagnoux, rebelle et génial. Durant plus de trois ans nous partagions le même bureau, face à face, ce qui l’amenait à dire que j'étais la femme avec laquelle il avait le plus longuement vécu ! D'un autre style, ce fut aussi une belle expérience de travailler avec Pierre Amalou un autre "grand" du tourisme qui avait repris la direction de Tour Hebdo après le départ de Pierre Doulcet ».

Bien sûr, la nouvelle vie de Michèle, ce seront des dizaines et des dizaines de voyages aux quatre coins du monde. Parmi ceux-ci : Le Yemen qui s’ouvre à peine au tourisme, Cuba encore sous influence soviétique « on parle russe partout ». Varadero qui n'est encore qu'une immense plage déserte avec seulement une grande et luxueuse demeure construite en 1930 par un milliardaire américain : Dupont de Nemours. Dubaï, « il n’y a pas une tour, seulement deux hôtels dont Le Djebel Ali, pour moi le luxe suprême avec une piscine ré-fri-gé-rée ! ». Et aussi le Concorde. « J'ai participé au premier tour du monde du Concorde organisé par Kuoni Londres et Kuoni France. Un voyage étourdissant, une expérience humaine, un exploit en termes d'organisation et de maintenance et surtout, un évènement mondial. »

 

Mais le quotidien de Michèle, ce sont aussi les grands événements de la Profession… et quel quotidien ! Elle a couvert tous les grands moments, parmi ceux qui l’ont plus marqué : « Le carnet de change en 1983 sous Mitterrand, qui interdit pratiquement aux Français de sortir de France pour la première et la seule fois de toute leur histoire. Les professionnels du tourisme descendent dans la rue et manifestent avec des pancartes, place de l’Opéra. L’émotion de tous et l’esprit de solidarité des tour-opérateurs au lendemain des attentats du 11 septembre 2001. La loi Novelli qui change radicalement le métier d'agent de voyages. L'instauration de la commission zéro... ».

Plus prosaïquement, le métier de journaliste c’est aussi des interviews, Michèle en aura fait des centaines de l’agent de voyage au ministre, du patron de TO au directeur d’office de tourisme, du président de syndicat au guide interprète… Elle les aura tous vus. Elle les aura tous interrogés, mais toujours avec la bienveillance, la civilité et le professionnalisme qui la caractérise. Elle ne recherchait ni le scoop ni sa propre mise en valeur, mais tout simplement avec la vérité et la sensibilité de la femme ou l’homme interviewé. Dans sa vie comme dans sa profession, Michèle Sani est ce que l’on appelle avec toutes les qualités que cela comporte, une ‘’Honnête Femme’’.

Pour en avoir souvent été le témoin, je dois dire qu’elle était toujours angoissée à l’idée d’interviewer une personne, quel que soit son degré de hiérarchie. Dans la mesure du possible, elle préparait attentivement ses entretiens, documents à l’appui et se mettait à chaque fois dans la peau du lecteur pour trouver les questions les plus pertinentes.

Philippe Bouvard disait que "le journaliste doit avoir le talent de ne parler que de celui des autres". Je crois que cette maxime lui correspond parfaitement.

 

Pendant quelques années on ne voit plus beaucoup Michèle. On sait qu’elle a trouvé celui qui sera désormais son compagnon de vie. Avec lui elle parcourt le monde et profite de l’instant présent. Le décès de son compagnon la ramène à la dure réalité de la vie. N’importe qui, connaissant cette histoire, aurait été anéanti. Pas Michèle !

 

À 67 ans elle recommence une carrière de journaliste. « Jean da Luz, le président du groupe TourMag, m'a contactée de la part de Pierre Amalou. Alors que d'autres s'apprêtent à prendre leur retraite, je me lance dans le web, dans l’immédiateté ».

Et c’était reparti de plus belle avec certes un peu moins de voyages, mais toujours avec la même passion et la même empathie pour la jeune équipe Tourmag qui avait la moitié de son âge et qu’elle ne remerciera jamais assez de lui avoir fait découvrir le monde du "Net".

Qui mieux que son patron, Jean Da luz, peut parler de cette époque. Voici ce qu'il lui écrivait à un moment où elle décidait de prendre « vraiment » sa retraite. « Tu nous a donné une grande leçon d'adaptation et de professionnalisme lorsque tu as relevé le challenge de collaborer à TourMaG.com. Je n'ai pas souvenir que tu as manqué un quelconque rendez-vous (y compris à l'étranger) lorsque tu couvrais des événements et nous adressais dans la foulée tes articles. À l'époque il n'était pas toujours évident de trouver des connexions dans des lieux parfois exotiques. Battante et opiniâtre, une main de fer dans un gant de velours, c'est tout toi et c'est comme ça qu'on t'aime. Respect et chapeau bas ! »

 

Aujourd’hui Michèle est à la retraite qu’elle a prise définitivement en 2022 à 82 ans (prenez-en de la graine les ‘’jeunots’’). Quasiment tous les jours, quand elle ne sort pas avec sa fille (sa fierté), elle parcourt sa capitale bien aimée, Paris, allant de musées en expositions, de théâtres en cinémas, déjeunant avec ses ‘’copines’’, participant aux activités de l’Association française des seniors du tourisme (AFST) dont elle a été l’une des fondatrices. Le soir elle dévore les séries sur Netflix ou Canal quand elle n’est pas branchée sur les chaînes d’infos en continu, journalisme oblige.

 

Quand on demande à Michèle, quelle est sa plus grande fierté ? « Quand ma fille rentre à Normale Sup" rue d'Ulm. Quand je réceptionne ma carte de journaliste n° 52715. »

 

Sa plus grande déception ? « Le désastre du Printemps arabe. J’ai couvert pour TourMag toute cette période. J'étais en Tunisie le 14 janvier 2011. J'y croyais... Et regarde le résultat aujourd'hui. "Pire qu'avant !" et ce n'est pas moi qui le dis... Là-bas tu entends cela partout. »

 

Sa plus grande émotion ? « Quand j'ai découvert en 1968 Tabarka et son magnifique cimetière marin où sur deux tombes oubliées étaient gravés les noms de Adrien et Francesca Sani mes deux arrière-grands-parents. Les racines.... C’est quelque chose de fort. »

J.L Borges, l’écrivain argentin répondait à un journaliste qui lui demandait de résumer sa vie. Il lui fit cette réponse : « Que voulez-vous que je dise de moi ? Je ne sais rien de moi ! Je ne sais même pas la date de ma mort. »

Le plus tard possible Michèle, nous avons toujours et plus que jamais besoin de toi, de ton humeur toujours au beau fixe, de ton sourire rayonnant, de ton regard malicieux et pétillant de petite fille et de ta joie de vivre.

 

© Michel Messager

 

 

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