Le mercredi, c'est permis ! Thierry Beaurepère est de retour pour vous faire part de son humeur du moment. Cette semaine, il pointe du doigt l'arrivée massive des compagnies du Golfe dans les aéroports régionaux tricolores... Une bonne nouvelle pour les voyageurs.
En pleine campagne pour les élections européennes, voilà un sujet qui devrait faire bondir le Front National ; pardon, le Rassemblement National ! L’Union européenne et le Qatar ont annoncé il y a quelques jours un accord visant à ouvrir leurs espaces aériens respectifs. Une libéralisation de plus, décidée par l’Europe, voilà de quoi énerver Marine Le Pen et ses amis ; mais en plus avec un état du Golfe, c’en est trop !
Dans le sillage d’Emirates et Etihad Airways, on nous prédit donc une nouvelle apocalypse, avec le déferlement d’avions de Qatar Airways sur la France. Après Paris et Nice où la compagnie se pose déjà, pourquoi pas Lyon, Bordeaux, Toulouse ou Nantes et même, tant qu’on y est, Limoges, Clermont-Ferrand ou Nancy ?
Un appel d'air pour les plates-formes régionales
Pour les passagers, ce serait tout bénef ! Des années qu’ils réclament l’arrivée de ces flibustiers du ciel. Et tant pis pour la défense du pavillon français. Quand il s’agit de voyager à petits prix, ils sont beaucoup moins regardants sur la couleur de l’avion, moins exigeant sur le repas servi à bord.
Les aéroports régionaux piaffent également d’impatience, eux qui s’estiment pénalisés par la politique de hub d’Air France. Pour amortir leurs infrastructures, mais aussi développer leurs territoires, ils réclament des vols long-courriers. A l’heure où il s’agit de mieux répartir les flux dans l’Hexagone pour éviter le sur-tourisme à Paris, dans un souci d’aménagement du territoire, leurs requêtes ne sont pas tout à fait stupides !
Un procès en sorcellerie parfois excessif
Certes, on pourra évoquer les éventuelles distorsions de concurrence (on accuse Qatar Airways d’être largement subventionnée) qui permettraient à la compagnie qatarie de proposer des tarifs imbattables. Ce qui n’est sans doute pas totalement faux. Pour autant, les transporteurs du Golfe font aussi l’objet d’un procès en sorcellerie parfois excessif.
A-t-on autant crié au loup lorsque American Airlines, United Airlines et Delta Airlines, mal en point, ont été placées sous la tutelle du Chapitre Onze dans les années 2000, sorte de redressement judiciaire avantageux qui leur a permis de rebondir, en suspendant leurs dettes ? Le tout avec le consentement des autorités américaines, toujours promptes à donner des leçons de libéralisme tout en protégeant leurs entreprises…
Air France doit réagir
Mais le pire n’est jamais certain. Qatar Airways y regardera à deux fois avant de mettre les gaz. Même si la compagnie est prête à sacrifier ses marges pour s’acheter des parts de marché, une ligne ne saurait être indéfiniment déficitaire. Regardez du côté des low cost long-courriers, en situation difficile. Et en Grande-Bretagne, Emirates assure quatre fois plus de rotations vers Dubaï que depuis l’Hexagone, ce qui n’empêche pas British Airways de se porter comme une fleur…
Rappelons aussi qu’Air France peut se donner les moyens de réagir, à l’instar de Lufthansa qui vole en long-courrier depuis Francfort mais aussi de Munich et Düsseldorf (avec sa filiale Eurowings). Benjamin Smith, le patron de la compagnie française, a déjà fait le ménage dans les marques. Reste désormais à prendre la décision de s’affranchir (un peu !) du hub de Roissy et de lancer des long-courriers de point à point, depuis les métropoles régionales. Pourquoi pas avec Transavia ? Encore faudra-t-il convaincre les syndicats !