Mercredi, c'est permis ! Thierry Beaurepère est de retour pour vous faire part de son humeur du moment. Et cette semaine, il ne peut s'empêcher d'aborder les conséquences de l'épidémie de coronavirus qui déferle sur le monde... et le tourisme.
J’aimerais être d’humeur badine, vous parlez des abeilles qui butinent. Mais l’actualité ne prête guère à sourire… Il y a un mois, j’espérais que la pilule du coronavirus ne soit pas trop amère pour Asia. Aujourd’hui, la question n’est plus de savoir comment le spécialiste passera le cap, mais combien d’agences et TO mettront la clé sous la porte dans les prochains mois.
Il y a deux semaines, je m’interrogeais sur l’éventuel « effet papillon » du maudit virus sur l’activité d’Air France. Aujourd’hui, c’est l’intégralité des compagnies aériennes qui clouent des avions au sol et suspendent des lignes pour éviter le crash ; il y une semaine, j’évoquais la fièvre du Salon mondial du tourisme. Son annulation, et celles de nombreuses manifestations, est l’ultime signal d’une profession subitement mise en quarantaine.
La plus forte crise dans le tourisme depuis 2001
La crise est là, sûrement la plus forte qu’ait connu le tourisme depuis 2001. Les pertes pour le tourisme mondial se comptent — déjà — en milliards de dollars, et rien ne semble pour l’heure enrayer l’infernale paranoïa. Inutile de traiter les Français de tous les noms d’oiseaux, parce qu’ils font des provisions de riz comme dans Koh Lanta et annulent leurs réservations. La peur est irrationnelle…
Il suffit d’oublier un instant sa casquette de professionnel du tourisme, de coiffer celle de chef d’entreprise ou de bon père de famille, pour changer de prisme. Qui prendrait aujourd’hui le risque d’envoyer un salarié en mission au bout du monde, alors qu’il en est juridiquement responsable ? Qui, parmi vos amis, est prêt à faire sa valise avec femme et enfants, au risque de finir confiner pendant deux semaines ?
Les messages rassurants, dans le tourisme et ailleurs, sont inaudibles
Inutile de rappeler que la grippe fait bien plus de morts que le coronavirus. Tous les communicants savent qu’au plus fort de la crise, les messages rassurants sont inaudibles. Inutile d’affirmer que c’est le bon moment de filer en Asie pour découvrir la baie d’Along redevenue paisible ou les temples d’Angkor vidés de leurs touristes. Avec ou sans conseil du ministère des Affaires étrangères, on ne fait pas boire un âne qui n’a pas soif…
Inutile d’accuser la presse d’exploiter la pandémie pour faire de l’audience. Trop facile ! L’être humain est ainsi fait qu’il préfère les drames aux bonnes nouvelles. Les Unes de l’été sur les crèmes glacées n’intéressent personne, mais on se précipite en kiosque lorsque brûle Notre-Dame… Et les médias (qui vivent essentiellement de la publicité) n’ont aucun intérêt à jeter de l’huile sur le feu. Ils seront directement impactés par les mesures d’économies que les annonceurs vont immanquablement mettre en place…
La Confédération des Acteurs du Tourisme doit se mobiliser (et vite)
Il ne s’agit plus seulement de regretter et critiquer. Il s’agit désormais d’agir, et vite ! Hier, le gouvernement a annoncé un train de mesures pour les entreprises… Un pas important, mais insuffisant ; en particulier pour un tourisme en première ligne, qui doit faire l’objet d’attentions particulières pour retrouver un peu d’air. Encore faut-il que la profession toute entière monte au créneau afin d’obtenir davantage que des mesures transitoires, comme savent le faire les agriculteurs en période de sécheresse.
A sa création en 2017, la Confédération des Acteurs du Tourisme prétendait vouloir défendre les enjeux des professionnels des métiers du tourisme de manière unifiée. Aujourd’hui, la crise touche aussi bien les agences que les TO, les réceptifs que les hôteliers. La jeune organisation a l’occasion de faire entendre sa voix. Mais pour l’heure, elle se fait très discrète. Le coronavirus rappelle aussi à quel point le secteur, au-delà des déclarations d’intention, doit aussi mieux s’organiser s’il veut défendre ses intérêts…