Mercredi, c'est permis ! Thierry Beaurepère est de retour pour vous faire part de son humeur du moment. Cette semaine, il fait des adieux émus à Jean-Paul Chantraine, le fondateur d'Asia, décédé la semaine dernière. La fin d'une époque pour le TO et le tourisme...
C’était en 2005, à Pékin. Entre la bienveillance vis-à-vis de ses 900 "invités" et le souci du travail bien fait, Jean-Paul Chantraine avait fait du congrès du syndicat des agences de voyages - qui se tenait cette année-là dans la capitale de l’Empire du milieu et dont il était le président - une véritable réussite.
Pour l’occasion, et alors que la Chine commençait seulement à se dévoiler, il avait même réussi à faire ouvrir les portes du Palais du Peuple pour une inoubliable soirée. Bref, Jean-Paul Chantraine était un homme au grand cœur, mais aussi un professionnel visionnaire à l’origine de l’une des plus belles réussites du tourisme, qui aurait pu fanfaronner mais a toujours préféré l’humilité.
C’est ce souvenir que je garderai du patron d’Asia, qui nous a quittés la semaine dernière. Je ne serai pas à ses obsèques le 14 septembre (à Vaucresson), mais en déplacement au Sri Lanka. Je sais que de là-haut, il ne me tiendra pas rigueur d’être absent pour son dernier voyage... Après tout, le plus bel hommage que l’on peut lui rendre n’est-il pas de visiter son Asie adorée et de faire une offrande à Bouddha ?
Un "artisan du voyage" et un "passeur d'Asie"
Jean-Paul Chantraine a défriché le continent, su le rendre accessible au plus grand nombre sans jamais l’abîmer, a participé à son émancipation sans le galvauder, toujours respectueux de ses habitants et loin des excès du tourisme de masse. Chapeau bas monsieur le PDG, car avant d’être un chef d’entreprise, il était un "artisan du voyage" toujours passionné et un "passeur d’Asie" comme il aimait à se définir...
Sa disparition sonne aussi comme la fin d’une époque, celle des Donatello, Scanditours et autre Vacances Fabuleuses ; des TO au vrai savoir-faire de spécialiste qui, plutôt que de choisir la vente directe comme à l’époque Nouvelles Frontières, ont su faire des agences de voyages de véritables partenaires, et pas simplement des distributeurs.
Tous ceux qui ont participé à la "Translapone" de Scanditours - ce raid à motoneige à travers le grand nord - en parlent encore avec des trémolos dans la voix. Et l’on aimait retrouver leurs patrons charismatiques (et parfois grandes gueules !) - d’Antonio d’Apote à François Weill - au coin du bar, en marge d’un congrès Selectour ou Afat.
Donatello n’a pas su prendre le virage du web et a disparu ; Scanditours et Vacances Fabuleuses ont été rachetés par Kuoni. A l’inverse d’autres géants européens qui ont mis la main sur des entreprises non pas pour les faire grandir mais pour les condamner, le TO a su faire perdurer les deux marques. Mais ce n’est pas faire injure à Emmanuel Foiry, le patron de Kuoni, que de regretter qu’il leur manque désormais ce petit supplément d’âme, ce petit grain de folie.
On a souvent prêté à Kuoni le désir de racheter également Asia. Mais encore il y a quelques mois, la dernière fois que j’ai déjeuné avec Jean-Paul Chantraine, envisager sa succession lui semblait incongru. Espérons qu’aujourd’hui, les salariés d’Asia sauront relever le défi et faire vivre le voyagiste encore longtemps, seuls ou avec l’appui d’un groupe qui respectera les valeurs de l’entreprise. Ce serait là le plus bel hommage qu’ils pourraient rendre à leur "patron". Tu vas nous manquer, Jean-Paul...