
Focus sur le redressement spectaculaire de Corsair après des années de transformation et sa stratégie de prémiumisation
Interview de Pascal de Izaguirre PDG de Corsair. Comment cette compagnie en pleine renaissance évolue dans un contexte de déclin du pavillon français et des défis concurrentiels majeurs pour l'aviation française ?
Tour Hebdo : La première question est basique, comment se porte Corsair en ce moment ?
Pascal Izaguirre : Nous poursuivons la dynamique et l'amélioration de l'année précédente. L'année 2023-2024, clôturée au 30 septembre 2024, a été marquée par un chiffre d'affaires record de 700 millions d'euros avec un résultat net comme un résultat d'exploitation positif ainsi qu’un record en nombre de passagers.
Tour Hebdo : Tout va bien alors ?
Pascal de Izaguirre : Nous profitons du travail de transformation engagé depuis plusieurs années avec une restructuration globale de l'entreprise, une flotte totalement renouvelée et une montée en gamme, notamment le succès des classes avant. J’ajoute que ce qui reste le plus satisfaisant, c’est la reconnaissance de ce redressement tant par nos clients que par nos partenaires.
Tour Hebdo : De par ces résultats, quels sont vos objectifs pour l’année prochaine ?
Pascal de Izaguirre : J’en vois essentiellement deux. Nous pouvons encore améliorer notre coefficient de remplissage. C’est un objectif que j'avais fixé avec nos équipes. Nous commençons à y parvenir : du 1er octobre à fin juin, notre coefficient de remplissage est en augmentation de 3,5. Sur le seul mois de juin 2025, ce taux passe à 5,5 par rapport à juin 2024. Nous allons donc certainement terminer l'année avec un coefficient de remplissage record.
Tour Hebdo : Et le deuxième point ?
Pascal de Izaguirre : Le deuxième point sur lequel on peut gagner, c'est le prix moyen. Pas sur une augmentation des prix en général, mais par un meilleur mix de clients. Comme vous le savez, avec le renouvellement de la flotte, nous avons étendu la classe business et premium avec 20 sièges business et 21 sièges premium. Avec un coefficient de remplissage qui s’améliore sur les classes avant, les recettes vont progresser.
Tour Hebdo : Justement, quelles sont les prévisions pour 2025 ?
Pascal de Izaguirre : Je suis assez confiant en 2025. Nous allons avoir un chiffre d'affaires supérieur à celui de 2023-2024, qui était déjà une année record, avec un résultat financier significativement positif.
Tour Hebdo : Et concernant l’image de la compagnie ?
Pascal de Izaguirre : Je constate, avec les appréciations des personnes qui me connaissent et qui me font un retour sur leur vol, qu’elle s’améliore constamment. Je le vérifie tous les mois, quand j'organise des rencontres avec nos principaux partenaires de la distribution. Les retours sont unanimement positifs.
Tour Hebdo : Tout va bien alors !
Pascal de Izaguirre : Je ne te dis pas que tout est parfait. Nous continuons d'améliorer le produit, l'expérience cliente… mais effectivement, je pense qu'un cap a été franchi. Nous sommes arrivés à une certaine maturité en matière d'efficacité et d’organisation. Nous pouvons nous permettre de viser une nouvelle étape avec la nouvelle image de marque que vous avez vue dans les médias et la montée en gamme et la prémiumisation.
Tour Hebdo : Ce n’est pas un risque ?
Pascal de Izaguirre : Non, pour moi, ce n'est pas un risque. Au contraire, nous pensons que c'est une opportunité. Le risque existerait si nous avions un décalage entre la promesse et la réalité du produit. Nous l’évoquions à l’instant : tous les retours clientèle, les enquêtes de satisfaction, la perception des professionnels du voyage nous montrent que la satisfaction client progresse. Deuxièmement, pourquoi c'est une opportunité ? Car si notre image globale s’apprécie, nous traînons encore notre passé de compagnie charter. D’où notre campagne : ‘’on ne dessert toujours pas la Corse’’ avec comme message parallèle la mise en avant de nos 10 destinations vers les Antilles, l’océan Indien et l’Afrique et notre montée ne gamme.
Tour Hebdo : Avec vos classes avant ?
Pascal de Izaguirre : Pas seulement. Je compte aussi pousser les ancillaires. Les ventes progressent beaucoup sur le web, mais pas encore en BtoB. À nous d’expliquer aux agences que c’est un bon moyen de fidélisation d’offrir plus de services, de choix de produits et bien sûr de profit, puisque nous rémunérons les ancillaires.
Tour Hebdo : Autre question qui concerne le pavillon français qui perd des parts de marché depuis 20 ans. Comment l’expliquer ?
Pascal de Izaguirre : Ce déclin constant du pavillon français s’explique essentiellement par une taxation trop importante et des contraintes réglementaires trop lourdes. Cette situation fragilise nos compagnies hexagonales. Nous ne cessons d’alerter les pouvoirs publics sur cette distorsion de concurrence. C’est un discours que je porte en permanence au sein de la FNAM. Nous avons besoin d'une stratégie nationale pour le transport aérien, parce qu'on ne peut pas se contenter de dire que le trafic en France est dynamique globalement ! La réalité, c’est qu’il l’est moins que dans d'autres pays. Nous sommes en train de décrocher par rapport aux grandes destinations touristiques comme l'Espagne, l'Italie ou le Portugal. Ces derniers ont des taux de croissance bien plus importants que les nôtres.
Tour Hebdo : Que dit votre ministre de tutelle ?
Pascal de Izaguirre : Philippe Tabarot défend le secteur aérien. Ça n’a pas toujours été le cas de tous les ministres des Transports dans le passé. Du côté de Matignon, on a eu plutôt des éléments positifs. Je pense que tout le monde est conscient qu'à force de taxer le secteur aérien, c'est contreproductif. Nous le voyons par exemple avec un pays comme la Suède à l’initiative de la soi-disant ‘’ honte de l’avion’’ ! Il a décidé de revenir complètement sur la taxation de l'aérien constatant les conséquences négatives que cela entraînait. La nouvelle coalition au pouvoir en Allemagne a récemment déclaré qu’elle va revenir sur les hausses de taxation faites en 2024 pour du transport aérien, parce que c'est catastrophique pour la connectivité.
Tour Hebdo : Pour conclure avec Corsair, quel est son avenir sachant que l’Europe avec Bruxelles a son mot à dire ?
Pascal de Izaguirre : Nous sommes attentifs à tout. Il faut remettre, comme on dit, son ouvrage sur le métier. Rien n'est gagné de façon définitive. C’est le premier point. Deuxième point, on peut toujours aller plus haut, plus vite, plus fort. Aujourd’hui nous bénéficions d’une flotte complètement modernisée, la plus jeune dans le monde et surtout totalement homogène. Ça nous donne un atout commercial très important avec une meilleure régularité d'exploitation, une meilleure stabilité, un développement durable crédible. Fort de ces atouts, je voudrais que dans deux ans, on dise que Corsair est la compagnie aérienne préférée des Français.
Tour Hebdo : Ambitieux !
Pascal de Izaguirre : Peut-être, mais j'aime bien me situer dans des challenges de ce type. Il faut avoir de l'ambition pour son entreprise, pour ses équipes. C’est une question de motivation. La volonté de bien faire, sans faire d’impasse, reste le meilleur moteur pour avancer. Le contraire ne serait pas tolérable, car on est challengé et poussé par la concurrence comme par nos clients. Enfin je pense aussi à nos salariés. Il reste toujours plus valorisant de dire : je travaille chez Corsair, une compagnie qui porte de très grandes ambitions… C'est ce que j'essaye de porter pour Corsair.