Dans un contexte de mutation des pratiques touristiques et de transition des territoires de montagne, Éric Breche, président du Syndicat National des Moniteurs du Ski Français, revient sur les fondements de la profession, ses évolutions et les nouveaux projets portés par les « pulls rouges »
Une vision fondatrice toujours vivante
Interrogé sur les origines de l’École du Ski Français, à l’occasion de la conférence de presse organisée par France Montagne, et en présence de Serge Papin, ministre des PME, du commerce et du tourisme, Éric Breche rappelle la force d’un héritage :
« Le premier président avait rapporté une vision : réunir des hommes et des femmes en montagne pour enseigner le ski et toutes ses disciplines. Qu’on soit dans les Pyrénées, le Massif central ou les Alpes, il s’agissait de rassembler ces professionnels autour d’un groupe, d’une unité, d’un collectif qui caractérise si bien le montagnard. »
Cette identité s’est consolidée au fil des décennies :
« De génération en génération, les présidents successifs ont su faire face aux enjeux de leur époque. Ils n’ont fait que prolonger cet héritage fort, qui nous engage pour l’avenir et nous oblige à défendre le métier avant nous. »
Le métier de moniteur : enseigner, sécuriser, éduquer au milieu naturel
Pour Éric Breche, la définition du métier reste inchangée dans ses principes, mais s’enrichit dans ses responsabilités :
« C’est l’enseignement du ski, des pratiques sportives, et l’éducation au milieu. Le ski, c’est merveilleux, mais nous évoluons dans un environnement hostile où les enjeux sécuritaires sont prépondérants. Les professionnels doivent être très bien formés. »
Il souligne l’importance de l’architecture française de formation :
« Je remercie l’État d’avoir créé, dès les années 45, cette école de formation de la République pour les métiers d’encadrement des sports de montagne. »
Paris, une étape symbolique pour célébrer la profession
L’événement organisé récemment à Paris a marqué les esprits :
« Nous y avons rassemblé 1 500 personnes. Pourquoi Paris ? Parce que c’est symbolique. Ce métier réglementé s’inscrit dans un cadre européen, et cette mission de cohésion est essentielle. Il fallait réunir la famille des pulls rouges, l’économie des écoles de ski françaises. »
Cette rencontre fut également l’occasion de mettre en lumière la nouvelle génération :
« Nous avons intronisé plus de 400 moniteurs et monitrices qui entrent dans le brevet d’État et rejoignent la famille. »
Une profession en bonne santé malgré les défis saisonniers
Loin des discours alarmistes, le président se montre rassurant :
« La profession se porte bien : plus de 1 600 jeunes commencent le métier, 4 000 sont en voie de professionnalisation. Il n’y a pas d’érosion. »
Il nuance néanmoins avec la réalité montagnarde :
« En montagne, un jour il neige, un jour il ne neige pas… Quoi qu’il arrive, on doit s’adapter. »
Une grande enquête pour comprendre les évolutions du métier
En janvier, le SNMSF a mené une enquête auprès des 17 000 moniteurs, avec un taux de réponse remarquable :
« 50 % ont répondu, et parmi eux, 60 % nous disent : “Nous vivons du métier de moniteur de ski, c’est notre revenu principal.” Cela fait vivre des familles. »
Les moniteurs expriment aussi de nouvelles attentes :
« Beaucoup demandent à se former à d’autres pratiques, à diversifier leurs compétences. On doit les accompagner. »
Des activités complémentaires qui évoluent
L’étude révèle une transformation profonde des activités annexes :
« On disait toujours : un tiers dans le bâtiment, un tiers dans un deuxième métier sportif, un tiers dans l’agriculture. Aujourd’hui, ce n’est plus vrai. Le bâtiment représente 21 %, le deuxième métier sportif aussi, mais l’agriculture tombe à 4 %. On ne s’attendait pas à une chute si forte. »
La diversité reste cependant impressionnante :
« Plus de 85 % des répondants ont une seconde activité. Il y a des chefs d’entreprise, des pilotes de ligne, des pilotes de chasse… »
Création de l’École Française de la Montagne : un tournant majeur
Lors de l’événement parisien, une annonce importante a été faite :
« La création de l’École Française de la Montagne, dédiée au milieu montagnard non enneigé. Les pulls rouges, c’est la neige. Désormais, une deuxième verticalité s’invite : la montagne estivale. »
Objectif : structurer ces pratiques et leur donner un cadre professionnel clair.
« Ce que nous savons faire l’hiver — éduquer, structurer, transmettre — nous allons le transposer à l’été. »
Culture Montagne : sensibiliser dès l’enfance
La dimension éducative est centrale dans l’action du SNMSF, comme le programme « Culture Montagne » le montre :
« On a toujours éduqué les personnes sur la sécurité et l’environnement. Nous avons créé un outil pédagogique sous forme de tableau de bâches dans les jardins d’enfants : une partie neige, une partie hors neige, pour montrer le cycle de l’eau, la forêt, les saisons… »
Le fonds Enfance et Montagne : un engagement sociétal durable
Créé en 2020, ce fonds prolonge des actions engagées depuis 1996 :
« À l’époque, on faisait déjà des opérations de nettoyage. Aujourd’hui encore, avec les mairies, les stations et les associations, on rassemble, on nettoie, on sensibilise. »
Des actions concrètes ont eu lieu récemment, notamment à Peyragudes ou dans les Hautes-Alpes.
Un métier qui évolue sans renier ses valeurs
Entre transmission, sécurité, transition climatique et diversification, les moniteurs de ski français démontrent une capacité d’adaptation remarquable. L’ESF, sous l’impulsion d’Éric Breche, affirme son ambition : préserver un savoir-faire unique tout en préparant la montagne de demain.