C’est bien connu, la réalité dépasse souvent la fiction. Dans le reportage « Cellule de crise du Quai d’Orsay » diffusé la semaine dernière sur France 2, Bernard Kouchner fait plus fort que sa marionnette des Guignols, déclamant en substance : « je le dis depuis 20 ans : le tourisme ne sera plus possible ; on ne pourra plus exposer son corps blanc sous le soleil des autres ; vous allez voir, ce n’est que le début ». La phrase, qui se veut prophétique, arrive en point d’orgue d’une réunion de crise pour faire rapatrier les touristes français coincés en Thaïlande pendant le blocus des aéroports du pays en novembre dernier. Sur la forme, le ministre n’a rien à envier à sa caricature de Canal + : mêmes accents shakespeariens, même doigt pointé, même jubilation déplacée de celui qui pense avoir eu raison avant tout le monde… À bien y regarder, on imagine sans mal un sac de riz sur les épaules de l’ex-French doctor happé par les feux de la rampe. Et on devine la condescendance de l’humanitaire qui a connu les guerres, vis-à-vis de vacanciers en galère pour avoir voulu assouvir leur rêve de cocotiers et de plages blondes en plein hiver…
Sur le fond, il serait tragique que Bernard Kouchner gagne ses galons de Nostradamus du gouvernement. En tant que ministre des Affaires étrangères, il ne lui aura pas échappé que l’industrie touristique représente souvent l’une des premières sources de recettes de ces contrées « ensoleillées ». Et que l’équilibre économique mondial, si gravement mis à mal ces derniers mois, dépend en partie du maintien des flux humains internationaux. Fût-ce pour céder au caprice si occidental de se dorer la pilule, des rivages thaïlandais aux lagons de Madagascar…