Hôtels qui licencient des saisonniers et terrasses de cafés désertes… L’Ile de beauté a pris un bon mois d’avance sur la fin de saison touristique, qui s’étire traditionnellement jusqu’à fin octobre. Les visiteurs de passage en Corse la semaine dernière ont été quittes pour une ou deux nuitées de retard sur leur programme, des transferts via la Sardaigne, ou quelques heures de camping à l’aéroport d’Ajaccio. Presque du folklore en somme, une pilule un peu amère mais vite avalée. C’est ce qu’espèrent en tout cas les opérateurs locaux, dans leurs efforts pour trouver des solutions de repli, assorties dans la mesure du possible de gestes commerciaux, alors que toutes les liaisons, maritimes mais aussi aériennes étaient perturbées par le conflit de la SNCM. Ironie de la situation, l’entreprise publique maniant la grève avec une régularité de métronome, les professionnels jouent sur un air de déjà vu cette crise supplémentaire. Ollandini a ainsi dû traiter en quelques jours les annulations et rapatriements de quelque 4 000 clients, déclenchant un service assistance 7 j/7 et la mise en place d’un comité de pilotage.
Mais cette fois la coupe est pleine. Et les langues se délient dans une Corse parfois prompte à pratiquer l’omerta. Assurant s’exprimer au nom de « tous les socio-professionnels », entendez les entreprises privées, du tourisme et d’autres secteurs, Raymond Ceccaldi, président de la CCI de Haute-Corse, a menacé de mettre « 15 000 ou 20 000 personnes au chômage technique, tout le monde comprendra, car les seuls qui paient, en ce moment, ce sont les artisans, les commerçants les chefs d’entreprise et les consommateurs ». Et de conclure : « là, on verra un petit peu si 200 ou 300 personnes vont empêcher 30 000 autres de travailler ; ! ». Des propos que ne démentent pas la plupart des hôteliers (lire « Les hôteliers se rebiffent p. 10) dont certains se demandent comment se remettre d’une nouvelle saison gâchée. Comment est-on arrivé dans cette impasse, avec à gauche et côté nationalistes, des syndicats jusqu’au-boutistes, et à droite, un gouvernement qui s’apprêtait à livrer le transporteur à Walter Butler. L’homme, certes présenté dans les milieux économiques comme un virtuose de la finance, décrit ainsi son métier : « ;!j’achète le menu et puis je revends les plats au prix de la carte ; ! ». De quoi rassurer les salariés, surtout si le fondateur de Butler Capital Partner est affublé dans son plan de reprise de la Connex (filiale transport de Veolia), récemment condamnée par le Conseil de la Concurrence à verser plusieurs millions d’euros d’amendes pour s’être entendue avec deux autres entreprises privées sur le partage à l’amiable de marchés publics !
Quelle que soit la solution trouvée, reste à ne pas décourager, selon la formule employée chez Ollandini, « tous les touristes qui n’ont pas pu venir et tous ceux qui viendront ». Espérons…