L’année 2022 se termine avec une hausse très significative des réservations dans le loisir dépassant même le score de 2019. Le business repartait…Quelle est la situation aujourd’hui ? Interview Guillaume Confais-Morieux, directeur marché agence de voyages
Tour Hebdo : Lors de notre dernière interview sur le salon IFTM Top Résa, vous tabliez sur une nette reprise du secteur. Quand est-il en définitif ?
Guillaume Confais-Morieux : En effet, les tendances observées au moment du salon nous laissaient imaginer que nous allions retrouver nos performances de 2019. Mais nous étions encore dans le domaine des prévisions. Aujourd’hui nous avons les chiffres réels et ils sont conformes à nos pronostics. Par contre, il s’agit de distinguer les marchés et les périodes. Le loisir bénéficie d’une très nette augmentation du ticketing au global depuis 2022, même si le premier trimestre l’an dernier subissait encore les effets de la crise sanitaire. Sur ce segment nous surpassons cette année significativement nos scores de l’année 2019 qui déjà se présentait comme une année record. Pour le voyage d’affaires, la reprise est plus progressive, mais réelle également. Nous atteignons 90% de 2019 pour les mois de janvier/ février et nous tablons sur un retour à 100% fin 2023.
Tour Hebdo : Justement, comment se présente 2023 ?
Guillaume Confais-Morieux : Nous restons sur le même trend de croissance, du moins sur janvier et février. Les grèves ont certes occasionné des reports, mais pas d’annulations. Sur mars, en revanche, nous subissons une baisse d’activité qui impactera sensiblement notre chiffre d’affaires. Mais en dehors de cette actualité sociale, nous ne connaissions pas de signaux faibles : la guerre en Ukraine ou les licenciements dans la tech nous affectent peu. A contrario le levier du RSE nous profite pleinement.
Tour Hebdo : Pour le business essentiellement
Guillaume Confais-Morieux : Mais aussi pour le loisir. C’est assez net en observant la structure des achats de billet depuis l’ouverture des ventes d’été. Nous gagnons des clients qui renoncent à des voyages lointains ou acceptent un voyage plus long et plus vert. Pour le business nous récupérons sur l’aérien les parcours de 4 heures de temps, alors que le seuil d’acceptation précédent était de 2 heures.
Tour Hebdo : Comment cela se traduit dans les chiffres ?
Guillaume Confais-Morieux : Une assiette qui s’élargit avec nos conquêtes sur l’aérien et en même temps un voyageur d’affaires qui optimise plus. Nous passons à une durée moyenne du voyage d’affaire de 1,7 à 2,2 jours. Les femmes et hommes d’affaires voyagent moins souvent, mais plus longtemps. Et leurs attentes en matière de service augmentent.
Tour Hebdo : Comme le wifi par exemple ?
Guillaume Confais-Morieux : Le wifi bien sûr, mais aussi le service à la place. Nous devons accompagner les ventes de billets flex qui augmentent fortement et consolider la carte liberté dont les détenteurs de cessent de progresser. Je rappelle que cette dernière permet des prolongements sur le weekend et de faire voyager sa famille. Enfin, point très important, nous répondant aux demandes de plus en plus nombreuses de donner accès aux entreprises à leur bilan CO2.
Tour Hebdo : Pourquoi très important ?
Guillaume Confais-Morieux : Le RSE devient un enjeu de société pour le citoyen comme pour l’entreprise. D’ailleurs, les jeunes incluent ce critère comme une de leur condition de recrutement. Les agences nous demandent de les aider à établir les bilans carbones. Ainsi nous créons des fiches pour chaque destination avec des KPI sur la consommation de CO2 et des KPI pour calculer le temps utile en intégrant toutes les données. Ces outils sont à la disposition des agences et des travel manager. Leurs clients intègrent majoritairement maintenant le RSE dans leur politique de voyage.
Tour Hebdo : Quels sont les arguments que vous mettez en avant ?
Guillaume Confais-Morieux : Ils sont nombreux. Je vous donnerai qu’un seul exemple : pour un Paris/Londres, un Paris/Marseille ou un Paris Genève, vous consommez 1% de votre capital CO2 annuel alors que ce ratio est de 25% avec un trajet en avion.
Tour Hebdo : En ce qui concerne votre politique commerciale : vous avez beaucoup augmenté vos prix ?
Guillaume Confais-Morieux : Très raisonnablement : 5% en moyenne avec la volonté de ne pas jouer à la marge en augmentant fortement certain prix au détriment d’autres. Nous avons souhaité un équilibre dans la stratégie tarifaire entre pro et loisir pour ne pas défavoriser le segment pro, tout en préservant le dynamisme du loisir.
Tour Hebdo : Pour le renouvellement des matériels, vous avez mis un frein ?
Guillaume Confais-Morieux : Tous nos investissements sont maintenus. Il s’agit quand même de 10 milliards sur 10 ans ! Nos nouvelles rames seront modulables, recyclables et 100 % connectées. Elles vont réduire de 20 % la consommation d’énergie et améliorer le bilan carbone de 37 % par rapport aux rames actuelles. Leur surface à bord est augmentée de 20%, soit une offre possible jusqu’à 740 places contre 634 maximum aujourd’hui. Ces nouvelles rames pourront être utilisées tant pour l’offre TGV INOUI que OUIGO.
Tour Hebdo : Pour conclure, la concurrence vous inquiète ?
Guillaume Confais-Morieux : Nous restons en croissance sur toutes les lignes ouvertes à la concurrence. N’oublions pas non plus que nous nous développons aussi à l’international comme en témoignent nos nouvelles offres en Espagne sur Barcelone et Madrid. Enfin, nous sommes en train de fusionner nos 2 offres Thalys et Eurostar afin de créer un champion ferroviaire sur le nord de l’Europe.