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Didier Tappero (DG Aircalin) : « Ma démarche est de faire en sorte que la compagnie continue d'exister » 


Publié le : 29.04.2021 I Dernière Mise à jour : 30.04.2021
Didier Tappero, directeur général d'Aircalin.  I Crédit photo ©DR

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  • Propos recueillis par Brice Lahaye

À l'occasion de sa venue en métropole pour rencontrer le gouvernement et faire appel à une aide financière, Didier Tappero, directeur général d'Aircalin, fait le point pour Tour Hebdo sur la situation actuelle et l'avenir de sa compagnie. 

Tour Hebdo : Comment se porte Aircalin aujourd'hui ?

Didier Tappero : Aujourd'hui, la compagnie continue de fonctionner. Cela fait plus d'un an que nous avons vu nos vols être suspendus en raison de la crise de Covid-19. En résultat de toutes les mesures qui ont été prises, la compagnie est aujourd'hui en état de fonctionner, d'un point de vue opérationnel. C'est important dans notre métier, parce que ce n'est pas si facile de maintenir une compagnie aérienne avec extrêmement peu de vols. Mais nous y sommes arrivés, nous sommes en état de marche. D'un point de vue économique, à court terme, la compagnie n'est pas en danger. En revanche, nous nous préoccupons de la suite. Les difficultés pourraient arriver en termes de liquidités à la fin de l'année, voire au début de l'année prochaine. Comme ce sont toujours des sujets assez complexes et longs à mettre en place, nous nous y prenons donc maintenant. 

T.H. : Vous évoquez la fin de l'année concernant les liquidités. Êtes-vous inquiet, sur le long terme, pour l'avenir de la compagnie ? 

D.T. : Inquiet non, mais il y a des choses à voir et à faire, à anticiper et à mettre en œuvre pour qu'il n'y ait pas d'inquiétudes sur le futur de la compagnie. Ma démarche s'inscrit totalement dans cette optique : faire en sorte qu'Aircalin continue d'exister. Nous avons toujours la capacité d'avoir une vision assez précise du futur. Avec évidemment des incertitudes. Mais, au-delà de ces incertitudes sur la justesse des chiffres, qui doivent s'adapter en fonction de la réalité, le fait d'avoir à la fin de l'année une activité aéronautique qui aura été interrompue quasiment 19 mois, pose les limites de ce qu'une entreprise peut faire en termes de résistance face à cette baisse de chiffre d'affaires. Pour nous, elle est de l'ordre de 80%. Quelles que soient les mesures que vous prenez, ça repousse l'échéance. Mais avec 20% de CA, il y a forcément un moment où des limites à l'exercice se posent. 

T.H. : Quelles sont ces mesures pour repousser l'échéance ? 

D.T. : Il y trois trois grands chapitres. Le premier concernait la situation de l'entreprise avant la crise. Dans notre compagnie, nous avions mis en place un plan de retour à l'équilibre, car, par le passé, il y a eu des difficultés économiques. Le transport aérien est une industrie assez délicate en matière économique. La compagnie Aircalin avait mis en place un certain nombre de mesures d'options commerciales, d'options de programme, d'options d'économies en général, de façon à renouer avec l'équilibre économique et les bénéfices. Avant la crise, Aircalin était bénéficiaire pendant cinq exercices successifs. C'est plutôt un bon signe, ce n'est pas que du hasard ou de la chance. Le modèle qui était mis en place, tout du moins pendant cette période, a bien tenu, a été suffisamment robuste pour que l'entreprise ne soit pas en difficulté financière. C'est un premier point important. Et nous avons abordé la crise avec une trésorerie qui correspondait à six mois de chiffre d'affaires. Ensuite, nous avons pris des mesures internes, nous avons reçu le soutien de la Nouvelle-Calédonie à travers différents dispositifs et, enfin, le soutien de l'État.

Le premier volet concerne les mesures internes. Il y a eu des actions sur le programme de vols, des recherches d'économies dans tous les domaines où cela était possible, avec notamment une révision de tous les contrats et des négociations lorsque nous le pouvions. Il y a eu aussi - nous ne pouvions pas faire autrement - un plan de départ volontaire. Je voulais vraiment essayer de tout mettre en œuvre pour éviter les licenciements secs, ce qui est toujours un drame social. Ce que nous avons d'ailleurs réussi à faire. Ce plan de départ volontaire, avec des catégories de personnel ciblées, a amené à près de 20% d'effectifs en moins dans l'entreprise. À ce plan de départ s'ajoute une action sur les rémunérations des collaborateurs. Tout le monde, à tous les échelons de la hiérarchie, a accepté de baisser son salaire. Enfin, un certain nombre d'autres mesures de gain de productivité ont également été prévues. Toutes ces mesures internes vont amener à une économie de l'ordre de 22% de la masse salariale pour 2020 et de 25-26% en 2021, selon le niveau d'activité que nous aurons. 

Le deuxième volet, comme je le disais, concerne le soutien de la Nouvelle-Calédonie, avec la mise en place d'un dispositif de chômage partiel, puisque les lois sociales sont différentes de celles de la métropole, la Nouvelle-Calédonie étant compétente juridiquement sur le droit social. Une mesure de soutien à l'emploi qui nous permet de conserver des collaborateurs dans l'entreprise plus facilement. Ce sont des compétences dont nous auront besoin à la reprise et qui sont rares. Nous avons également des conventions pour maintenir un programme de vols minimal sous forme de réquisition, avec une couverture des frais fixes assurée à travers ces vols. Environ 20% des sommes que nous percevons pour ces vols restent dans l'entreprise et couvrent les frais fixes. Surtout, cela permet à la compagnie de faire voler ses avions, d'entretenir les qualifications des personnels. 

Le troisième volet de soutien est celui de l'État. Il s'agit du Prêt Garanti par l'État (PGE), que nous avons souscrit et que nous avons levé en fin d'année dernière, puisque nous avions la trésorerie pour tenir en 2020. Un PGE autour de 25% de notre chiffre d'affaires. C'était un dispositif important pour nous donner de la trésorerie et ainsi pouvoir continuer à fonctionner. 

T.H. : Vous avez rencontré des membres du gouvernement la semaine dernière pour demander un soutien financier. Un chiffre a-t-il été avancé lors de ces discussions ? Et qu'en est-il ressorti ?  

D.T. : Ces discussions étaient importantes car il s'agissait, de mon point de vue, de faire entendre la voix d'Aircalin. Il était donc nécessaire de rencontrer les différents interlocuteurs ministériels et de parler de la compagnie aérienne. Je n'attendais pas une réponse ferme et définitive après cette première prise de contact, qui faisait suite à des courriers que nous avions échangés. Mais, il me semblait important de pouvoir exposer directement la situation de la compagnie, son importance pour la Nouvelle-Calédonie, mais aussi son positionnement stratégique pour la France en général. D'expliquer aussi qu'Aircalin était dans une situation saine. Ce n'est pas un effet d'aubaine que nous recherchons à travers une aide gouvernementale. C'est une compagnie qui fonctionnait bien et qui se retrouve dans une situation financière exceptionnelle, du fait de circonstances imprévisibles. Nous n'avons pas de problème de gestion, de stratégie ou d'orientation. C'est la conséquence de la pandémie. Il était également important de repréciser que nous avons pris un certain nombre de mesures, comme je l'expliquais, mais que la suite nécessite une solidarité nationale. Comme ça a pu être fait pour d'autres transporteurs : Air France, Corsair, Air Austral et d'autres. On le voit bien, nombre de gouvernements ont soutenu leur transport aérien. Avec une question très stratégique en cas de reprise : faut-il être un peu autonome en matière de desserte aérienne ou faut-il compter sur les autres ? Pour moi, la réponse est évidente. 

T.H. : Il y a-t-il eu une vraie écoute de leur part ?

D.T. : Oui bien sûr. Il y a eu une écoute attentive, j'ai été très bien reçu. Maintenant, il faut mettre en place toute la suite du dispositif. L'histoire va prendre encore quelques semaines ou quelques mois, ce que je peux comprendre. Mais nous serons présents pour fournir toutes les informations nécessaires, avec diligence.    

T.H. : En attendant, des scénarios de reprise se dessinent-ils pour les semaines ou mois à venir ? 

D.T : Le scénario de reprise, oui. Nous y travaillons, nous y réfléchissons. La difficulté, c'est d'abord la date de reprise, et puis l'intensité de cette reprise. Aujourd'hui, nous n'avons pas ces informations. Mais, nous avons des hypothèses de travail qui nous permettent de finaliser nos estimations économiques pour le futur. Cette hypothèse, c'est une reprise progressive de l'activité à la fin de l'année ou en début d'année prochaine. Pour 2022, nous envisageons un volume d'activité qui va correspondre à environ 42% du nominal. Le nominal correspondant, pour nous, à 2019. Nous prévoyons ensuite une remontée progressive de ce trafic jusqu'à l'horizon 2024-2025. Ce sont nos hypothèses de travail aujourd'hui, qui ne sont pas, me semble-t-il, incohérentes avec ce que retient l'ensemble de l'industrie.

T.H. : Peut-on imaginer, avant une reprise plus large, la mise en place d'une bulle sanitaire avec d'autres destinations du Pacifique, comme l'Australie ou la Nouvelle-Zélande ?  

D.T. : Ca a été effectivement, à un moment, un facteur d'espoir, puisque la Nouvelle-Calédonie a eu pendant longtemps ce statut de ”Covid-Free”. Un statut que nous avons d'ailleurs retrouvé. Pendant cette crise, la vie sociale en Nouvelle-Calédonie a été très peu perturbée. En revanche, il y a des secteurs qui sont très fortement impactés, dont le transport aérien, le tourisme, les agents de voyages, etc. Nous étions donc très intéressés sur ce sujet des bulles sanitaires, notamment par ce qu'il pouvait se passer avec l'Australie et la Nouvelle-Zélande. Il y eu plusieurs tentatives qui se sont vite arrêtées. Aujourd'hui, les éléments ne sont pas réunis de leurs côtés pour envisager à court terme une bulle sanitaire. Donc ça n'est pas, pour le moment, un sujet sur lequel je suis en mesure de m'avancer. 

T.H. : Un projet de développement est-il en cours ? Le programme de vols est-il défini pour les mois à venir ?

D.T. : Nous y travaillons aussi, sans, encore une fois, pouvoir définir le programme exact. Cela se fera en fonction de la reprise. Avec une question importante à laquelle répondre : quel programme idéal pour renouer avec le tourisme, renouer avec la croissance touristique ? Je rappelle que nous avions une croissance de 30% ces dernières années. Nous avions mis en place des contrats de destination. Une initiative d'Aircalin avec les différentes autorités de la Nouvelle-Calédonie, de façon à ce que nous puissions être le plus possible en convergence pour développer le tourisme. Avec un certain succès. Il y a deux logiques pour les programmes sur lesquels nous travaillons : à la fois des programmes qui servent l'intérêt touristique, et donc la compagnie aérienne, et à la fois qui permettent aux Calédoniens de quitter le territoire, de rejoindre les pays de la région et, enfin, d'assurer les liens importants entre la Nouvelle-Calédonie et la France métropolitaine. C'est un angle différent, qui a son importance sur les programmations, sur les jours, et sur les horaires. Dans ce contexte là, nous envisageons l'ouverture d'une ligne vers Singapour. Cette ouverture directe sur le sud-est asiatique devrait être très bien perçue, Singapour étant un Hub de renom, l'un des meilleurs au monde. C'est aussi une destination qui répond bien à ce souhait d'avoir des connexions de/vers Paris et de/vers l'Europe. Nous l'utiliserons aussi comme une opportunité pour essayer de drainer une clientèle touristique asiatique et d'un peu partout dans le monde. 

T.H. : L'objectif pour la compagnie étant aussi de valoriser la Nouvelle-Calédonie ?

D.T. : Je suis là aussi pour ça, à titre professionnel, mais pas que. Je suis un local. La Nouvelle-Calédonie est une terre exceptionnelle de biodiversité, riche de cultures différentes. Sans oublier son lagon, qui est extraordinaire. Un récif coralien de 1000 km qui ceinture la Nouvelle-Calédonie. Il s'agit de la deuxième barrière de corrail la plus grande du monde, derrière l'Australie, mais elle est bien mieux conservée ! (rires) Cette zone du monde, assez méconnue, est une chance. Et offre en termes de développement touristique - non pas pour un tourisme de masse, mais pour des touristes en quête d'authenticité - un argument très intéressant. 
 

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