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Aérien

Comment être en même temps un écologiste militant et un dirigeant de voyagiste ?


Publié le : 16.04.2019 I Dernière Mise à jour : 17.04.2019
La plantation de 1 300 milliards d’arbres représenterait 400 gigas tonnes de Co2 absorbées, soit dix ans des émissions actuelles de toutes les activités humaines ! I Crédit photo Adobe Stock

Originellement publiée dans Le Monde, voici une tribune de Jean-François Rial, président de Voyageurs du Monde, sur une nouvelle solution : la « contribution planète ».

Je suis un écologiste de raison, je le suis devenu par l’apprentissage.

Le débat sur la taxe carbone fait rage, a provoqué la crise des gilets jaunes. Les deux objectifs clefs du GIEC (Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat, ndlr) visant à éviter de dépasser 1,5 degré de réchauffement supplémentaire provoquent des débats difficiles.
Le premier a pour objectif de diviser nos émissions mondiales par deux d’ici 2030, puis d’atteindre zéro émission carbone en 2050.

Je ne crois pas à la solution de la décroissance ou de ne plus prendre l’avion. Ce n’est pas naturel, la grande majorité ne suivra pas. Je ne crois pas non plus à une taxe carbone classique sur le kérosène, à un niveau élevé pour pousser les consommateurs à changer de comportement, car elle aurait le double défaut d’être socialement injuste sans absorber de Co2.

Un ratio élevé et en croissance

Je crois à la décroissance de la consommation de matière première mais pas à la décroissance du progrès humain, ce qui n’est pas de même nature. Il nous faudrait arriver à mettre en place une croissance qui soit de nature écologique comme d’ailleurs la nature le réalise.

Concernant le réchauffement climatique, l’un des sujets les plus pointés du doigt est le transport aérien. Même si il ne représente que 3% des émissions, le ratio par personne est élevé, pire en croissance.

Chaque jour ou presque, des publications appellent à arrêter de prendre l’avion ou au moins d’en réduire la fréquence. Voyagiste, je crois à l’utilité sociale de mon métier, qui au-delà de son pur intérêt économique, est un métier facteur de tolérance. 

Comment concilier ces deux fortes convictions qui m’habitent ?

J’aimerais exposer une solution que nous pratiquons chez Voyageurs du Monde et qui pourrait être généralisée. Il s’agit de la « contribution planète », qui absorbe les émissions anthropiques de Co2, mais pourrait également financer par la même occasion la transition écologique.

Deux catégories distinctes

Notons que l’ensemble des activités mondiales générant du Co2 peuvent être distinguées en deux catégories. D’un coté, celles pour lesquelles une solution technique de transition existe dans un délai compatible avec les objectifs du GIEC. C’est le cas de l’agriculture ou de l’électricité. De l’autre, celles pour lesquelles il n’existe pas de solution technique à la transition, en tout cas pas dans les délais convenus.

L’aviation rentre dans cette catégorie. Cela pose un problème spécifique. Ainsi, contrairement aux activités générant de fortes émissions de Co2 (production d’électricité, agriculture), nous n’avons pas vraiment d’alternatives technologiques à court terme pour voler sans kérosène. 

Il sera bientôt possible de faire voler des avions à l’hydrogène vert, mais il faudra au moins 30 ans pour gérer toute la transition. Il existe une autre solution. Je propose que toutes les émissions de Co2 générées par l’industrie aérienne soient absorbées (et non compensées j’y reviendrai) par des solutions d’absorptions de Co2. 

Cela serait possible par une action volontaire sur les écosystèmes gérés par l’homme tels que les forêts, les prairies, les sols agricoles et les zones humides, et par certains procédés industriels, tel que la capture du carbone.

Prenons le cas de la solution la plus directe et la plus simple, la plantation d’arbres.

Planter 1 300 milliards d’arbres

L’institut polytechnique suisse de Zurich vient de réaliser une étude permettant de quantifier à 1 300 milliards le nombre d’arbres que nous pourrions planter sans toucher aux activités humaines, comme l’agriculture. La plantation de ces 1 300 milliards d’arbres représenterait 400 gigas tonnes de Co2 absorbées, soit dix ans des émissions actuelles de toutes les activités humaines ! (Certains vont contester ce chiffre de 1 300 milliards et que les plantations d’arbres n’absorbent pas toujours du Co2, critique juste mais marginale car la moitié de cette surface suffirait).

Cependant, l’absorption que nous pourrions utiliser pour l’industrie aérienne devra respecter absolument quatre conditions : primo, réaliser toutes les économies possibles de consommation de kérosène par la technologie, les routes aériennes, et privilégier les transports moins émetteurs quand cela est possible.

Deuxio, ne pas faire de la compensation classique au sens du rachat de crédit carbone tel que prévu par exemple par le protocole de Kyoto, car le sujet prête à trop de controverses sur la crédibilité de ces absorptions. Soit par manque de traçabilité sur des achats indirects de crédits de carbones, soit parce que le marché du crédit carbone permet trop souvent de générer des crédits contestables comme ceux obtenus par le système de l'évitement d’émission qui n’absorbe rien!

Au contraire, il faut privilégier l’absorption directe des émissions de carbone telle la plantation additionnelle (non plantée sans le projet d’absorption) d’arbres. Il s’agit bien là « d’absorption » et non de « compensation ».

Troisièmement, il est indispensable que la « contribution planète » qui permettra de le faire soit un élément du prix de revient du produit acheté. En aucun cas, il ne doit s’agir d’une taxe fiscale qui alimenterait le budget de l’État qui ne réglerait pas le problème du volume des émissions. Cette contribution planète alimenterait des fonds dédiés pour réaliser concrètement les projets d’absorption.

Quatrième point : en parallèle, le financement de la transition devra être assuré car l’absorption ne peut être qu’une phase temporaire et transitoire.

20 euros par tonne de Co2 émise

En résumé, cette solution permettrait de réaliser en même temps : des économies d’émissions, l’absorption des émissions, la transition écologique.

Ce système de « contribution planète » proposé pour le secteur aérien pourrait être étendu à d’autres activités économiques dont l’utilité sociale serait reconnue et dont la transition comme pour l’industrie aérienne serait longue. Au contraire pour les autres activités humaines émettrices de Co2 pour lesquelles une solution de transition existerait dans les délais impartis il faudrait accélérer le financement de cette transition. 

Avec ce système, une vraie solution existe. Transition rapide et immédiate pour certaines activités, disons entre la moitié et les 2/3 des émissions mondiales, et absorption pour le dernier tiers restant tout en finançant également leur transition à long terme.

Cette « contribution planète » pourrait par exemple être proposée à 20 euros par tonne de Co2 émise. Intégrée dans le prix de revient du produit, soit 10 euros pour financer l’absorption concrète de la tonne de Co2, et 10 euros supplémentaires pour financer la transition.

Payer pour réparer les dégâts

Balayons tout de suite l’argument intellectuellement inexact qui consisterait à dire que cela pénaliserait la compétitivité des compagnies aériennes françaises, car tous les vols au départ de la France seraient concernés, quitte à exonérer les passagers en transit du hub le temps que les autres pays bougent.

Cela donnerait par exemple un surcoût d’environ 7 euros sur un Paris-Bordeaux, ou 60 euros sur un Paris New York. Peut-être que ce coût serait supérieur à grande échelle, cela reste à vérifier, mais dans notre entreprise il est inférieur. Je crois à cette solution. Payer pour réparer les dégâts qu’on génère ET financer la transition. Il ne s’agit pas  de « s’acheter une bonne conscience » mais de proposer une solution acceptable pour tous, tout en respectant les objectifs du GIEC.

JF Rial, président de Voyageurs Du Monde

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