La visite d’un lieu historique prend une autre dimension quand le lieu même est en construction, quand il vit au rythme de passionnés qui veulent suivre les traces de leurs lointains aînés, bâtisseurs de cathédrales ou de forteresses avec plus d’ingénuité et de courage que de moyens techniques.
Au cœur de la Bourgogne, dans l’Yonne, une cinquantaine d’œuvriers relève un défi hors-norme: construire aujourd’hui un château fort selon les techniques et avec les matériaux utilisés au Moyen Âge. Sur plus de 7 hectares boisés, l’ensemble du monde de Guédelon à visiter se répartit sur trois grands espaces:
→ le château et les métiers de la construction;
→ le village avec la tuilerie, l’atelier des couleurs, les écuries et les animaux;
→ la forêt et son moulin.
La visite est une découverte successive de tous les métiers présents sur le chantier du château et du moulin hydraulique à farine. Guédelon est un réel chantier de construction sans mise en scène, il faut donc parcourir le site au gré des travaux engagés dans une logique de construction qui progresse sans cesse, d’où l’intérêt de revenir à différentes époques pour constater l’évolution.
Au cœur du projet, la pédagogie se veut ludique mais réelle. Le leitmotiv des initiateurs du projet est: Guédelon, un chantier scientifique, historique, pédagogique, touristique et humain avant tout. À l’heure où les maîtres mots sont nature et écologie, Guédelon est un espace de construction où le Moyen Âge donne de nombreuses pistes pour les constructeurs verts de demain.
L’histoire veut que Jeanne d’Arc ait passé une nuit au château de Montépilloy, à la veille d’une bataille contre les troupes anglaises et bourguignonnes, dans la nuit du 15 au 16 août 1429. Près de six siècles plus tard, le même château accueille des invités plus paisibles qui peuvent même participer à sa remise en splendeur. Ce château privé, ouvert à la visite, est le cadre d’un chantier participatif pendant l’été. Des bénévoles, encadrés par les moniteurs de l’association Chantiers histoire et architecture médiévales (Cham), tentent de réduire les outrages du temps sur cet édifice du XIIe siècle. « Le chantier a pour objectif d’améliorer l’accessibilité et la visibilité du site, contribuant ainsi à la valorisation patrimoniale et touristique du territoire », résume François Rouzé, propriétaire des lieux depuis 2011.
Ce n’est encore qu’un projet porté par l’association La Fabrique de Guyenne, en Gironde, mais il est bien engagé avec pour idée: montrer au public le fonctionnement d’un chantier de bâtisseurs de cathédrales au XIIIe siècle. « Ne serait-ce pas fabuleux de pouvoir voyager dans le temps et se promener sur un chantier de bâtisseurs, discuter avec les tailleurs de pierre, assister à la pose d’une voûte ou à la réalisation d’un vitrail? » s’interrogent les porteurs du projet qui veulent regrouper les métiers du patrimoine dans un site ouvert au public. Le projet consiste en la création d’un village médiéval avec en son cœur la construction en direct et sur 40 ans d’un édifice gothique. Lieu d’échange, de formation, de transmission et d’insertion, il proposera tous les métiers indispensables à la construction d’une cathédrale au XIVe siècle (taille de pierre, charpente, appareillage…), y compris les métiers d’art (sculpture, vitrail, ferronnerie d’art…). Les techniques utilisées seront celles du Moyen Âge, l’objectif étant de faire revivre et de transmettre ces savoir-faire ancestraux.
Le château de Langeais, en Indre-et-Loire, fut reconstruit par Louis XI en 1465. Il a remplacé un premier château fort édifié à la fin du Xe siècle par Foulques Nerra, auquel on doit la construction de l’un des premiers donjons de France avec une architecture entièrement en pierre. Il n’en subsiste qu’un mur imposant de 17 m de longueur et d’une dizaine de mètres de hauteur, lequel a été habillé d’un échafaudage en bois de six mètres de hauteur, avec machinerie, imaginé par Arnaud de Saint-Jouan, architecte en chef des Monuments historiques. Sa construction est donc une hypothèse historique, érigée dans un but pédagogique, pour que le visiteur comprenne comment pouvait s’effectuer un chantier au Moyen Âge, et apprécie mieux l’originalité du donjon.
Par ailleurs, les salles du château présentent la reconstitution du quotidien d’un prince de la fin du Moyen Âge: crédences et lits sculptés, coffres aux serrures ouvragées, tentures prestigieuses du XVe, vaisselle précieuse ou costumes qui font revivre le mariage royal de Charles VIII et d’Anne de Bretagne.
L’association œuvre essentiellement à la découverte et à la préservation du patrimoine bâti pour le jeune public. Il leur propose de participer à des activités éducatives, notamment pour redécouvrir des techniques artistiques anciennes ou plus récentes. Ces ateliers se font sur les sites mêmes et participent à la sensibilisation des plus jeunes à l’histoire des arts: maquettisme architectural, taille de pierre, calligraphie, mosaïque et vitrail.
Cham supervise également des chantiers participatifs de restauration à travers le pays associés à des « visites éducatives » de monuments locaux ancrés dans leur environnement. Ces visites visent à faire prendre conscience de la proximité de l’histoire et du patrimoine dans les régions.