Dr Gavin Gulia, président exécutif de la Malta Tourism Authority

> La Valette 2018 a été une véritable « success story » pour Malte, autant d’un point de vue culturel et artistique que du point de vue du tourisme. On peut le voir non seulement à travers l’impact que l’événement a eu sur les neuf premiers mois de l’année, mais aussi à travers l’intérêt accru et la visibilité offerte à la capitale de Malte depuis sa candidature jusqu’au démarrage de 2018 Capitale européenne de la Culture. La couverture médiatique dans la presse, la télévision, sur les réseaux sociaux, générée par les événements organisés dans le cadre de V18, se traduit en centaines de milliers d’euros d’équivalence de publicité.

> Par ailleurs, Malte a été placée dans plusieurs publications internationales sur la liste des « dix endroits à visiter absolument en 2018 », en raison de V18. Pour être honnête, La Valette était déjà un centre culturel, artistique et historique avant cet événement, avec le statut privilégié d’héritage mondial attribué par l’Unesco, il y a fort longtemps. Mais dans les années récentes, la ville a connu une forme de renaissance avec de nombreuses ouvertures de restaurants, de cafés, de bars à vins ou d’hôtels boutique. Des projets structurants, comme le nouveau bâtiment du Parlement et la restauration des portes de la ville, dessinés par un architecte aussi fameux que Renzo Piano, ont apporté une touche de modernité à une œuvre baroque, ajoutant un peu plus d’originalité à ce mélange unique d’ancien et de neuf qui caractérise La Valette. Avec V18, nous avons engagé un processus sur la durée qui doit trouver son bon équilibre entre l’histoire et la modernité. J’en veux pour exemple le réaménagement des jardins d’Upper Barrakka sur les remparts.

> Vous avez raison de dire que l’image de La Valette est très associée aux Chevaliers de Saint-Jean, aussi appelés les Chevaliers de Malte. Cette association est et restera un lien fort, du fait que la capitale maltaise a été construite au milieu du XVI^e siècle, l’âge d’or de la présence des chevaliers sur l’île, et qu’elle abrite quelques-uns des plus impressionnants palais, églises et fortifications qui remontent à cette période. Par ailleurs, la ville tire son nom de l’un des grands maîtres, Jean de Valette, héros du Grand Siège de 1565, pendant lequel les chevaliers et les Maltais ont réussi à repousser l’invasion des Turcs ottomans. Plutôt que de changer son image, l’événement V18 va la renforcer, tout en apportant de nouvelles dimensions culturelles aux visiteurs. Récemment, d’autres phénomènes ont renforcé la dimension historique et mythique, comme le tournage de la série Game of Thrones, qui suscite des parcours de visite sur les lieux choisis par les réalisateurs.

Une Fondation La Valette 2018 a été installée, elle a travaillé sur une série de projets structurants qui concernent surtout la restauration et la préservation de nombreux trésors architecturaux de la capitale. Cela comprend notamment le Muza, le musée des Beaux-Arts abrité dans l’Auberge d’Italie du XVI^e, le marché couvert (is-Suq I-Antik tal-Belt) et l’ancien abattoir civil (il-Biccerija) où va être installé le Centre du design de La Valette. Ces projets sont inscrits dans une vision à long terme pour faire en sorte qu’une visite à La Valette soit une expérience unique. D’autres projets vont naître dans une démarche permanente pour contribuer à faire que la ville devienne encore davantage un centre d’excellence. Il s’agit pour nous que V18 laisse un héritage permanent au bénéfice tant des visiteurs que des habitants pour le futur.

Nous avons bénéficié ces dernières années des tendances positives du tourisme qui ont généré une croissance sans précédent et une succession de records battus. En 2017, Malte a dépassé son objectif de 2 millions de visiteurs annuels, un an avant la date fixée. Cette performance est importante pour l’ensemble du pays, quand on considère le poids du tourisme dans l’économie maltaise. Ce secteur pèse pour plus d’un quart de notre PIB et 16 % des emplois locaux. C’est une source majeure d’investissement et de recettes en devises pour le pays. Le ministère du Tourisme et l’office du tourisme travaillent ensemble pour que cette croissance soit entretenue de manière saine. Il faut souligner la contribution fondamentale du secteur privé dans cette « success story ». L’industrie hôtelière, hôtels et restaurants, les agences de voyages et les opérateurs de loisirs, et tous ceux qui, directement ou indirectement, offrent des services aux visiteurs, tous ont une part de mérite dans les résultats obtenus. 2018 s’annonce déjà comme une année de référence pour le tourisme maltais, avec une prévision de 2,6 millions d’arrivées internationales, comme le confirment les chiffres en croissance annoncés mois après mois. La Valette 2018 y a sans aucun doute fortement contribué, même s’il n’est pas évident d’identifier avec précision si les visiteurs sont venus spécifiquement pour l’événement.

> Le ministère du Tourisme et l’office du tourisme de Malte se sont fixés des objectifs et des cibles en termes de volume et de profils des visiteurs. Cela passe par une diversification des pays émetteurs, le renforcement de niches prometteuses comme le tourisme gastronomique, gay friendly ou les voyages de noces, et une réduction de la saisonnalité. Les événements ont un rôle important à jouer dans cette stratégie, dans la mesure où ils y contribuent sur deux plans: d’abord en enrichissant l’expérience des séjours à Malte pour ceux qui ont déjà choisi la destination et, ensuite, et sans doute de manière plus intéressante, ils peuvent provoquer la décision même du voyage. Cela se produit déjà avec quelques-uns des événements annuels qui ont atteint un fort degré de réputation: certains concerts, le festival baroque, le festival d’opéra, le festival du jazz, le festival pyrotechnique, le festival de chant choral, et d’autres événements sportifs. Au cours de l’année 2018, un grand nombre de ces événements ont été lancés dans le cadre de V18 Capitale européenne de la Culture, mais certains vont devenir récurrents, en rajoutant de la diversité à notre calendrier pour les années à venir.

> Environ deux tiers de la fréquentation touristique des îles maltaises se concentrent sur les pics d’avril à septembre. Bien que Malte soit généralement perçue comme une destination « soleil et mer », elle propose des attractions touristiques qui conviennent tout autant aux adeptes d’un tourisme balnéaire qu’aux amoureux de city-breaks en dehors des pointes habituelles. Au cours des dernières années, les efforts ont été accentués pour aplanir cette saisonnalité et intensifier la part du tourisme « hors saison ». Le résultat s’est fait déjà sentir et la fréquentation hors saison est celle qui a le plus progressé grâce notamment à cette capacité que nous avons développée d’attirer des visiteurs autour de motivations particulières. Les touristes sont majoritairement séduits par son climat tempéré toute l’année, mais aussi par le renouveau de la destination, son histoire et sa culture. L’hospitalité qui est notre point fort, couplée à l’authenticité et la tradition font partie des tendances grandissantes du tourisme pour ceux qui sont en quête d’une expérience enrichie.

> Sur ce créneau des voyages éducatifs, nos très nombreuses écoles de langue anglaise attirent chaque année des milliers d’étudiants. Le volume de ces étudiants et le nombre de nuitées ne cessent d’augmenter depuis des années. En moyenne, on estime qu’ils sont 80 000 à venir étudier les langues, et qu’ils séjournent autour de trois semaines. Mieux encore, ces visiteurs génèrent un « business » supplémentaire car ils sont souvent rejoints par des amis ou de la famille. Le plus intéressant pour nous est que pour beaucoup de ces voyageurs, il s’agit d’un premier déplacement sans leurs parents, et si l’expérience se révèle positive, ils gardent un attachement particulier à la destination qui leur a permis de la vivre. Il y a donc fort à parier qu’ils auront envie de revenir ultérieurement. Conjointement avec le secteur privé, l’office du tourisme est engagé à travailler de nouveaux marchés émetteurs comme l’Amérique latine et l’Extrême-Orient, et ne pas viser seulement les jeunes générations mais aussi les adultes en leur offrant des cours de langues spécialisés dans leurs activités professionnelles.

> La proportion des voyageurs en groupes est de l’ordre de 5 %. C’est un chiffre que nous avons établi à travers une enquête régulière auprès des visiteurs pour savoir dans quelles conditions ils voyagent. En réalité, je pense que ce chiffre est largement inférieur à la réalité car souvent les réponses sont imprécises, considérant qu’ils voyagent en couple ou avec des amis, même quand ils sont à l’intérieur d’un groupe constitué. Nous croyons beaucoup aux possibilités de développement de ce marché, notamment en observant la tendance à organiser des séjours en groupes autour d’une activité ou d’un intérêt particulier, que ce soit le chant choral, la pratique sportive, la randonnée, etc. ou pour participer à un événement collectif comme le Marathon de Malte, le concert géant Isle of MTV, le festival de musique Annie Mac’s Lost & Found, ou même des événements familiaux. Nous avons le sentiment qu’il est possible d’augmenter la part des groupes en travaillant mieux les niches avec un marketing adapté. C’est bien dans notre intention pour les années qui viennent.

En septembre 2018, 21 580 Français ont visité Malte, représentant une hausse record de 30,6 % (+ 5 051 visiteurs) par rapport à septembre 2017. Pendant le mois de septembre Malte a bénéficié de très bonnes connexions aériennes avec Paris mais aussi Lyon, Marseille, Toulouse, Nantes, Bordeaux, Nice, Beauvais ainsi que Lourdes/Tarbes.

Sur la période janvier-septembre 2018, on enregistre une augmentation de 23,4 % avec 174 683 touristes français, + 33 075 visiteurs par rapport à la même période en 2017.

Pour rappel en 2017, Malte avait accueilli 2 273 837 touristes étrangers (+ 15,7 % qu’en 2016), dont parmi eux 176 371 Français (+ 21,8 % par rapport à 2016).

En 2018, l’archipel espère atteindre le nombre jamais égalé de 200 000 touristes français.