Vous voulez proposer à vos groupes de prendre la mer pour une traversée, pour une mini-croisière ou pour vraiment prendre le large… Vous vous sentez l’âme d’un affréteur pour tout ou partie d’un navire qui flottera à vos couleurs… Voici tout ce qu’il faut savoir avant d’entamer les négociations avec les armateurs et gestionnaires de navires de croisières, sans prendre le risque d’y laisser votre chemise ou de finir accroché à la bouée de sauvetage financière.
Si les spots télévisés des compagnies de croisières vantent avant tout les vacances en couple ou en famille, la croisière est un produit qui se décline aussi parfaitement en groupe. Toutes les compagnies de croisières sont ouvertes aux groupes, avec des commerciaux dédiés. Chez Costa Croisières et MSC Croisières, les deux leaders du marché en France, les groupes représentent ainsi près de 30 % du nombre de passagers sur l’année. Les groupes et affrètements représentent même 40 % de l’activité chez Ponant.
La réservation de groupes obéit toutefois à un fonctionnement très spécifique, distinct de celui de l’aérien. Principale différence à avoir en tête: dans la croisière, il n’y a pas d’intermédiaire! Dans l’aérien, un TO ou une agence de voyages qui souhaite affréter tout ou partie d’un avion pourra en effet s’adresser à un broker, comme Air Partner ou Air Charter Services, qui se chargera de trouver l’avion qui correspond à la demande.
Dans la croisière, les compagnies gèrent les groupes en direct. Le TO ou l’agence qui souhaitent réserver un groupe doit simplement appeler son commercial habituel ou le service groupe de la compagnie. Tout se passe ensuite en face-à-face. Pourquoi cette différence entre la croisière et l’aérien? « Cela est lié au fait que les compagnies de croisières fonctionnent selon un modèle très vertical, mais aussi au fait que nous proposons plus que du transport », explique Patrick Pourbaix, dg France, Belgique et Luxembourg de MSC Croisières: « Une croisière c’est un voyage complet. Si nous avions uniquement des lits à vendre, là peut-être que les brokers auraient un sens », ajoute-t-il.
Ce premier principe intégré, deux cas sont alors possibles pour la réservation d’un groupe à bord d’un navire, à commencer par l’affrètement. Comme pour l’aérien, l’affrètement permet de prendre la totalité des cabines d’un navire pour une croisière totalement privatisée. Toutes les compagnies sont ouvertes à ce type de demandes. Costa Croisières cite ainsi l’exemple d’une grande entreprise française qui affrète chaque année l’un de ses navires pour un voyage de remerciement pour ses collaborateurs. En avril dernier, le Costa Fascinosa, et ses 1 500 cabines, a même été privatisé pour le mariage du fils de l’industriel indien Rizwan Sajan: les 1 000 invités avaient alors le bateau pour eux seuls, pour une croisière de quatre jours au départ de Gênes avec escale à Barcelone, Marseille, Cannes et Savone. À noter que le prix de l’affrètement comprend les cabines mais aussi la restauration et l’animation à bord.
L’affrètement est aussi la solution retenue par le tour-opérateur Héliades pour sa nouvelle croisière au Cap-Vert. Le TO a entièrement privatisé pour la saison l’Harmony G, un yacht de 21 cabines de la compagnie Variety Cruises. « L’objectif est de proposer un produit original qui n’existait pas », justifie Jean Brajon, dg de Vacances Héliades. « Nous avons conçu notre itinéraire à la découverte de six îles de l’archipel en fonction de nos vols. » Le patron d’Héliades se dit au passage ouvert aux groupes qui souhaiteraient privatiser l’une des croisières programmées.
Deux conditions toutefois pour réaliser un affrètement: il faut d’abord pouvoir préparer le projet très en amont, idéalement 18 mois à deux ans avant le départ. Il est en effet indispensable de pouvoir bloquer la croisière avant sa commercialisation. Le fait de s’y prendre à l’avance permet aussi de pouvoir, si besoin, mettre en place un itinéraire particulier. « En fonction de la demande du client, nous pourrons planifier l’affrètement entre la programmation régulière, en fonction de l’itinéraire précédent et de l’itinéraire suivant », souligne Patrick Pourbaix. À noter que le délai peut encore être plus important chez certaines compagnies plus pointues: c’est le cas des croisières d’exploration proposées par Hurtigruten. Il faut alors prévoir de se positionner plus de deux ans à l’avance, les ventes ouvrant 18 mois avant le départ. Même chose chez Ponant, qui commercialise déjà ses croisières pour l’hiver 2019. Un affrètement nécessite alors de s’y prendre deux ans et demi voire trois ans à l’avance. « C’est un timing qui peut être compliqué à gérer pour un groupe », reconnaît Hervé Bellaïche, dg adjoint commercial et marketing de Ponant.
Autre condition pour réaliser un affrètement: il faut évidemment trouver un navire qui corresponde à ses besoins et à ses moyens. Les occasions de pouvoir privatiser un bateau de 2 000 à 3 000 passagers restent finalement assez rares et les grandes compagnies que sont Costa Croisières et MSC Croisières reconnaissent que les affrètements constituent l’exception.
L’affrètement est en revanche plus habituel pour les compagnies de croisières qui disposent de navires de taille plus petite. C’est notamment le cas de Ponant, habituée à la privatisation. Hervé Bellaïche affirme même que l’affrètement est l’une des raisons qui a poussé la compagnie à commander quatre nouveaux navires de 92 cabines, au lieu de 120 cabines pour ses deux navires précédents. « Avec 92 cabines, nous aurons une offre plus facilement privatisable alors que c’était moins évident avec 120 cabines », confie le directeur adjoint.
Le fait de disposer d’un navire rien pour son groupe permet en tout cas nombre de possibilités, qu’il s’agisse de personnaliser les coursives ou faire venir un chanteur ou toute autre personnalité.
L’affrètement peut aussi concerner des navires encore plus petits. C’est le cas d’Héliades qui affrétera quatre caïques de 8 à 12 cabines l’été prochain pour des itinéraires en Grèce. « Dans ce cas, on travaille en direct avec des capitaines qui n’ont le plus souvent qu’un seul bateau », raconte Jean Brajon. « Il faut donc choisir le bon bateau, le bon marin et garantir que le service sera bien celui attendu. »
À côté de l’affrètement, la formule la plus commune pour la réservation d’un groupe reste la réservation de contingents de cabines, ce qui équivaut au système de l’allotement dans l’aérien. Comme pour un avion, le TO ou l’agence s’engage sur un nombre de cabines qu’il pourra bloquer, confirmer ou rendre, selon ses ventes et les conditions du contrat signé.
Comment les choses se déroulent-elles en pratique? Les compagnies conseillent de s’y prendre 12 à 18 mois à l’avance dans l’idéal. L’organisateur du groupe choisit alors dans la programmation régulière la croisière qui l’intéresse et il envoie une demande de contingent à la compagnie, avec le nombre de cabines souhaitées, en précisant la catégorie, qu’il s’agisse de cabines intérieures, de cabines extérieures ou de cabines avec balcon. La compagnie va alors établir un contrat groupe qui reprendra la demande et l’assortira de plusieurs conditions, notamment en matière d’annulation. Le contrat contiendra aussi des dates de révision qui seront fixées d’un commun accord, par exemple 8 mois puis 6 mois avant le départ.
Ces rendez-vous permettront de faire le point sur la commercialisation et de confirmer ou non les options. Les compagnies de croisières se montrent toutefois souples: tout dépendra du projet de départ. « Lors des échanges, l’agence pourra expliquer à la compagnie la façon dont elle compte commercialiser son groupe », décrit Patrick Pourbaix, « si l’agence entend éditer un dépliant, on pourra alors prendre en compte le fait que les ventes débuteront au moment de sa publication ». « L’idée est d’avoir beaucoup de flexibilité dans la négociation et une gestion très personnalisée », complète Georges Azouze, pdg de Costa Croisières France.
Comme les compagnies aériennes, les compagnies de croisières pratiquent elles aussi un yield sur leur stock de cabines. Et ce yield commence d’ailleurs dès la mise en place de la croisière: l’objectif pour les compagnies de croisières n’est pas en effet de commercialiser la totalité de leurs cabines via les groupes mais de doser les choses de façon précise selon la recette globale attendue sur la croisière. « Les conditions seront plus souples si la demande est moins forte pour une croisière, à l’inverse nous serons moins enclins à accueillir des groupes si la croisière fait le plein », observe Hervé Bellaïche. « Les groupes ont une importance stratégique pour la compagnie car c’est un moyen de remplir les navires et cela nous permet d’éviter les promotions de dernière minute », poursuit Georges Azouze.
Le yield peut aussi intervenir au cours de la négociation avec l’agence de voyages ou le TO, au moment de confirmer ou non un contingent de cabines. Selon le remplissage engrangé sur le départ concerné, la compagnie peut décider, par exemple, de prolonger une option quelques semaines supplémentaires si le remplissage est mou. À l’inverse, si le remplissage s’accélère, la compagnie peut demander une confirmation immédiate, voire fixer un tarif supérieur pour les cabines qui n’auront pas été déjà confirmées.
La réservation d’un contingent de cabines donne donc lieu à des allers-retours incessants entre l’agence et la compagnie. « Chaque groupe est une négociation, c’est du sur-mesure », résume Georges Azouze. Jean Brajon lève un coin du voile: « C’est une négociation difficile car chacun défend ses intérêts: l’affréteur veut le meilleur prix et la meilleure qualité possible alors que la compagnie a le souci de sa rentabilité. Il faut donc trouver le bon équilibre. »
Les compagnies de croisières se veulent d’ailleurs très accessibles car elles sont tout à fait conscientes que le produit croisière n’en est encore qu’à ses débuts en France. « La croisière ne représente que 1 % du volume total du voyage en France », rappelle Patrick Pourbaix. Et, de fait, nombre d’agents de voyages ne sont pas forcément rompus aux subtilités de la réservation d’un groupe à bord d’un navire. Mais, qu’importe, les compagnies se veulent à leur écoute. « Il ne faut pas hésiter à contacter le commercial de la compagnie et à lui expliquer son projet », lance ainsi Patrick Pourbaix, qui compte 15 commerciaux en France. MSC Croisières et Costa Croisières affirment d’ailleurs vouloir en faire encore plus pour les groupes.
Comment se déroule la vie à bord pour un groupe? Si l’itinéraire est fixe, les compagnies de croisières acceptent de bonne grâce de mettre en place des attentions spéciales pour le groupe. La plus demandée? Le cocktail! Les participants du groupe se retrouvent autour d’un verre dans un salon privatisé pour l’occasion. Il est également courant pour les compagnies d’organiser des excursions spécifiques, selon la demande du groupe. À noter d’ailleurs qu’il s’agit d’une condition contractuelle chez Costa Croisières: un groupe qui souhaite organiser des excursions particulières devra obligatoirement passer par le croisiériste.
Les compagnies se montrent en tout cas ouvertes à toutes les demandes, qu’il s’agisse d’une privatisation de la salle de spectacle ou du spa ou même d’un barbecue sur une plage lors d’une escale. La restauration peut aussi être aménagée pour le groupe, avec là aussi la possibilité de privatiser un restaurant à bord. « Tout est imaginable dans la limite de ne pas gêner les autres passagers », résume Patrick Pourbaix. Chez Ponant, une règle est par exemple strictement posée: « nous ne faisons pas d’annonces pour les groupes car nous devons être précautionneux pour les autres passagers présents à bord, explique Hervé Bellaïche, de même, si un groupe nous demande d’organiser une soirée discothèque à bord, la soirée sera ouverte à tous les passagers. »
Les compagnies de croisières insistent par ailleurs sur une différence par rapport à l’hôtellerie: à bord d’un navire, les salles et le matériel sont toujours mis gratuitement à la disposition des groupes, contrairement aux hôtels qui facturent pour l’occupation de la salle et même la location d’un micro.
Pour Georges Azouze, les navires de croisières offrent en tout cas « un rapport qualité/prix et une expérience incomparable ». « Le groupe peut visiter des sites et des ports en profitant d’un hôtel qui se déplace, insiste-t-il, pour un groupe important, les navires offrent aussi suffisamment de capacité pour pouvoir loger tout le monde au même endroit et, ainsi, créer une unité de lieu, chacun passant d’un endroit à l’autre en un coup d’ascenseur. » Autant d’arguments à reprendre face aux clients!
Une formule a le vent en poupe chez les groupes: la mini-croisière! Plutôt que d’embarquer sur une croisière d’une semaine, nombre d’organisateurs de groupes optent pour une croisière de 3, 4 ou 5 nuits. Avantages: cela permet de proposer aux clients une durée plus courte et, par la même occasion, de réduire le prix.
Toutes les grandes compagnies s’y sont mises, à l’image de MSC Croisières qui propose une cinquantaine de mini-croisières chaque année. Chez Costa Croisières, la formule est même formalisée sous le nom de Sea Breaks, en référence aux City Breaks. « Cela marche très bien, se félicite Georges Azouze, pdg de Costa Croisières France, c’est un bon moyen de découvrir la croisière! »
Il n’y a pas que les bateaux de croisières et les yachts qui peuvent être privatisés, les ferries aussi! De la même façon qu’il est possible d’affréter un navire de croisières, les compagnies de ferries se disent elles aussi ouvertes à l’affrètement. « Nous le pratiquons ponctuellement dans le cadre d’événements », explique-t-on ainsi chez Corsica Ferries.
La procédure est alors similaire à ce qui se pratique pour les bateaux de croisières. « Il n’y a pas de délai type, affirme-t-on chez Corsica Ferries, mais, selon la saison, plus nous le savons tôt et mieux nous pouvons anticiper et organiser notre flotte pour répondre d’un côté aux besoins de notre plan de rotation pour les passagers de ligne, et de l’autre aux besoins de l’affréteur. » En termes de tarif, tout dépend là aussi de la période, de la durée, du nombre de personnes et de l’itinéraire. Corsica Ferries fixe toutefois une règle précise: « la confirmation de mise à disposition ne peut être assortie qu’à la condition du versement d’un acompte de 25 % du montant total du devis », précise la compagnie.
Si un affrètement complet est trop lourd, il est également possible de ne prendre qu’un nombre plus limité de cabines. Comme à bord des navires de croisières, les compagnies de ferries acceptent alors sans difficulté de privatiser certaines parties du navire lors de la traversée, par exemple une salle de réunion ou un restaurant. Là aussi tout dépend de la demande!
CLIA France rassemble les compagnies, agents de voyages et acteurs de l’industrie, afin de promouvoir le développement des croisières maritimes et fluviales. Elle présente les offres d’affrètement Groupe de certaines compagnies
Offres de compagnies
www.ponant.com/groupes-et-affretements
www.costacroisieres.fr/fr/premiere-croisiere/croisiere-pour-tous/partir-en-groupe.html ou
www.msccroisieres.fr/fr-fr/Contact/Collectivites.aspx