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La croisière s’amuse moyen

Zoom | publié le : 06.05.2011 | Dernière Mise à jour : 06.05.2011

Auteur

  • Karine Filhoulaud

Maritimes et fluviales Voilà quelques années déjà que les croisières ont le vent en poupe en France auprès de la clientèle individuelle. Les groupes franchissent-ils la passerelle des navires avec autant de facilité? Pas vraiment.

GLAMOUR! Voilà comment est désormais perçu le drame du Titanic grâce au film de James Cameron en 1997. C’est d’ailleurs comme ça aussi que les professionnels de la croisière aimeraient que leurs clients perçoivent paquebots, excursions, animations à bord… Tous les acteurs du secteur travaillent cette idée depuis longtemps. “L’image de la croisière n’était pas mauvaise il y a vingt ou trente ans, un peu dépassée peut-être, mais perçue comme exceptionnelle et onéreuse. Un rêve seulement accessible aux gagnants du Loto! Une certaine proximité entre ce produit et les clients manquait”, reconnaît Georges Azouze, président de l’Association française des compagnies de croisières (AFCC). “Les croisières toutes organisées, avec bingo, dîner de gala guindé, le tout pour un prix élevé, n’étaient pas pour enthousiasmer les foules!”, insiste Christine Macocco, directrice générale de Plein Cap Croisières. Hormis peut-être certains seniors fortunés.

Une meilleure image émerge

L’image de la croisière apparaît aujourd’hui plus en demi-teinte. À bâbord, ceux qui pensent, comme Pierre Simon, porte-parole de la société Terre entière, que “la croisière comme vacance n’est pas encore rentrée dans les mœurs françaises. Il y a encore tout un travail de défrichement à mener.” À tribord, les plus optimistes, qui voient un vrai changement dans cette perception, confirmé par les clients eux-mêmes. “Je ne m’attendais pas à un service si efficace, si souriant, présent sans trop l’être…” Cette phrase, Géraldine Farel, assistante marketing chez Latitude Sud pour Royal Caribbean, l’entend régulièrement de la part de ses clients. Idem pour les bateaux. Frédéric Saint-Paul, responsable incentive et groupe de Costa Croisières, voit évoluer cette image lentement, mais sûrement.

Communiquer plus

Depuis dix ans, l’amélioration de cette perception est spectaculaire”, à en croire Georges Azouze. Et pourtant, selon lui, ceux qui vendent les croisières au grand public n’ont pas tout de suite senti cette évolution: “Un grand décalage existe chez les agents de voyages entre leur vision des produits croisières et la réalité: montée en gamme et en capacité.

La communication est alors montée sur le pont. Vis-à-vis des agents de voyages, par le biais de l’AFCC, dont c’est la première fonction. Avec une communication plus ciblée de la part des acteurs privés du secteur. Côté croisière fluviale, Croisieurope estime avoir mis les bouchées doubles par nécessité. “Parutions dans la presse, manifestations diverses telles que le 35e anniversaire de la compagnie fêté en grande pompe, invitations à visiter des bateaux, présence sur les salons. Si nous ne communiquions pas, qui d’autre le ferait?”, rappelle Éric Collange, directeur des ventes de l’armateur. Côté maritime, c’est notamment Costa qui s’y est impliqué, dès les années 90, en lançant de colossales campagnes de pub à la télévision, la radio et dans la presse.

À clientèle élargie, offre diversifiée

Pour intéresser l’ensemble de la clientèle, les acteurs de la croisière ont aussi dû faire preuve d’originalité. Il y a quelques années, ils proposaient des thématiques aux croisiéristes: musique et opéra, violons tziganes, golf, Grand prix de Monaco, spa, salsa, gay, bridge, rien ne manquait. Au fil du temps, la recette est devenue amère. “Il y a sept ou huit ans, raconte Rose-Marie Blomme, toutes les compagnies en proposaient, c’est devenu trop courant, et la clientèle s’en est en partie désintéressée. Cependant, depuis l’année dernière, on sent un frémissement de ce côté-là.” Pour Éric Collange, une croisière à thème doit rester quelque chose d’exceptionnel: “Avec Bocuse, deux fois par an seulement, c’est extraordinaire!” Par les temps qui courent, la thématisation a un handicap certain, celui du risque financier élevé, car elle a un coût supplémentaire. Pour Mario Pilato: “Le thème n’est pas en phase avec le groupe, notamment de CE, dont les bénéficiaires recherchent avant tout un moment de vacances. Les responsables CE peuvent ainsi se couper de participants potentiels qui ne sont pas intéressés par le thème retenu, ou qui ne disposent pas du budget pour intégrer le surplus engendré par la thématisation.” Le thème culturel a tout de même assez bien résisté. “C’est grâce à la diversité des sujets culturels que l’on peut aborder les clients”, précise Christine Macocco. Cette dernière voit aussi venir un autre type de client, les seniors actifs qui font aujourd’hui leur voyage eux-mêmes, mais viennent à la croisière pour la prise en charge sécurisante qu’elle offre.

Des croisières personnalisées

La personnalisation, prisée des agents et de leurs clients groupes, existe aussi en mer, sur de petits navires certes, mais aussi sur de bien plus grands. Chez Costa, par exemple, on explique que les agents de voyages peuvent prendre un produit sec en brochure, et demander à l’agrémenter: tout inclus boissons aux repas, excursions spécifiques, espaces cocktail privatisés, etc.

Mon petit groupe, sur un grand navire, ne va-t-il pas être noyé à bord?” C’est souvent le souci des agents. À bord des navires de Royal Caribbean, un responsable des groupes gère les réservations aux animations des uns et des autres pour limiter l’effet de foule et instaurer une fluidité entre les groupes. Rose-Marie Blomme utilise, elle, une signalétique précise à table, joue sur les deux services et sur le décalage horaire ainsi créé entre les groupes, privatise un salon si besoin est… Pour Pierre Simon, “ce mélange peut poser problème quant à la cohésion du groupe global, mais nous y portons attention et, d’ordinaire, les éventuelles gênes s’aplanissent en deux ou trois jours.

L’exclusivité, enfin, est aussi une valeur sûre pour convaincre les agents et leurs clients. “Les agents veulent de l’atypique, par rapport à la production des grands TO”, insiste Clément Duchatelard, directeur clientèle de Taaj Croisières. Pour cette société, cela passe notamment par la présence à bord de nombreuses hôtesses. Elles accueillent les groupes au restaurant, aux spectacles, les accompagnent durant les excursions, assurent des animations ludiques… “Bref, c’est un peu elles qui donnent une âme au bateau”, conclut-il.

Avis de gros temps?

Les avis divergent encore sur la situation actuelle des groupes embarqués. Certains acteurs du secteur évoquent encore la crise. “Entre 2006 et 2009, c’était fabuleux, s’enthousiasme Christine Macocco, mais depuis, on sent les gens plus frileux.” Et Pierre Simon d’ajouter à cette gêne conjoncturelle, une autre entrave, plus structurelle: “Je pense que les demandes émanant de groupes vont demeurer ponctuelles, car le marché français n’est pas encore assez mûr. Rendez-vous compte que dans la tête de certaines personnes, la croisière reste un produit onéreux!

Les plus pessimistes voient les agents de voyages, ceux qui pourraient être leurs principaux fournisseurs de groupes, passer à côté de la croisière dans sa globalité, à force de la méconnaître, et de se faire ainsi damer le pion par d’autres canaux de distribution, comme internet.

Pour certaines compagnies, c’est le développement des Gir qui pose problème. “Dans le passé, nous avions beaucoup de gros groupes déjà constitués qui arrivaient par nos intermédiaires, explique Rose-Marie Blomme. Aujourd’hui, ce sont presque en totalité des Gir, et pour nous c’est plus compliqué à gérer. Les agences qui s’engageaient hier sur un allotement de 200 clients, ne le font plus aujourd’hui et rétrocèdent même la plupart du temps des cabines.” Alain Souleille, directeur général de Rivages du Monde, voit plutôt le verre à moitié plein, en reconnaissant une baisse du nombre de participants dans les groupes, mais pas une diminution du nombre de groupes, “ce qui est sans doute dû à la particularité heureuse de la croisière fluviale, qui a le vent en poupe”, précise-t-il.

Comment rectifier le cap?

Tous les acteurs désireux de voir se remplir leurs navires doivent aujourd’hui tenir compte d’un faisceau d’évolutions. Le petit groupe, par exemple, semble beaucoup se développer. “Nous voyons des individuels se rassembler pour composer un petit groupe affinitaire ou amicale, et profiter ainsi des tarifs groupes”, remarque Éric Collange.

L’exigence des clients toujours plus haute sera aussi un changement à bien appréhender. Les demandes des clients, aujourd’hui basiques, devraient s’affiner au fur et à mesure de leur découverte du produit.

Autre phénomène incontournable, l’allongement de la saison que certains opérateurs perçoivent déjà. “Normalement, nous avons du monde sur nos bateaux à partir d’avril, puis en mai, juin et octobre, mais on voit que les groupes ne sont plus focalisés sur ces mois-là, et qu’ils débordent, pour profiter des bas tarifs, en février par exemple. Du coup, l’an dernier, nous étions pleins sur le Guadalquivir ce mois-là!”, observe Éric Collange.

L’optimisme reste toutefois de rigueur. “Le nombre de participants ne baisse pas, assure Éric Collange, on nous serine que les gens n’ont plus envie de voyager en groupe, mais je ne le pense pas.” Mario Pilato est plus enthousiaste encore, car, pour lui, le marché français est celui qui a le plus de potentiel en Europe: “Je suis certain que la France va exploser dans les mois et années qui viennent, et comme on dit que le groupe suit la tendance des individuels…

Sur toutes les mers du monde

Maldives, Ponant, Orenok, Antartic, Laos, Ibiza, Port-Mahon, Delphes, Albanie, Amazonie, Moscou, Saint-Pétersbourg… Côté destination géographique, la croisière semble présente partout. Pour les groupes, ce sont avant tout les zones classiques, et peu onéreuses, telles que la Méditerranée et le nord de l’Europe, qui sont le plus programmées. "À 70 % chez MSC croisières, précise Mario Pilato, car les groupes sont en train de découvrir la croisière et ne s’aventurent donc pas dans l’originalité pour le moment."

Mais, selon Christine Macocco, "pour les bateaux à taille humaine, l’Espagne, les Canaries et le Maroc ne fonctionnent plus, sans doute parce qu’ils sont aujourd’hui abordés par les gros navires." Le choix de la destination reste aujourd’hui le premier critère de sélection des clients, mais cela pourrait changer.

Pour les familles, notamment, adeptes des immenses bateaux à l’américaine, promus comme des destinations à part entière.

"Nos itinéraires sont assez classiques, confirme Géraldine Farel, c’est donc autre chose que viennent chercher nos clients."

Mario Pilato détaille le processus: "La première fois qu’ils embarquent, les groupes font attention à la destination de la croisière, car ils sont encore dans la phase de découverte du produit, mais pour les croisières suivantes, ils prêtent aussi attention aux navires".

Mais ce qui se déroule à bord semble aussi prendre de l’importance, comme les activités proposées ou les spectacles.

Les chiffres

Pas moins de 12 %, c’est la progression du marché de la croisière maritime en France entre 2009 et 2010, selon l’AFCC. La Méditerranée reste la destination privilégiée des Français pour 69 % d’entre eux, suivie par les Caraïbes (14 %). Sans plus de détails, l’AFCC annonce que les groupes sont en augmentation.

La marge de progression de la croisière en France est bien réelle même si elle se place loin derrière les autres grands marchés européens, en 5e position avec seulement 387 000 croisiéristes. Le Royaume-Uni reste largement en tête avec 31,5 % du marché européen (1 533 millions de passagers). Puis vient l’Allemagne avec une progression de 13 % (1 027 millions de croisiéristes en 2010). Elle est de 16 % pour l’Italie qui atteint les 790 000 passagers. Quant à l’Espagne et ses 627 000 clients, elle s’offre une progression de 26 %.

Chaque année, la croisière gagne ainsi des parts de marché, notamment sur les voyages organisés.

La fréquentation des groupes est elle aussi en augmentation. Et tous les types de croisières semblent bénéficier de cette évolution. Autre indicateur au vert: l’opération annuelle de promotion intitulée Le jour le plus long de la croisière a battu un record de réservation en 2010 avec + 43,67 % de passagers inscrits par rapport à 2009, ce qui a rapporté plus de 1 million d’euros de commissions aux agences de voyages (+ 42,20 % par rapport à 2009). Le chiffre d’affaires, lui, s’est monté en 2010 à plus de 9 millions d’euros, en augmentation de près de 35 % par rapport à l’année précédente.

Pour ce qui est de la croisière fluviale spécifiquement, l’AFCC estime que les passagers français de croisière sur les fleuves représentent un tiers du marché global.

Croiseurope et le CDT de la Gironde dans le même bateau

Des croisières fluviales inédites sur la Gironde à la découverte de l’estuaire, c’est ce que la compagnie fluviale a mis en place cette année avec l’appui promotionnel du CDT. L’échange de bons procédés a débuté par un aller-retour de quelques artisans de bouche girondins à Strasbourg. Objectif: animer la célébration des trente-cinq ans de la compagnie. Un franc succès aux dires de Christian Cailleau, chargé de promotion CDT Gironde: "L’impact de ce déplacement a été bien réel puisque j’ai vu des invités venir nous voir à notre stand, puis aller directement s’inscrire à la croisière!" Dans l’autre sens, les choses se sont faites lors de l’opération d’Atout France, "Rendez-vous France", à destinations des clients étrangers de la France qui a justement eu lieu il y a quelques semaines à Bordeaux. "Nous avons invité nos hôtes présents pour l’événement à venir visiter le bateau de Croisieurope", raconte Christian Cailleau.

Ce dernier, et tout le CDT avec lui, se félicite de l’arrivée du plus gros croisiériste fluvial français dans l’estuaire. "Elle renforce et crédibilise tout le travail que nous menons vis-à-vis du fleuve, notamment le soutien que nous avons pris l’habitude d’apporter aux initiatives privées dont le but est d’animer l’estuaire", dit-il.

Le tourisme d’affaires sur le pont

Pour Cédric Lagrifoul, dirigeant de Voiles & Traditions, rien ne vaut une croisière en vieux gréement pour réussir un séminaire ou un voyage de motivation.

Son voilier, La Nébuleuse, il la présente comme une entreprise. La conduite d’un voilier impose que l’équipage soit en cohésion, mais qu’il y ait aussi une vraie hiérarchie à bord. Question compétences, à bord, tous sont sur un pied d’égalité face au bateau et aux manœuvres, car même les plaisanciers n’y connaissent rien en vieux gréement. Concernant la participation de tous, l’équipage dans sa globalité est concerné par l’activité sur le pont.

Sur le bateau, personne ne peut réellement s’isoler des autres, ce qui entraîne l’intégration de tous aux tâches à effectuer. Le vieux gréement véhicule aussi des valeurs attachées à la tradition, au passé… de l’entreprise par déclinaison. Sur un voilier, tout le monde est aussi obligé de suivre un seul et même cap, puis d’en changer, comme dans une entreprise, au fur et mesure de l’avancée du bateau. La force de proposition est aussi développée sur le pont, car si une voile se déchire par exemple, le matelot d’un jour se doit de le signaler. Et si une tempête se déclenche, par exemple, tout le monde doit se serrer les coudes!

"J’ai des entreprises qui me sont fidèles depuis douze ans, affirme Cédric Lagrifoul. En fait, ce qui a changé, ça n’est pas tant le nombre de groupes à peu près stable chez moi, mais leur façon d’acheter: la transaction se fait aujourd’hui un mois seulement souvent avant le séjour. On a un peu l’impression que maintenant tout le monde est en flux tendu, et que les entreprises ne décident de ce type de séminaire que si les résultats ont été obtenus."

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