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Hôteliers indépendants: le défi de la commercialisation

À la Une | publié le : 01.07.2014 | Dernière Mise à jour : 01.07.2014

Auteur

  • Catherine Mautalent

Stratégie En France, l’hôtellerie indépendante est très majoritaire, elle représente environ 83 % du parc. Des établissements de type familial, dont près d’un sur deux n’adhère à aucun réseau. Des indépendants purs et durs! Tourisme de groupe s’est intéressé à eux, et plus particulièrement en les interrogeant sur la manière dont ils abordaient le marché groupes. Enquête.

Dans un secteur d’activité où il n’est pas rare de se regrouper, quelle place occupe aujourd’hui l’hôtelier indépendant? C’est-à-dire celui qui n’exerce pas sous une enseigne, qui dispose d’une autonomie capitalistique, et ne s’appuie sur aucun réseau ou regroupement… Et comment s’y prend-il pour commercialiser son établissement auprès de la clientèle groupes? Car rares sont les hôteliers qui ne s’intéressent pas à cette cible dès lors qu’ils disposent de la capacité suffisante pour les accueillir… « La commercialisation demande souvent du temps, mais cela n’impose pas nécessairement beaucoup de moyens, selon Mark Watkins, directeur du cabinet spécialisé Coach Omnium. En revanche, cela exige une bonne connaissance des outils de vente que l’on peut utiliser en hôtellerie, par rapport aux différentes cibles de clientèles et à ses priorités de rentabilisation/remplissage. Bien entendu, un hôtel qui aurait suffisamment de clients, avec de bons taux d’occupation et des chambres vendues à bon prix, sera moins concerné. Soit, parce qu’il connaît déjà très bien les règles de commercialisation hôtelière et les applique, soit il a la chance d’avoir une demande naturelle suffisante sans effort de promotion ni de vente. Tant mieux. Mais, il faut reconnaître que ce type de situation est de plus en plus rare ». Alors, quels sont les moyens utilisés et les méthodes mises en place par ces hôteliers indépendants pour séduire les professionnels du tourisme de groupe?

Les groupes: un marché stratégique

Comme monsieur Jourdain qui faisait de la prose sans le savoir, les hôteliers accueillaient des groupes sans véritablement s’en occuper. Les choses ont évidemment changé depuis, et la tendance est toute autre. La clientèle groupes est un marché stratégique, et nombre de ces prestataires affichent clairement leur attention en s’appuyant sur une palette d’outils et menant des actions ciblées. Pour peu qu’ils fassent des prescripteurs de voyages en groupe, et en particulier les autocaristes une priorité, avec qui ils établissent des relations privilégiées, conviviales et proches. Parce qu’ils ont cette facilité et capacité (comme cette envie) de s’adapter à leur demande, d’être à leur écoute et de répondre à leurs besoins. Une souplesse et une réactivité que d’autres n’ont pas… De plus, les hôteliers indépendants peuvent se prévaloir d’atouts non négligeables (accueil personnalisé des groupes, ambiance familiale, confort soigné, environnement privilégié, restauration à base de produits du terroir…), auxquels la clientèle est sensible. Et les autocaristes l’ont bien compris, eux qui privilégient bien souvent dans leur production ce type d’établissement. Autre atout mis en avant par les professionnels: l’avantage de pouvoir traiter en direct sans avoir à passer par une centrale de réservation. Plus « anonyme ». Et en travaillant régulièrement ensemble, il est plus facile d’apprendre à mieux se connaître, c’est évidemment très important dans la négociation commerciale. Des établissements, qui selon les autocaristes, notamment, ne ménagent pas leurs efforts sur des services que ces professionnels peuvent être amenés à leur demander. Cette indépendance permet évidemment une flexibilité des procédures et standards facilitant la personnalisation des services offerts à la clientèle. Un contact direct qui permet aussi d’obtenir des informations sur les différents centres d’intérêt touristiques situés dans la région.

Mais être indépendant a un prix. Car être libre de « mener sa barque » comme on l’entend, ne permet pas toujours d’avoir les moyens nécessaires de ses ambitions. Mais pourtant: « On a besoin de personne pour réussir », « on a une volonté farouche d’indépendance », « on travaille comme on a envie », « je reste maître et décisionnaire de mes choix stratégiques »…, sont entre autres les quelques réactions lancées par des hôteliers que nous avons interrogés. Sauf que, diront notamment les regroupements initiés par des… hôteliers, qu’il est possible de garder son autonomie, tout en bénéficiant d’un appui marketing et commercial non négligeable. En restant indépendant, il n’est pas toujours facile de lutter contre les grosses structures qui disposent de moyens conséquents… Mais, là n’est pas notre sujet.

Aussi restera-t-il toujours des irréductibles qui se maintiendront en dehors de tout mouvement fédérateur. « On fera tout pour rester indépendant, nous indiquait ainsi l’un d’entre eux. L’établissement est une entreprise familiale depuis de nombreuses années, bien implanté, et qui travaille avec une clientèle fidèle constituée d’individuels et de groupes ». C’est dit.

Une commercialisation adaptée à la cible

Mais, ce n’est pas toujours suffisant de se reposer sur ses acquis. Il faut faire connaître son produit, son offre,… En d’autres termes, savoir se vendre! Et dans l’idéal: mettre en place une commercialisation active. La dernière étude menée par Coach Omnium, datant de 2011, qui abordait le sujet de l’activité commerciale des hôteliers indépendants, révélait « qu’un hôtelier sur cinq développait une commercialisation active ». C’est-à-dire qu’il mène des opérations organisées, dirigées et dynamiques afin de rechercher des clients. Contrairement à une commercialisation passive qui consiste à disposer d’un site internet et/ou à exister uniquement sur des listes d’hôtels portées par des organismes extérieurs (institutionnels, centrales…) sans forcément agir directement. Parmi les principaux constats révélés par l’étude: plus l’hôtel est grand, en capacité et en nombre de services, plus il réalisera d’actions commerciales (la première d’entre elles étant la présence sur le web) et de prospection; 31 % des hôteliers consacrent de dix à 50 heures par mois à la commercialisation, 26 % disent qu’ils se mobilisent moins de dix heures par mois; ou encore 66 % des hôteliers définissent leurs tarifs par comparaison avec les prix pratiqués par les concurrents.

« Les hôteliers français ne sont globalement pas de bons vendeurs », soulignait dans cette étude, Mark Watkins, et de rappeler l’édition d’un Livret de la commercialisation hôtelière à l’initiative du Comité pour la modernisation de l’hôtellerie française… dont il est le président-fondateur. Un document, de plus de 70 pages (!) effectuant – entre autres – un tour d’horizon des actions à mener, et ce à travers un grand nombre de moyens sur lesquels s’appuyer. Des moyens qui devront avant tout être en adéquation avec la clientèle ciblée, car chaque profil de consommateur a des attentes spécifiques. Entre les familles, les célibataires, les entreprises ou encore les groupes. Un dernier marché sur lequel nombre d’hôteliers indépendants se sont intéressés (et s’intéressent encore!) tout particulièrement. S’attachant au fil des années à tisser des liens étroits avec les autocaristes, devenus ainsi au fil des ans « des partenaires privilégiés ». C’est d’autant plus vrai, qu’une grande majorité des hôteliers indépendants que nous avons interrogés affirment « ne pas effectuer de démarches commerciales actives, directement auprès des associations, clubs…. », même si -et cela va de soi – ils ne leur ferment pas la porte! « On répond à des demandes ponctuelles, notamment en raison de notre présence sur internet », disent-ils.

Vous avez dit web?

Le web! C’est évidemment le premier support de communication (voire de commercialisation) pour se faire connaître. Une vitrine de l’établissement qui doit être en parfaite adéquation avec les prestations proposées. Le « parler vrai ». Aujourd’hui, l’outil internet s’est banalisé et s’est mis à la portée de tous, d’où l’intérêt de marquer sa valeur ajoutée en matière d’accueil des groupes, via la création d’un onglet dédié, et ainsi s’identifier en tant que prestataire groupes. Objectif: cibler et convertir l’internaute en client. L’aider, l’intéresser et surtout l’encourager à prendre contact. « D’ici la fin de cette année, nous allons créer un site internet sur lequel nous comptons dédier un espace à destination des professionnels, annonce ainsi Josué Horemans, propriétaire de l’hôtel-restaurant Les Falaises situé à Bouzies (46), qui pour ce faire s’est fixé une enveloppe de 6 000 euros. Les services de l’établissement y seront détaillés, nous y proposerons aussi des suggestions de séjours à travers la mise en avant des prestataires situés à proximité ». À l’exemple de saint Cirq Lapopie, Figeac, Rocamadour, Cahors… sans compter qu’au pied de l’établissement part un bateau pour des croisières-promenades. Le tout avec photos. Les renseignements sur les alentours sont des éléments incontournables. Ils aident à la fois les professionnels à faire leur choix tout en étant bénéfiques aux actions de référencement. Au côté d’une présence sur le web, la majorité des hôteliers indépendants ne manquent pas de s’appuyer parallèlement sur l’envoi d’e-mailings, et en particulier pour conquérir de nouveaux clients. Un travail « fastidieux », qui commence bien souvent par prendre un annuaire listant les adresses web des autocaristes…. « Il faut se donner le temps et la volonté de le faire, mais on n’a rien sans rien », dit Muriel Servais, gérante de l’hôtel Belle Vue à Souillac (46), qui avec son mari a repris l’établissement en avril 2012, avec pour objectif d’y développer l’accueil des groupes, contrairement aux anciens propriétaires. « Nous adressons également une newsletter chaque trimestre à des périodes ciblées, que sont les mois de mars, fin juillet et novembre, poursuit-elle. L’objectif est de mettre en avant des offres spéciales ou des animations spécifiques dédiées aux groupes, et le tout résumé dans un format court ». Des campagnes mailings largement utilisées par les hôteliers indépendants, et dont prospects et clients sont destinataires.

Aller sur le terrain, participer à des salons

Mais internet ne fait pas tout. Même s’il est aujourd’hui incontournable. D’autres méthodes de commercialisation sont adoptées. Plus traditionnelles, plus basiques. Mais néanmoins essentielles pour la plupart des hôteliers indépendants. À commencer. par la prospection terrain. « Chaque année, je consacre plus d’un mois de mon temps à aller rencontrer les autocaristes dans leur entreprise, soit en moyenne une quarantaine par an, indique Sophie Canton, Pdg de l’hôtel Gergovia à Super Besse (63), qui ne compte plus les kilomètres parcourus au volant de sa voiture! Ce sont des rendez-vous que je travaille en amont, je prépare ces tournées de manière à ce qu’elles soient les plus efficaces et rentables possibles ». Des autocaristes qui sont à la fois des clients, mais aussi des prospects. « C’est un réel investissement financier et humain, mais que je n’ai jamais vraiment calculé. Je me fais plaisir », poursuit-elle. Un investissement qui, en moyenne, amène à l’hôtel, une quarantaine de groupes par an. Et si Sophie Canton préfère se « débrouiller seule parce que cela coûte moins cher », c’est aussi parce qu’elle « peut compter sur son équipe ». Mais, les hôteliers indépendants travaillent, pour la majorité d’entre eux, avec très peu de personnel du fait des coûts salariaux trop importants pour leur budget. C’est le cas, par exemple, de l’hôtel-restaurant Le Moderne à Ste Anne d’Auray (56), disposant de 34 chambres. « Nous n’avons pas les moyens d’avoir un commercial, et nous-mêmes disposons de peu de temps pour entreprendre ce type de démarche, reconnaît Régis Auffret, propriétaire de l’établissement avec son épouse Isabelle. Ils accueillent en moyenne une dizaine de groupes par an, « dont les trois quarts sont amenés par les autocaristes », souligne Régis Auffret. Comment font-ils? « Pour capter la clientèle groupes, et uniquement via des partenariats avec les professionnels, nous avons fait le choix de miser dès le départ sur une participation au Mitcar, puis au Mit- International et enfin au MAP Pro International* explique Régis Auffret. C’est notre principale action commerciale ». Une démarche qui, tout au long de ces rendez-vous annuels, a permis à l’établissement breton de se constituer un fichier de professionnels fidèles. Et il n’est évidemment pas le seul dans ce cas.

Proposer des packages

Parmi les autres moyens commerciaux exploités par les hôteliers indépendants, nombre d’entre eux nous ont notamment mentionné le phoning. Un art difficile, souvent rebutant et là encore « mangeur de temps ». Mais nécessaire. Tant pour maintenir le contact avec ses clients, que pour relancer des prospects. En revanche, rares sont ceux qui ont fait le choix de se lancer dans l’édition d’une brochure dédiée. Question de budget. La plupart limite le support papier à une simple « plaquette » de présentation de l’établissement, souvent réalisée en interne. Un support à la fois destiné aux groupes comme aux individuels. D’autres, cependant, ont fait le choix de distinguer les deux clientèles, et sans aller jusqu’au format « brochure », font paraître un document à destination des professionnels. Un contenu plus dense, et l’occasion de suggérer des circuits autour de l’hôtel. Et nombre d’entre eux les commercialisent, forts d’une immatriculation obtenue auprès d’Atout France. Glissons ici que sur les 7 158 immatriculés (à mi-juin), 901 d’entre eux sont des gestionnaires d’hébergements ou apparentés, et le nombre d’hôteliers indépendants y est important. « À travers ces offres clé en main, c’ est évidemment un plus que nous apportons aux autocaristes, une valeur ajoutée à notre établissement, en mettant en avant son environnement proche tout en garantissant notre connaissance des prestataires locaux avec qui nous travaillons », disent unaniment les différents hôteliers que nous avons interrogés. Des offres qui s’accompagnent, bien sûr, d’une politique tarifaire adaptée. Et qui, cela va sans dire, sont indissociables de l’accueil réservé aux groupes dans chaque établissement.

« L’hôtelier indépendant est devenu plus que jamais un homme-orchetsre en matière de commercialisation, avec l’obligation qui est la sienne d’assurer la fréquentation et la rentabilité de son affaire », estime Mark Watkins. Mais, pas toujours facile de se positionner sur un marché groupes, à la fois de plus en plus difficile à travailler (crise oblige), et surtout face aux grosses structures. Mais commercialiser n’est pas qu’une affaire technique! Car, et les hôteliers indépendants l’ont bien compris, il faut aussi compter sur l’aspect humain (on aurait pu dire l’intervention humaine). Un atout prépondérant dans une société où la communication est de plus en plus « virtuelle », appauvrissant le rapport à l’autre et fragilisant les relations.

Vite dit

– Le Groupement national des Indépendants ou GNI (rassemblant depuis avril dernier trois syndicats de l’hôtellerie indépendante: Fagiht, Synhorcat et CPIH) a été reçu le 19 mai dernier par Arnaud Montebourg, ministre de l’Economie, du Redressement productif et du Numérique. Auparavant, soit le 22 avril, le GNI avait rencontré Laurent Fabius, ministre des Affaires étrangères et du Développement international, au cours d’un échange durant lequel tous les grands thèmes de la profession ont été posés. Les représentants du GNI ont appelé à un "new deal du tourisme". "Il y a urgence à sécuriser les entreprises de notre secteur et à adopter des mesures indispensables à leur développement", indiquait le communiqué du GNI. Il a ainsi plaidé pour l’adoption de mesures garantissant l’équité fiscale et réglementaire entre tous les acteurs, évoquant la réforme de la taxe de séjour (une taxe qu’il souhaite applicable à tous les types d’hébergement dans toutes les communes) ou la nécessité d’une révision des agences de réservation en ligne (les OTAs) plus contraignante afin de favoriser la réservation en direct.

– En novembre dernier, Tables & Auberges de France a créé un nouveau label destiné aux hôteliers indépendants sans restaurant: « Hôtelleries de France ». Objectif: gagner en visibilité et défendre le savoir-faire de ces établissements.

– Le site TripAdvisor a lancé en octobre dernier une nouvelle solution (« TripConnect ») destinée aux hôteliers indépendants (et aux chambres d’hôtes). Ils peuvent désormais afficher leurs marques sur le comparateur des prix. TripConnect complète la fonctionnalité de recherche « comparateur des prix d’hôtels », qui permet aux visiteurs de TripAdvsior de consulter en temps réel et simultanément les prix des chambres et leurs disponibilités. Ce service appelé « voir les prix » n’était réservé jusqu’alors qu’aux chaînes d’hôtels et agences de réservation en ligne (OTA).

En général, les hôteliers-restaurateurs constituent les exposants majoritaires au MAP Pro International. Nombre d’hôteliers indépendants appartenant à des réseaux ou des regroupements y sont notamment représentés, aux côtés d’établissements « autonomes ». Lors de l’édition 2013, ils représentaient 36 % des exposants.

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