À chacun son rythme de croisière

PAS À PAS, depuis 1989, le tourisme prend ses marques dans la société Collas, créée en 1986 et implantée à Bricquebec, à 20 km au sud de Cherbourg. Après le père fondateur qui, à la fin des années 80, conduisait lui-même son car de tourisme, d’autres conducteurs ont pris le relais. Tour à tour, se sont aussi succédées trois personnes uniquement chargées de développer cette activité. Depuis 2008, c’est à Bertrand Bossu de relever le défi.

À son arrivée, Bertrand a pour tâche de lancer une brochure annuelle paraissant en novembre, et concernant les GIR. Adaptée à tous les âges et budgets (de 70 à 1 500 euros), elle connaît un succès grandissant.“Pour preuve, les 20 personnes parties sur la Costa Brava il y a trois ans, annonce Bertrand, qui se sont muées en trois cars cette année!” Editée à environ 4 000 exemplaires, cette brochure est aussi envoyée aux directeurs de clubs, d’association, et aux responsables des CE, pour lesquels elle est en fait une source d’inspiration. Bien sûr, ces décideurs négocient ensuite directement avec Bertrand qui leur fait du sur mesure. Le site web a la même fonction pour les groupes constitués: attirer l’attention sur des produits et générer des idées. Et pour ce faire, rien de tel que des photos, mais pas n’importe lesquelles. Celles notamment que fournissent les clients eux-mêmes… et que Bertrand laisse astucieusement sous un format téléchargeable par tous.

Sur le site web, un onglet intitulé “les groupes recherchent…” mène à une page dédiée aux groupes constitués, en mal de participants. La page présente un produit groupe (au tarif groupe) réservé par un club, mais dont le quota de participants n’a pas encore été atteint pour que le départ soit assuré. Cette innovation est révélatrice de la stratégie de Collas: réussir à faire partir des groupes aux prix ad hoc, malgré la baisse avérée du nombre des participants. “Nous travaillons aussi à fédérer des membres de différents clubs, explique Stéphanie, car, dans un club, certains adhérents seulement peuvent avoir des envies d’évasion. Alors, pour qu’ils puissent partir à bons tarifs, nous les incitons à se regrouper avec d’autres adhérents d’autres clubs dans la même situation!” L’opération n’aboutit pas toujours car dans la région, dit-on, les querelles de clochers semblent restées vivaces… Voyager mêlés n’est pas dans la tradition… et voyager tout court, au-delà d’une seule journée, non plus!“Il faut que les clients acceptent de découcher, explique Stéphanie. Petit à petit, nous tentons d’amener certains d’entre eux à le faire en proposant des séjours de deux jours.”

Pour convaincre ses clients, Bertrand donne de sa personne, car c’est le contact humain qui, pour lui, est la clé du succès. Il accueille ainsi ses clients dans son bureau (encombré!) qui n’a rien à voir avec une agence. “Ce qu’affectionnent justement beaucoup de mes clients”, précise-t-il amusé. Ainsi, madame peut-elle s’informer sur les voyages et monsieur jeter un œil à l’atelier de mécanique, avant de visiter ensemble un car stationné là. Il rencontre aussi ses clients dans la galerie commerciale d’Auchan, à Cherbourg, une ou deux fois l’an, durant une semaine. Le côté informel séduit encore.

Depuis le 1^er février 2011, la société Lechanteur Voyages, dont l’agence de voyages est située dans le sud Cotentin, appartient à Collas Voyages, implanté au nord. “Cette complémentarité des zones de chalandise va nous permettre de développer notre activité en rayonnant plus loin… sans tomber dans l’excès des ramassages tentaculaires qui ajoutent des heures sans intérêt au trajet”, fait remarquer Stéphanie. En termes de production et de commercialisation, l’affaire sonne aussi bien. “Chez Lechanteur, détaille Bertrand, leur brochure propre, gérée par Christelle Valmy, s’adresse aux groupes constitués uniquement, au contraire de chez nous, avec le GIR. Nous pourrons d’autant mieux compléter, entre nous, les groupes trop légers en nombre de participants.”

“Elle revient vers nous”, annonce Bertrand ravi. “Elle”, c’est la “génération camping car”, celle qu’il affirme n’avoir pas vue dans les cars durant une dizaine d’années. Pour lui, la liberté, qui a constitué l’attrait principal de ce type de déplacement, s’est tant réduite au fil des réglementations, que les retraités commencent à vendre leur véhicule. Et il espère que ces anciens “camping caristes” se feront cette réflexion: “Tant qu’à être plus encadrés, autant l’être vraiment et par des professionnels.” Stéphanie est elle aussi confiante sur le soi-disant individualisme forcené de cette clientèle: “La collectivité, dans notre région encore très rurale, n’est pas connotée négativement.” Elle peut même être un atout: une de ses clientes de 60 ans ne lui a-t-elle pas confié récemment que le voyage, pour elle, c’était aussi du lien social?

Si les anciens ont des souvenirs prégnants de cars scolaires hors d’usage, les jeunes générations en sont aujourd’hui dépourvues… et sont donc plus ouvertes au voyage en car. C’est une certitude pour Stéphanie et Bertrand, qui tentent donc d’attirer ces jeunes avec des séjours balnéaires, d’originaux séjours mixtes culturels et randonnées (à choisir le matin), des excursions concerts, parcs d’attractions, soldes commerciales … “Et même la Gay pride”, affirme Bertrand. Et Stéphanie, souriante, de conclure: “Roulez jeunesse! Le titre de notre brochure 2011 est explicite, non?”