Œnotourisme Découvrir les plaisirs et les mystères du vin est un phénomène dans l’air du temps, en pleine mutation. Aujourd’hui, les touristes veulent déguster et découvrir les méthodes d’élaboration.
JAMAIS l’œnotourisme n’a été autant à la mode que depuis deux ans. Appâté par le potentiel économique du secteur, le gouvernement a initié la création du Conseil supérieur de l’œnotourisme, du Grand prix de l’œnotourisme et du Label vignoble et découverte. Il est vrai qu’environ 8 millions de personnes visitent chaque année une propriété viticole et que ce nombre est en hausse. Car les amateurs d’œnotourisme ne se recrutent plus seulement parmi les classes aisées. Ils sont beaucoup à ne plus se contenter d’une visite traditionnelle de cave suivie d’une dégustation. Ils veulent participer, s’initier, apprendre comment le vin est élaboré, découvrir les particularités du terroir… Alors que la première édition du Grand prix de l’œnotourisme a distingué des réalisations peu en phase avec cette attente, un nombre croissant de vignerons, de coopératives et de prestataires prennent en compte cette évolution, et proposent des visites interactives innovantes. Certains acceptent les groupes qui, selon les vignobles et les caractéristiques des vins qui y sont produits, peuvent réaliser des assemblages entre les différents cépages, parcourir les vignes, s’initier aux accords mets-vins, mais aussi faire des dégustations thématiques, etc. Parallèlement, ces dernières années, une kyrielle de musées dédiés au vin a vu le jour et renouvelle le genre grâce à une scénographie moderne. Petit tour d’horizon de ces nouveautés qui, ajoutées aux valeurs sûres existant de longue date, permettent de composer des courts séjours uniquement axés sur l’œnotourisme ou associant découvertes des vignobles avec visites culturelles ou activités sportives.
La montagne de Reims et ses villages typiques peuvent désormais se parcourir en 4×4 ou en quad avec la société Œnovasion. Plus novateur, à Damery, les champagnes Telmont proposent trois ateliers accessibles à des groupes de 25 personnes qui permettent de goûter des vins clairs en prélude à l’assemblage ou d’explorer les associations gastronomiques. Dans l’Aube, le champagne Dumont va plus loin avec des ateliers assemblages et vendanges, mais ils sont limités à 15 personnes. Pour apprécier la diversité et la complexité des champagnes, le bar-cave d’Epernay (C comme Champagne) propose un large éventail de dégustations: pour apprendre à reconnaître les cépages, les terroirs d’origine, les différents dosages (brut, extra brut, demi-sec), les rosés de saignée et d’assemblage, ainsi que les vins dégradés afin de reconnaître un bon champagne. Pour une dégustation à la fois classique et originale, direction Verzy et le Perching Bar, le premier et unique bar à champagne installé dans un arbre… qui peut être privatisé! À côté, le phare de Verzenay offre une vue sans égale sur le vignoble et abrite un musée évoquant le cycle de la vigne et les travaux viticoles. Quant au Pré à Bulles, inauguré en 2010, il retrace toutes les étapes de la création du champagne, ainsi que son histoire avec des tableaux animés, des films et des vidéos.
Faire percevoir comment le bois influe sur le goût du vin en faisant déguster des nectars élevés dans des fûts fabriqués avec du chêne de différentes origines. Cet atelier unique en France est proposé par le château Vincens, situé au cœur de l’A.O.C. Cahors, près de Luzech. Le propriétaire conduit également des randonnées à travers les vignes durant lesquelles il explique la nature des sols, l’enracinement des ceps, le terroir, Dans la même région, le Château de Haute-Serre fait participer les groupes aux vendanges et propose des ateliers de dégustation. Plus au sud, dans l’Hérault, le domaine de la Dourbie donne aux touristes l’opportunité de pratiquer divers travaux de la vigne en fonction des saisons: vendanges, tailles… Dans les Corbières, le château Lastours permet de combiner dégustation et sports mécaniques. Ce vaste domaine possède des dizaines de km de pistes que l’on peut parcourir en 4×4, en quad ou en buggy. Toujours dans l’Aude, le domaine de Gayda abrite Vinécole qui propose atelier, assemblage, cours sur l’élaboration des vins et visite des vignes. À Gruissan, la Cité de la Vigne et du Vin est tournée vers l’avenir et son parcours muséographique à trois niveaux de lecture souligne les liens entre traditions viticoles et innovations. Enfin, Terra Vinéa est un parc à thème sur le vin installé dans une ancienne carrière de gypse. Il s’agit plutôt d’une attraction destinée au grand public et non aux amateurs de vins.
La Route des vins d’Alsace est jalonnée de nombreuses caves accueillant les groupes, mais l’offre œnotouristique est majoritairement conventionnelle. Les vins Becker à Zellenberg, près de Riquewihr et le domaine de Bellenberg, à Westhalten, organisent toutefois des promenades explicatives dans les vignes. Plus ludique, l’association Aglae propose des rallyes pédestres à travers le vignoble. Enfin, l’un des plus grands producteurs de la région, les vins Arthur Metz, s’est doté d’une école qui prodigue des initiations à la dégustation, des dégustations thématiques et des cours sur les accords mets-vins. En Franche-Comté, l’Institut franc-comtois du vin et du goût offre les mêmes prestations, ainsi qu’une initiation à l’analyse sensorielle et une animation ludique appelée “casino des arômes”.
L’OT de Bordeaux est en mesure d’organiser des visites plus ou moins pointues de toutes les appellations. De son côté, l’OT de Bourg propose une croisière sur la Gironde agrémentée d’une dégustation qui peut être poursuivie et approfondie à la Maison des vins de l’appellation. Dans le Médoc, quatre femmes à la tête de crus bourgeois, les Médocaines, se sont associées pour faire découvrir leurs vins à travers des ateliers accords mets-vins vendanges et assemblage. Cette dernière activité est également proposée par b-winemaker à Saint-Emilion où l’OT organise des randonnées dans les vignes. Par ailleurs, des initiations à la dégustation se déroulent dans les Écoles des Vins de ce village et de Bordeaux. Grande nouveauté œnotouristique de ces dernières années, la Winery offre en autres des séances de dégustations avec les viticulteurs, des promenades commentées dans les vignes et une animation exclusive, baptisée le Signe Œnologique censée déterminer les vins que vous aimez. Un agréable divertissement Enfin, depuis 2008, le Musée du vin et du négoce de Bordeaux rappelle l’histoire de la vigne dans la région et le rôle tenu par le négoce dans son succès.
Dernier-né œnotouristique de la région, la Tour du pouilly fumé se veut un centre d’interprétation interactif du vignoble local qui aborde aussi bien le rythme des saisons, que les travaux des vignes et la vinification. Le tout ponctué de dégustations. Des balades dans les vignes et des visites thématiques sont également possibles dans des exploitations voisines via l’association Caves Ouvertes. Dans le même genre, la Maison du Sancerre offre un jardin aromatique rassemblant les plantes qui poussent sur les sols très variés de l’appellation et des dégustations. Là encore, des balades sont proposées par des vignerons partenaires. Dans le Saumurois, réputé pour ses caves, la Maison Ackerman inaugure ce printemps un parcours scénographique ayant pour thème les cépages et les méthodes de vinification du Val-de-Loire. En Anjou, le château des Vaults propose des visites des chais et des vignes expliquant la biodiversité, les méthodes culturales qui peuvent être couplées à des ateliers dégustation. Il organise également un jeu de piste pour découvrir le vignoble de l’A.O.C. Savennières. Près de Nantes, le château de Fromenteau a lui aussi recours à un rallye, baptisé “du cep au vin” pour découvrir le vignoble du muscadet.
Les grandes maisons de Cognac ont toutes des visites bien rodées, mais Camus se distingue en proposant de vivre l’une des étapes cruciales de la création du cognac, l’assemblage. Appelé Master Blender, cet atelier commence avec une initiation à la dégustation pour distinguer les différences entre des cognacs élaborés avec des raisins provenant de quatre vignobles de l’aire d’appellation. Puis, sous la conduite d’un maître de chai, ils créent leur propre cognac assemblant ces quatre crus dans les proportions de leur choix. Bon complément à ces visites, le Musée des arts du Cognac retrace l’histoire de cet alcool, de sa production et de son commerce à travers projections, objets et jeux olfactifs. Au milieu du vignoble, de petits producteurs comme le domaine de Breuil accueillent également les groupes et donnent une image plus artisanale de la production.
La vente aux enchères des Hospices de Beaune, en novembre, et la Saint-Vincent Tournante, en janvier, sont des moments propices et festifs pour découvrir les vignobles de cette région. À Marsannay, l’OT organise des visites géoviticoles, promenades commentées par un géologue qui explique comment a été façonné le terroir. Pour s’initier à la dégustation, direction Beaune avec Sensations vins ou l’École des vins de Bourgogne qui propose en outre lectures de paysages et visites de domaines. Et si vous aimez les bulles, deux lieux dévoilent les secrets d’élaboration du crémant de Bourgogne: l’Imaginarium de Nuits-Saint-Georges qui abrite également un espace sensoriel avec ateliers du goût et Veuve Ambal où s’observe une véritable chaîne de production. Loin de cet aspect industriel, à Ternans, dans le Beaujolais, le domaine Paire conduit ses visiteurs dans les vignes pour une initiation à la viticulture bio.
Assemblage, vendanges, taille… à côté de Nîmes, le domaine du Clos Boisé donne aux groupes l’occasion de découvrir et pratiquer tous les travaux de la vigne. Dans le même secteur, près de Beaucaire, le Mas des Tourelles a, en partenariat avec des archéologues, recréé une vigne romaine et produit des vins similaires à ceux de cette époque que les visiteurs dégustent au terme de la visite. Sur l’autre rive du Rhône, à Gigondas, le sommelier Julien Pujol emmène les groupes de vignes en caves pour des balades œnologiques passant en revue toutes les étapes de l’élaboration du vin. Quant à la coopérative de Cairanne, elle a ouvert dans son sous-sol un parcours sensoriel où le visiteur découvre le vin à travers les cinq sens, en humant des fioles d’arômes, en touchant des tissus évoquant les tannins en bouche, en écoutant des sons captés dans les vignes et le chai… Avec (bien sûr) une dégustation pour terminer.
Enfin, au pied du mont Ventoux, la coopérative Terra Ventoux organise des promenades dans les vignes, des apéros truffes et des balades en vélo électrique à travers le vignoble pour les groupes de 15 personnes.
Entretien avec Pierre Olivier Coron, fondateur et gérant de Promenades en France, TO offrant des voyages œnotouristiques dans tous les vignobles de France.
Comment évolue le marché de l’œnotourisme?
Les clients veulent de l’authentique, être acteurs de leur voyage, découvrir en profondeur l’univers du vin, ainsi que les associations avec la gastronomie et rencontrer les vignerons.
Quels sont les produits phares?
Les rallyes découvertes dans les vignes à pied, en vélo ou en voiture, les randonnées pédestres à travers le vignoble avec lecture du paysage, les balades s’achevant par un repas champêtre dans les vignes, les cours de cuisine à la propriété, les ateliers de fabrication d’un tonneau….
Comment travaillez-vous avec les groupes?
Via des TO généralistes comme Thomas Cook ou Kuoni et des membres du réseau Tourcom auquel nous sommes également adhérents. En direct, avec des comités d’entreprise et des associations. Nous proposons généralement des programmes sur mesure et l’idéal est d’avoir des groupes de 20-25 personnes. S’il y en a 40-50, nous faisons en sorte d’avoir deux guides.