Marketing Fidéliser ses clients reste un défi. Qu’ils soient intermédiaires, autocaristes, agences ou responsables d’associations, clubs, comité d’entreprises, l’opération requiert un certain état d’esprit et quelques outils spécifiques.
PETITS ET GRANDS, spécialisés et généralistes, les opérateurs du tourisme en groupe sont unanimes: le contact humain est tout simplement au cœur de tous les principes de fidélisation. Françoise Brunod, responsable du service groupes de Mavie, TO spécialiste de la Turquie, créé en septembre 2010, en est la preuve: “Je travaille depuis vingt ans dans le secteur, j’ai aujourd’hui un certain nombre de clients fidèles, que je connais bien et qui me suivent chez Mavie.” Ce capital humain, il faut savoir l’utiliser efficacement, comme le précise Véronique Sauvée, responsable technique et commerciale groupes et Gir, chez Voyages Girardot Organisation: “Savoir amener ses équipes vers la clientèle de la juste manière et au bon moment est aussi nécessaire.” Fidéliser passe aussi par l’ancrage local. “Notre équipe commerciale est répartie dans les régions et chacun de ses membres connaît les décideurs locaux de groupes” assure par exemple Patrice Lieberman, directeur des ventes de Belambra. La “bonne délivrance du produit vendu”, comme il le dit aussi, est à la base de tout. “Le professionnalisme est gage de fidélisation”, insiste Corinne Giorgiutti, directrice de HCF (Hôtels Circuits France), regroupement de 24 hôteliers indépendants spécialisés sur le groupe. Elle continue sur le thème de l’obligatoire personnalisation des relations: “Nos clients ne sont pas des numéros, nous leur réservons un accueil et une relation particulière.” De cet adage découle souvent l’adaptation des produits aux desiderata du client: “Nous proposons un accompagnement à la carte, qui colle à la demande, loin d’un système industriel”, revendique Françoise Brunod.
La sérénité dans l’organisation et le déroulement d’un voyage sont d’autres facteurs de fidélisation. Pourquoi aller chercher ailleurs si on se sent bien avec un fournisseur? “La sécurité, la qualité du service, la tranquillité sont des éléments importants notamment pour les CE et les associations”, confirme-t-on au service groupes de Fram.
Les clients sont toujours sensibles à la réactivité de leurs fournisseurs. “Ils apprécient que nous répondions sous 48 à 72 h”, explique Aurore Baudry. Après s’être enquis de la manière dont s’est déroulé le voyage juste terminé, le seul objectif consiste à anticiper le prochain séjour, identifier les nouveaux besoins du groupe, analyser le nombre de participants envisagé, s’informer sur le budget prévu, la destination souhaitée, etc. Tout cela pour se positionner vite comme force de proposition.
C’est la brochure, régulièrement mise à disposition des clients, qui tient encore le haut du pavé comme outil de fidélisation. La plupart du temps, même consultables en ligne, leur version papier reste incontournable. Au contraire. “En fait, c’est surtout le catalogue papier qui est utilisé par les autocaristes et les agents de voyages groupes”, explique Corinne Giorgiutti. Elle envoie chaque année, fin mai, 3 500 exemplaires. Même constat pour Aurore Baudry: “Les groupistes nous disent que cette brochure est une bible pour eux. Ils l’archivent pour la ressortir au moment où ils ont à travailler sur la Touraine.” Bretagne spécial groupe, qui fédère les CDT bretons, a même pris soin, l’an passé, de repenser la présentation papier de sa brochure envoyée aux TO étrangers et autocaristes français. “D’un bottin, nous sommes passés à une brochure plus visuelle et attractive”, précise Georges Rivière, chargé de promotion commerciale au CDT Morbihan. Ceux qui n’éditent qu’une petite brochure, car ils font avant tout du sur mesure, et ceux qui n’en font qu’à destination des individuels, s’accordent cependant sur l’intérêt d’un tel support synthétique vis-à-vis des intermédiaires et responsables groupes. “Notre petite brochure groupe, qui paraît tous les six mois, précise-t-on au service groupes de Fram, est une vitrine qui présente aux clients des idées de produits, des commentaires, des exemples de tarifs. C’est un document d’appel.”
Comment rencontrer de visu ses clients et tisser un lien concret avec eux? Dîners et soirées sont “efficaces”, selon le service groupes de Fram. Idem pour les présentations de brochures aux agents de voyage ou les réunions clients prévoyages. “Des événements qui fonctionnent bien”, aux dires de Sophie Bastard, du service groupes et séminaires de Joubert Voyages. Chez cet autocariste, on prévoit trois à quatre soirées par an à destination de ces clients particuliers. “Pour créer des liens et favoriser la proximité entre nos clients et nous, nous les organisons dans nos locaux”, raconte-t-elle. Chamonix, la Réunion, le Portugal… chacune a son thème, son décor, ses buffets, ses présentations de destinations, ses petits cadeaux, ses jeux, ses animations correspondantes. “Ces moments-là ne se veulent pas commerciaux, insiste-elle, c’est juste l’occasion de distiller des idées dans un cadre détendu… Bref, il s’agit pour moi du prototype même de l’opération de fidélisation.”
Démarche plus originale encore chez Girardot Voyages: 75 clients ont été conviés à assister à un spectacle de danse contemporaine donnée à l’Espace des arts dont la société est mécène. “C’est une façon de remercier nos clients, de pérenniser une relation amicale et professionnelle, bref de fidéliser, pas de vendre”, précise Valérie Sauvée.
Célébrer son passé pour assurer son futur, en y impliquant ses clients, peut être une bonne affaire. Véronique Sauvée en est convaincue: “L’anniversaire des 90 ans de Voyages Girardot, nous le voulions comme une vraie opération économique, c’est pourquoi nous y avons associé nos clients.” Quelque 2 500 d’entre eux ont été accueillis dans un hôtel en Espagne et pas moins de 450 en croisière dans l’Adriatique, le tout pour un très bon rapport qualité prix, avec des animations spéciales et un esprit très convivial, voire familial que la présence des équipes et dirigeants de Girardot n’ont fait que renforcer. “Nous avons pu montrer notre savoir-faire sur des grands évènements, au-delà des voyages classiques que nous proposons, rencontrer nos clients, sensibiliser nos équipes à la perfection… ce qui encourage la fidélité”, s’enthousiasme Véronique Sauvée.
Lors des incontournables salons professionnels (Map Pro, Top Résa, Réunir, Bedouk, Salons CE, Rendez-vous France, etc.), chaque stand ou presque organise son pot, sa dégustation ou sa conférence. Une occasion de travailler la fidélisation. Même démarche lors des workshops où l’on parle affaires dans un autre cadre que la négociation face à face. “Avec Bretagne spécial groupe, nous avons monté, l’an passé, un grand workshop avec 80 prestataires qui ont accueilli les responsables des CE, des clubs bretons, les autocaristes et leurs clients”, raconte Georges Rivière. Les éductours destinés aux distributeurs et à leurs gros clients offrent aussi la possibilité d’échanger dans un cadre plus convivial. Ces opérations sont donc prisées des producteurs groupes.
Une offre multiple et variée. Voilà qui peut convaincre les clients de rester fidèles. S’ils trouvent chez leur fournisseur tout ce dont ils ont besoin en termes de destinations et de types de voyage, pourquoi partir ailleurs? Aux groupistes donc de proposer des produits en nombre, nouveaux et insolites. Patrice Lieberman le fait au travers de ses villages. En quelques années, 80 % des sites Belambra ont été rénovés. “Imaginez que certains de nos clients intrigués reviennent en partie justement pour voir notre évolution”, se réjouit-il. Aurore Baudry, qui sait que les groupistes sont friands de produits originaux, leur compose des programmes incluant des sites méconnus, tels le château et les jardins du Rivau, la forteresse de Chinon, les Bateliers de la Vienne, les sites troglodytes ou le parcours La Loire à vélo. “Les groupes réguliers, surtout des Européens, ont déjà visité les châteaux, explique-t-elle, il faut donc leur donner matière à revenir.” Le classement par l’Unesco du Val-de-Loire lui facilite un peu la tâche, elle le reconnaît.
Pour certains opérateurs – regroupements d’hébergeurs ou villages de vacances – diversité doit rimer avec homogénéité. “Nos clients autocaristes, fait remarquer Corinne Giorgiutti, disposent dans chaque hôtel du même service tout inclus, avec excursions, accompagnateur, animations et soirées.” Dans ce cas, les clients peuvent être travaillés, concernant la fidélisation, vis-à-vis de à la marque, du concept, comme de la destination.
Distribution de carnets de voyage et de petits guides, arrangements pour les places dans l’avion, prise en compte des régimes alimentaires, présence de porteurs, cocktails de bienvenue “sont autant de détails qui n’en sont pas du tout, affirme Sophie Bastard, une somme de détails qui font que le voyageur se sent traité comme un individu et non le membre d’un groupe.” Et de cela, Sophie est certaine, ses clients s’en souviennent. Dans le même registre, ne pas négliger, comme le pense Véronique Sauvée, “le cadeau de fin ou début d’année qui reste un vieil outil de fidélisation certes, mais qui existera toujours.”
Chez Belambra, on l’a compris et on a divisé le service réservation en différents pôles: professionnels du groupe, clubs, associations, fédérations, etc. “Nos conseillers voyages, explique Patrice Lieberman, sont des spécialistes de chaque type de clients. Ces derniers sont ainsi pris en charge par des équipes qui connaissent leurs préoccupations.” Chez Joubert Voyages, on va au-delà. L’interlocuteur dédié connaît personnellement chacun de ses clients. Il tisse peu à peu une relation particulière avec eux. Une façon d’obtenir l’arme absolue de la fidélisation: la réputation. “En fait, on marche bien sans commerciaux, reconnaît Sophie Bastard, car Joubert Voyages bénéficie d’une réputation qui pousse les gens à venir vers nous sans que nous ayons à les démarcher.”
Si les outils précédents sont utilisés peu ou prou par les acteurs du tourisme de groupe, les nouvelles technologies retiennent peu l’attention des professionnels. Ils les utilisent pour les individuels, mais pas pour les groupes, du moins pour le moment. “Je ne suis pas trop pour les nouvelles technologies a priori, s’avance Véronique Sauvée, mais je suis curieuse. De toute façon, on ne peut mettre de côté ces nouveaux outils, nous devrons les associer aux autres opérations.” Certains s’y sont déjà essayés et éditent une newsletter dédiée aux groupes. Celle d’Aurore Baudry est diffusée quatre fois par an et contient des offres nouvelles et inédites. “Elles sont exclusives, en tous les cas, on s’y attelle”, affirme-t-elle. Celle de Corinne Giorgiutti est envoyée tous les 10 ou 15 jours durant la haute saison, moins fréquemment en basse saison. Celle de Sophie Bastard, arrive chez les groupistes une fois par mois depuis quelques années déjà. “Les décideurs groupes pensent ainsi à nous régulièrement. Et s’ils fréquentent Facebook, ils peuvent aussi recevoir des nouvelles de nous par le réseau car un de mes collègues y anime une page.” On est bien à l’aube de l’utilisation des réseaux sociaux pour la clientèle groupe. Certains pionniers dans l’âme pensent cependant déjà aux potentialités de ces outils. “Il y a beaucoup de choses à initier dans ce domaine”, susurre Véronique Sauvée d’un ton mystérieux.
Et si le prix était un élément de fidélisation des groupes? Comme il l’est déjà en partie pour la clientèle individuelle. Certes, les groupistes ne se le cachent pas, le prix est important pour les clients. Ils semblent pour la plupart se refuser à plonger dans la course au bas prix pour ne pas en faire pâtir la qualité des produits proposés. “Derrière ces bas prix, dénonce Véronique Sauvée, il n’y a pas de qualité, et c’est pourtant elle qui est à la base de toute fidélité. Lorsque je ne peux pas m’aligner sur des prix trop bas, je lâche l’affaire et conseille à mon client d’acheter chez le concurrent qui lui a fait une offre plus intéressante.” Elle attend alors qu’il revienne! “Parfois un an, s’amuse-t-elle, parfois quelques semaines seulement comme dernièrement. Au moment de signer chez un de mes concurrents indélicats, le client a vu s’allonger la liste de surcoûts inattendus.” D’autres groupistes évitent aussi de rentrer dans cette course, tout simplement, parce qu’ils ne pourraient pas la gagner.
Si un groupe, une fois qu’il a découvert les pyramides d’Egypte, n’y reviendra vraisemblablement pas l’année d’après, il peut au contraire apprécier de revivre chaque année l’ambiance d’un carnaval, d’un festival de rue, etc. Sophie Bastard le confirme: "Nous envoyons chaque année à la même date, les mêmes groupes au Brésil, pour le carnaval. À nous de leur proposer des excursions chaque fois différentes pour agrémenter leurs séjours et les pousser à revenir encore et encore. À nous bien sûr aussi de les tenir informés sur ces événements." Certaines destinations spécifiques dont les gens "tombent amoureux" sont aussi propices à la fidélisation. "Nous réussissons à les fidéliser en nous appuyant sur leur enthousiasme."