Production. Comment les autocaristes conçoivent-ils leur brochure groupes? Choix des prestataires, sélection des destinations, palette de formules, textes, photos, mise en page, format, coût,… Autant d’aspects passés à la loupe par Tourisme de Groupe à travers le témoignage des professionnels.
Concevoir une brochure n’est pas une mince affaire! Cela ne s’improvise pas. Ne dit-on pas qu’elle reflète l’image de l’entreprise @? Chaque étape dans la conception a son importance. Du choix de son contenu à sa mise en forme, rien ne doit être laissé au hasard. L’aspect visuel est essentiel, les photos cruciales. Quant au rédactionnel, il doit être tout autant soigné, sans jamais enjoliver un produit. En donnant moins de détail, on prend moins de risque, et le client ne sera pas déçu. “Dire la vérité, rien que la vérité”!
Concevoir une brochure, c’est un travail qui se prépare évidemment à l’avance. Mais au final, les entreprises ont en main une réelle carte de visite. Seul “matériel” concrétisant le produit à vendre. Essentiel pour mieux convaincre.
La brochure peut-elle aussi séduire les groupes? Trouve-t-elle sa place auprès de cette clientèle? À en croire les autocaristes que nous avons interrogés, la réponse est unanime: “C’est un outil à faire rêver les clients, elle est destinée à positionner la marque, à conforter l’image de l’entreprise, et elle est attendue par la clientèle. De plus, elle constitue à la fois un support et un outil de travail pour les commerciaux, et répond à la clientèle ciblée que sont les clubs, les associations, donc a fortiori des personnes âgées qui n’ont pas toutes internet pour surfer sur des sites de voyagistes”. Contrairement aux responsables des comités d’entreprise (CE)… Pourtant, eux aussi viennent s’ajouter dans la majorité des cas à la cible associative à travers une brochure commune. “Question de coût”, lancent certains, quant d’autres ajoutent “qu’un contenu qui déploie une offre large et variée peut répondre aux attentes de ces deux types de clientèle dans un même document”. Un point de vue qui n’est pas partagé par tous. À l’exemple de Périer Voyages (Lillebonne) qui a fait le choix de distinguer ces deux cibles. “Nous proposons deux brochures groupes distinctes, l’une pour le secteur associatif depuis de longues années maintenant, l’autre pour les comités d’entreprise dont la première parution date d’il y a huit ans, indique Anne-Sophie Lecarpentier, responsable de la production GIR et groupes constitués. Un choix qui se justifie par des attentes et des besoins différents de la part de ces deux cibles. Pour les associations ou les clubs, on insérera en brochure des produits bien bordés, plutôt en France, et on évitera certains produits comme les parcs d’attractions. Pour les CE, on est plus dans des programmes dépouillés, avec par exemple des déjeuners libres ou encore des visites moins culturelles et plus ludiques”.
Deux brochures distinctes donc pour l’entreprise normande, qui dès les couvertures, imprime leur différence: des photos plus ludiques privilégiant les ambiances pour les CE, plus classiques, plus “posées” pour le secteur associatif que vient appuyer le slogan le temps de voyager ensemble. Si Périer Voyages a choisi de distinguer ses clientèles, Place Voyages (Valenciennes), Voyages Moreau (Fontaine Fourches) ou encore Richou Voyages (Cholet) différencient, eux, leur production. “Jusqu’en 2012, nous faisions paraître une brochure commune baptisée Collection rassemblant notre offre car et avion, explique Charlotte Bourgeois, forfaitiste groupe chez Place Voyages. Cette année, nous avons fait le choix d’éditer deux brochures différentes, présentant la même charte graphique, mais l’une dédiée à la programmation avion, l’autre à l’autocar. Toutes les deux sont aussi bien adressées aux CE qu’aux associations. Cela permet de mieux mettre en avant, et de façon plus lisible, notre positionnement sur les deux activités, en affichant clairement pour chacune d’elle une étiquette de spécialiste”. C’est aussi cette année que Voyages Moreau a misé sur l’édition de deux brochures au lieu d’une jusqu’alors. La première rassemble les Voyages autocar et croisières, la seconde les Voyages aériens et croisières maritimes . “Parce que les autocaristes n’ont pas toujours bonne presse auprès des clients en tant qu’organisateur de voyages sur des destinations lointaines, accessibles de fait en avion. Etre autocariste et proposer de l’aérien ne leur paraît pas toujours compatible”, explique ainsi Catherine Mugot, technico-commercial groupes au sein des Cars Moreau. Un choix matérialisé par une offre aérienne estampillée “Voyages Moreau”, et une production autocar labellisée “Cars Moreau”… Chez Richou Voyages, ce sont deux brochures en une, avec deux couvertures différentes (l’une autocar, l’autre avion), qu’il suffit de prendre dans un sens ou dans l’autre selon le mode de transport choisi. Autre cas de figure: celui choisi par Daumin Voyages (La Flêche), qui scinde les formules.
Il y a d’un côté la brochure générale qui paraît en septembre, de l’autre les Sorties 1 journée, éditée en janvier. “Ces excursions d’un jour ne sont pas proposées dans la brochure générale car au moment où cette dernière paraît, les tarifs des prestataires que nous sollicitons sur ce type de formules ne sont pas toujours prêts, explique Rodolphe Siegmund, directeur commercial du service groupes. De plus, cela nous permet d’effectuer une relance auprès de nos clients, maintenir le contact”. Un contact que plusieurs autocaristes entretiennent, en complément de la brochure groupes, par l’envoi d’informations en ligne tout au long de l’année, comme Salt Travel (Toulouse) avec “une newsletter tous les trimestres essentiellement sur des produits à prix attractifs, et un e-mailing tous les 15 jours sur tous types de produits”, détaille Carole Peglion, directrice adjointe. Même démarche chez Richou Voyages avec l’envoi d’e-mailings “une fois tous les 15 jours et qui sont l’occasion de mettre en avant des coups de cœur, des promotions ou encore des offres spéciales”, indique Patricia Cesbron, responsable du service groupes autocar. L’entreprise Voyages Mariot, elle, a opté pour l’envoi de flyers (trois à quatre fois par an) axés sur des événements et des offres particulières, “à la fois pour assurer la continuité de l’offre proposée dans notre brochure groupes, et pour être en quelque-sorte toujours” présent” à l’esprit de nos clients …”, glisse Olivier Bonvarlet, responsable du service groupes.
Fort logiquement, toutes ces brochures s’adressent à une clientèle de groupes constitués. Et nombre d’entre elles sont éditées depuis de longues années. Sans surprise toujours, elles paraissent majoritairement en septembre et en octobre (même si le mois de janvier a, à quelques reprises, était mentionné par les autocaristes). Leur nombre de pages est très variable (de 30 à 100), leur nombre d’exemplaires aussi (de 2 000 à 4 500). Contrairement à leur format qui reste classique puisqu’il s’agit du A4. “Nous, nous avons privilégié un format carré, 24 cm × 24 cm, indique Carole Peglion, tout simplement pour la différencier des brochures traditionnelles, qui s’empilent sur les bureaux des clients. Au moins, on ne peut pas manquer la nôtre”.
Un détail qui n’est finalement pas sans importance, quant on sait le nombre de brochures reçues chaque année par les décideurs groupes. Une raison qu’aurait pu s’approprier Anne-Sophie Lecarpentier pour justifier d’un format A5 (soit 15 cm × 21 cm) pour sa brochure groupes destinée aux CE. Mais, elle est tout autre: “Comme nous ciblons les comités d’entreprises basés à Paris et en région, nous nous sommes inspirés du fameux et très prisé Pariscope, (il répertorie tous les spectacles et programmes à l’affiche, ndlr) qui a ce format A5”, confie-t-elle. La ressemblance va même un peu plus loin, puisque le nom utilisé pour cette brochure est Périerscope…
À l’intérieur de toutes ces brochures, on trouve déployée la gamme de formules possibles (journée, circuits, séjours, week-ends, spectacles, croisières, parcs d’attractions, combinés car/avion, etc). Et ce proposées en France comme à l’étranger. Avec cependant une forte tendance à mettre en avant une production hexagonale et européenne,… et en autocar.
Ainsi, elle occupe 49 pages sur 64 dans la brochure de Lefort Voyages (Ancenis); 22 sur 39 dans celle de Richou Voyages;… Au côté de brochures axées “tout autocar- France-Europe” comme chez Voyages Crolard-Transdev (Annecy); Salaün Holidays-La Boutique des Groupes (Pont-de-Buis),… Un constat qui n’est finalement pas une surprise, mais une évidence: “Notre métier de base, c’est l’autocar”, ont souligné unanimement les professionnels. Quant au coût (de l’impression jusqu’au routage de tous les exemplaires), il varie en moyenne de 3 500 à 9 000 euros. Et pour le réduire, certains ont même trouvé des “arrangements financiers”. C’est le cas des Voyages Mariot. “Chaque année, nous proposons à sept ou huit prestataires avec qui nous travaillons, de disposer d’une page sur laquelle ils apposent leur logo ainsi que trois de leurs produits, explique Olivier Bonvarlet. Ces prestataires sont ainsi mis en avant, et de notre côté, l’objectif est de leur envoyer des groupes. C’est un partenariat gagnant-gagnant”. Concrètement, la participation des prestataires correspond à près de 50 % du montant lié à l’impression de la brochure.
Selon la taille des entreprises, une à quatre personnes assurent de son contenu à la relecture finale la conception de la brochure . “C’est un travail de longue haleine, mais difficile à comptabiliser, qui est plutôt épisodique dans les premiers temps avant qu’il ne soit à temps plein un à deux mois avant la parution”, avouent les autocaristes. Car une “nouvelle” brochure ne se fait pas sans tirer les résultats de la précédente (“page par page, programme par programme, qu’est-ce qui a marché, qu’est-ce qui n’a pas marché,…”, soulignent-ils tous), sans réunir l’équipe commerciale, sans ignorer les avis (et les attentes) des clients et sans tenir compte des retours des conducteurs d’autocars (des relais jugés “indispensables”). “Et ainsi opérer au fur et à mesure des réajustements sur le futur contenu”, s’accordent-ils à dire. En résumé, un travail qui s’étale dans le temps, et qui permettra aussi de collecter des informations, d’anticiper sur les grands événements à ne pas manquer ou encore de faire le point avec ses fournisseurs.
Une fois tous ces paramètres pris en compte, il faut entrer dans le contenu. Et quelles destinations choisir? “C’est la demande qui nous conduit à faire des choix, qui fait l’offre, que ce soit en France comme à l’étranger”, répondent unanimement les professionnels. Une sélection, dans laquelle il y aura forcément une place gardée pour les incontournables, et qui se fait aussi en fonction de l’actualité. “Lorsqu’un grand événement est annoncé pour l’année suivante, qu’il est vendeur auprès de notre clientèle, il faut anticiper très vite pour se positionner”, relève Anne-Sophie Lecarpentier. Et pour les professionnels, un événement “vendeur”, c’est celui qui n’est pas trop élitiste. “Il faut que les clients aient un large choix de destinations, mais il faut aussi se fixer une limite en trouvant un juste équilibre dans la production”, ajoute pour sa part Rodolphe Siegmund. Une production qui, d’une année sur l’autre, “doit apporter” son lot de nouveautés. Et c’est en moyenne 15 à 20 % de la programmation qui est renouvelée par des produits “vraiment” nouveaux. Et lorsqu’une nouvelle destination est lancée, elle restera en brochure au moins pendant deux à trois ans, avant qu’elle ne soit retirée si elle ne rencontre pas le succès escompté. Parallèlement, nombre de programmes sont remaniés, ajustés, voire peaufinés. “Sur des destinations qui reviennent chaque année en brochure, il est nécessaire d’en renouveler le contenu (voire la durée) en proposant un autre angle de découverte”, indique Catherine Mugot.
Sélectionner des destinations, des régions ou des sites qui seront en brochure, c’est aussi faire le choix de prestataires sur lesquels les autocaristes pourront s’appuyer. Et là, les partenaires changent selon la programmation. Sur la France, les autocaristes sont en général seuls maîtres d’œuvre, concevant eux-mêmes leurs forfaits. “On privilégie plutôt le travail en direct”, confie ainsi Patricia Cesbron. Cependant, ils n’hésitent pas se tourner vers les hôteliers, voire les institutionnels “parce qu’ils ont l’avantage d’être sur le terrain et qu’ils connaissent bien leur environnement”. Pour l’étranger, la majorité des professionnels fait appel à des réceptifs (“plus réactifs que nous parce qu’ils sont sur place”, justifient-ils) et à des tour-opérateurs. Les responsables en charge du service groupe au sein de l’entreprise reconnaissent avoir peu de temps pour se déplacer et aller eux-mêmes sur le terrain. Ils profitent des eductours organisés par les prestataires, accompagnent des voyages, voire profitent de leurs vacances pour s’arrêter chez un (ou plusieurs) de leurs fournisseurs, parce qu’ils posent leur valise non loin de là, ou qu’ils se trouvent sur leur route. Et lorsqu’il s’agit de travailler avec de nouveaux prestataires, les deux critères privilégiés sont le service apporté et le sérieux. “Ils sont là pour le meilleur et pas pour le pire”, glisse Olivier Bonvarlet.
Qu’en est-il ensuite de la conception des forfaits? Une question qui en amène beaucoup d’autres. Le produit correspond-il à un besoin? Pour qui est-il conçu? Les prestations sont-elles adaptées à la cible visée? Quelle est la valeur ajoutée d’un produit qui lui permettra de se démarquer de la concurrence? A-t-il une durée de vie suffisante pour être rentable? N’est-il pas trop contraignant en terme d’horaires et de prestations?,… “Il faut penser à beaucoup de choses à la fois”, résument les professionnels. D’autant qu’à cette liste à la Prévert, il faut aussi ajouter le respect du cadre réglementaire (législation des transports en autocar par exemple), ou si on allait plus dans le détail: veiller à la qualité de la restauration, penser aux animations, limiter les kilomètres sur une journée, privilégier les séjours en étoiles pour une clientèle âgée, combiner chaque étape sur un rythme qui ne soit pas celui d’un marathon… “Il faut être très vigilant dans la conception de forfaits, il faut qu’ils soient le plus complet possible pour éviter les mauvaises surprises”, souligne Carole Péglion.
Après le fonds, la forme. Il faut ensuite mettre en page toute l’offre alors définie. Ici, rares sont les autocaristes qui font appel à une agence de communication extérieure, ils privilégient leur imprimeur. Côté textes, tous les professionnels s’accordent à dire qu’il “ne faut pas trop de bla-bla, mais aller à l’essentiel, voire faire ressortir ce qui est le plus marquant dans le programme”. Quitte à le mettre en gras dans le texte. “Il ne faut pas que le client est l’impression de rentrer dans un musée”, plaisante Rodolphe Siegmund. Quant à l’intitulé du programme, il doit être clair, précis et concret. Et pas plus de quatre produits en moyenne par page. “Chacune d’entre elles doit être aérée, facile à lire”, relève Anne Bondu, directrice de Lefort Voyages (Ancenis). “Et il ne faut pas hésiter à mettre en avant des produits à grosse capacité comme les spectacles par exemple”, ajoute Catherine Mugot. L’utilisation de couleurs différentes est un plus pour mieux distinguer les offres proposées. Idem lorsqu’il s’agit de classer la production par rubriques thématiques. Et il ne faut pas “lésiner” sur l’utilisation des visuels. “Les clients tournent souvent les pages de la brochure un peu trop rapidement, mais de belles photos accrocheront leurs regards et les inciteront à rentrer dans le texte”, estime Olivier Bonvarlet. Quant à la couverture, les professionnels reconnaissent que “c’est un véritable casse-tête”, mais concèdent le fait qu’elle doit respecter la même charte graphique d’une année sur l’autre. Elle est la marque de l’entreprise, reconnaissable parmi d’autres au premier coup d’œil.
Les résultats sont-ils à la hauteur de l’investissement, tant humain que financier? “Je reste persuadée que la brochure groupes est indispensable malgré les investissements, et même si les retours ne sont pas toujours quantifiables”, estime Patricia Cesbron. “À consacrer du temps à faire nos brochures, c’est du temps gagné dans la commercialisation”, renchérit Anne-Sophie Lecarpentier. “Un support de communication extraordinaire”, lance même Catherine Mugot. Sur les produits mis en brochure, certains autocaristes ont estimé qu’au moins 80 % étaient vendus. “Beaucoup de nos voyages sont confirmés sur notre offre présentée en brochure”, insiste pour sa part Anne Bondu.
Reste le risque d’être copié par la concurrence. Mais, si c’est le cas, “c’est qu’après tout, nous sommes bons”, lancent ces afficionados de la brochure groupes,… qui reconnaissent tous regarder ce que font leurs confrères. C’est une des raisons pour lesquelles certains autocaristes ont choisi de ne pas éditer de brochures groupes. À cela s’ajoute le fait qu’ils sont amenés à faire de plus en plus de sur mesure. D’où leur choix de n’éditer qu’une brochure à destination de leur clientèle individuelle, et dont la production peuvent inspirer les groupes constitués.