Touren Service Basé à Kehl am Rhein en Allemagne, le tour-opérateur vend la France aux autocaristes allemands depuis plus de vingt ans. Il s’est installé à Strasbourg il y a deux ans où il a créé une autre entreprise pour mettre à profit son expérience de l’Hexagone… auprès des autocaristes français. Exclusivement pour une clientèle groupes. Rencontre avec Joachim Schweda, fondateur et président.
JOACHIM Schweda n’aurait jamais imaginé faire carrière dans le tourisme. Ni sa femme Anna, d’ailleurs, qui est à ses côtés depuis plus de vingt ans, dans l’entreprise de tour-operating qu’ils ont créé ensemble, Touren Service, dont le siège est en Allemagne, à Kehl am Rhein. Lui, juriste de formation, a une licence de juge et d’avocat. Anna, elle, était pharmacienne. “Pendant mes études en Allemagne et en Suisse, j’ai eu l’opportunité d’organiser des voyages pour des groupes d’étudiants, j’avais même créé ma propre entreprise de tour-operating. Parallèlement, pour financer mes études, je travaillais comme guide, tous les week-ends, à Paris. J’ai aussi commercialisé des stations de ski françaises, notamment Châtel en Haute-Savoie, toujours à destination d’une clientèle allemande, raconte aujourd’hui Joachim Schweda. Cela m’a donné le virus du tourisme.” Et en particulier celui du tourisme de groupe.
Il faut dire aussi qu’à l’époque, “ce marché était en pleine croissance. De plus, les autocaristes allemands n’avaient pas toujours le temps nécessaire pour s’occuper de leur programmation. Elle restait de fait basée sur une offre très classique sans forcément apporter une réelle valeur ajoutée”, poursuit-il.
C’était en 1987. Touren Service voit alors le jour, à Düsseldorf. Une aventure dans laquelle Joachim Schweda entraîne Anna, son épouse. Au placard, donc, robe noire et blouse blanche, une page se tourne pour prendre un nouveau départ avec pour objectif “de travailler pour les autocaristes allemands, mais aussi germanophones, comme les Autrichiens et les Suisses, en leur proposant des programmes clés en main uniquement basés sur la destination France. Il s’agissait de nous positionner auprès d’eux en tant que tour-opérateur spécialiste de l’Hexagone à travers tous types de prestations, des plus classiques ou plus originales”, se souvient Joachim Schweda. Ce qui vaudra d’ailleurs quelques années plus tard à l’entreprise (en 1992 exactement) d’être récompensée par le prix du Mitcar de la communication, attribué au meilleur tour-opérateur étranger vendant la France…
“Je passe au moins trois mois par an à chercher de nouveaux produits et à concevoir de nouveaux packages. Je n’hésite pas à me déplacer pour me rendre compte sur place si la prestation est conforme à l’accueil des groupes”, souligne Joachim Schweda, soucieux d’éviter les mauvaises surprises. “Prenons un hôtel, par exemple, poursuit-il. Il est absolument nécessaire de tout vérifier, de la mise à disposition d’un parking pour l’autocar jusqu’à la salle du petit-déjeuner, en passant par le port des bagages, et surtout les conditions dans lesquelles sera reçu un groupe.” Un dernier point sur lequel Joachim Schweda est très sensible, voire susceptible… Le fondateur de Touren Service ne supporte pas, en effet, qu’un établissement hôtelier puisse considérer les groupes “comme une clientèle de seconde classe”, venant après les individuels. “Entre ces deux marchés, il ne doit y avoir aucune différence en terme d’accueil et de service”, martèle-t-il.
Dès la création de la société Touren Service, une brochure est éditée à destination des professionnels allemands et germanophones. Évidemment moins conséquente en nombre de pages que la dernière éditée en 2012
Pour appuyer ce positionnement sur la France, Joachim Schweda n’hésite pas à ouvrir en 1994 une agence réceptive qu’il baptise Touring Service Paris, permettant ainsi d’étendre sa clientèle à d’autres nationalités (l’agence sera vendue en 2000). En 1997, l’entreprise quitte Düsseldorf pour s’installer à Kehl am Rhein, dans des locaux plus vastes. Ils accueillent aujourd’hui 28 salariés dont la particularité est qu’ils sont bilingues. Dans le même temps, Touren Service obtient une licence exclusive de Disneyland Paris pour vendre le parc à destination des groupes auprès des autocaristes allemands. Une licence encore active aujourd’hui, mais seulement pour la billetterie.
Fort du succès rencontré auprès des professionnels allemands “même si la France n’arrive pas en tête des destinations privilégiées par leurs clients”, relève cependant Joachim Schweda, Touren Service décide de franchir un nouveau cap en créant en 2010 une autre entreprise à Strasbourg, baptisée Touren Service France. Il ne s’agit pas d’une filiale, et son activité est régie par les lois françaises. “Lorsque nous nous sommes installés à Kehl am Rhein, qui n’est qu’à trois kilomètres de Strasbourg, explique-t-il, nous avons été amenés à travailler pour des Alsaciens. De fait, l’idée de nous positionner en France pour proposer nos services aux autocaristes français s’est presque imposée d’elle-même.” D’autant que Touren Service France pouvait s’appuyer sur l’expérience et le savoir-faire… de Touren Service. “Depuis plus de vingt ans que nous vendons l’Hexagone, nous avons notamment noué des relations privilégiées avec nos fournisseurs, qui facilitent toutes négociations, et en particulier sur le plan tarifaire. Nous pouvons ainsi avoir des prix d’achat inférieurs à ceux appliqués aux groupes, déjà attractifs”, souligne Joachim Schweda. Des atouts, entre autres, dont le chef d’entreprise souhaitait faire bénéficier les professionnels hexagonaux. Dans cet objectif, il n’hésite pas à multiplier les démarches en participant, par exemple, au Map Pro ou en se faisant référencer par le réseau TourCom. Et les premiers résultats sont encourageants: “Nous commençons à avoir quelques succès auprès des autocaristes français, et depuis le début de cette année, nous avons déjà enregistré près de 200 demandes dont une partie vient des agences TourCom”, glisse-t-il. Il reconnaît cependant “une certaine difficulté à faire valoir auprès de ces professionnels l’intérêt de s’appuyer sur une telle structure. Beaucoup d’entre eux semblent réticents, et préfèrent travailler en direct.” Certes, le service apporté a forcément un coût supplémentaire, “mais c’est notre valeur ajoutée, souligne Joachim Schweda. Si l’autocariste comptait le temps qu’il peut perdre à monter lui-même son propre programme, ce ne serait pas non plus gratuit d’ailleurs.”
L’offre proposée par Touren Service France est rassemblée dans une brochure dédiée, intitulée Escapades 2012 (l’entreprise dispose d’une base de données de 1 000 hôtels, 3 000 prestations et 650 programmes packagés!). L’Hexagone, proposé principalement en circuits, est, bien entendu, en première place, aux côtés de quelques produits sur l’Autriche, la Suisse, le Benelux, la Turquie, l’Inde et le Vietnam (des destinations étrangères qui devraient s’étoffer dans la brochure 2013…). Et quelques nouveautés à relever: “la Normandie de toutes les batailles” en sept jours (des Vikings aux alliés); “Provence intense” en six jours de Sault à Isle-sur-la-Sorgue en passant par le Luberon, Aix, Les Baux ou encore Avignon, “séjour à Filzmoos” en Autriche en huit jours avec notamment un concert sur les alpages et un dîner baroque à Salzbourg; “Bruegel et Bruxelles” sur trois jours; etc.
“Nous assurons un service complet allant de l’achat de prestations à la conception des packages, avec au final une seule facture par séjour, souligne Joachim Schweda. Par ailleurs, nous ne demandons que 10 % d’acompte et appliquons des délais de rétrocession gratuite jusqu’à moins trente jours.” Les tarifs sont établis sur la base de 16 pax, avec une gratuité pour le conducteur, une autre à partir de 38 payants en base demi-double. Bon à savoir également: les professionnels sont commissionnés à hauteur de 15 %.
Parallèlement à l’édition de cette brochure, Touren Service France propose deux autres documents dédiés aux autocaristes français: Gourmandises, voyages pour Épicuriens, et La magie de Noël en Alsace en bateaux. Lancée en 2011, la première est l’occasion de proposer à une clientèle groupe une restauration au sein d’établissements étoilés dans le cadre d’un circuit ponctué d’étapes, et ce, du côté du lac Léman, à Paris, à Strasbourg, et même chez un comte! La seconde est, quant à elle, exclusivement axée sur la période de Noël sur la base de programmes de trois à quatre jours. “Cette année, nous affréterons un bateau pour proposer de courtes croisières au départ de Strasbourg”, indique Joachim Schweda.
L’offre de Touren Service France est également disponible en ligne, mais comme elle est uniquement réservée aux professionnels, il faut un mot de passe pour y accéder. Les autocaristes peuvent y faire des demandes de devis “et nous envisageons même d’y installer un module de réservation groupes, comme nous le proposons déjà sur notre site allemand”, annonce Joachim Schweda. Il sera ainsi possible de changer le nombre de participants, d’enlever des prestations… “avec un paiement deux semaines avant le début du voyage”, conclut-il.
Intitulée Paketreisen (“voyages packagés”), la destination France constitue pratiquement 90 % de l’offre, aux côtés d’autres pays comme la Suisse, le Benelux, et dans une moindre mesure le Maroc, le Vietnam et l’Inde.
Sur le marché allemand, Touren Service a fait voyager l’an passé 60 000 pax en groupes, et réalisé un chiffre d’affaires de 12,5 millions d’euros. Côté français, le TO a totalisé 2 800 pax en groupe, et généré un chiffre d’affaires de 410 000 euros. À ce jour, 80 % des clients de Touren Service sont Allemands, 10 % Autrichiens et Suisses, les 10 % restants sont Français.
En Allemagne, Joachim Schweda est vice-président de l’association Internationaler Verband der Paketer (association des grossistes allemands dont l’activité est de concevoir des packages groupes pour les autocaristes). La structure existe depuis trente ans et rassemble 110 membres (grossistes en majorité, mais aussi de grandes chaînes hôtelières). “En Allemagne, il existe près de 6 000 entreprises de transport par autocar, dont 1 000 sont des tour-opérateurs éditant une brochure, dont le tirage varie de 5 000 à 250 000 exemplaires, tandis que 3 000 font des voyages à la carte”, précise Joachim Schweda, fondateur et président de Touren Service. Ces autocaristes allemands réalisent chaque année 120 millions de voyages, dont 22 millions d’une durée de deux à sept jours. Pour exercer une activité de voyagiste en Allemagne, il n’existe pas de licence (ou d’immatriculation comme en France), ni de caution “et pour ouvrir une agence de voyages, il faut payer environ 20 euros à la mairie de la ville”, poursuit-il. Enfin, une assurance couvre et protège les droits des clients des tour-opérateurs. Chaque client reçoit un document d’assurance qui couvre son paiement et le rapatriement. L’autocariste doit faire un dépôt selon son volume d’affaires. Pour les plus petits organisateurs de voyages, ce dépôt est d’environ 500 euros. Puis il faut payer par personne entre un à deux euros comme prime d’assurance. “C’est un système qui est très flexible, commente Joachim Schweda. Le client est mieux couvert qu’en France. C’est comparable avec les garanties de l’APST, mais en cas de faillite, le chef d’entreprise n’a pas de responsabilité personnelle.”
Aux côtés de plusieurs documents réservés aux autocaristes français (Escapades 2012 – Gourmandises, voyages pour Epicuriens – La magie de Noël en Alsace en bateaux), le tour-opérateur édite, via la marque commerciale Club Mer Montagne Soleil fondée en 2010, une brochure dédiée au marché français des comités d’entreprises, ainsi qu’aux associations et clubs. Elle est intitulée Séjours en Alsace, spécial CE & groupes. “Sur cette production spécifique, nous avons réalisé l’an passé un chiffre d’affaires de 550 000 euros et fait voyager 1700 pax en groupes”, souligne Joachim Schweda, président de Touren Service.