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Entretien avec Christian Mourisard : "Tout tient au projet de territoire"

Bus & Car - Tourisme de Groupe | Institutions | publié le : 08.11.2018 | Dernière Mise à jour : 08.11.2018

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Auteur

  • Bruno Courtin

Christian Mourisard a été renouvelé à la présidence du conseil d’administration de la Fédération Nationale des Offices de Tourisme. Adjoint au maire d’Arles en charge du Patrimoine et du Tourisme, il en est aussi le président de l’Office de Tourisme et le président de la Fédération régionale des OT.

Très impliqué dans la défense du patrimoine, il est membre de la Commission nationale du Patrimoine et de l’Architecture. Il apporte son regard d’expert sur les questions qui touchent au développement du tourisme en France.

Quel est votre regard sur la répartition des compétences de tourisme entre les différents niveaux institutionnels ?

Pour moi, ces niveaux institutionnels sont incarnés par ce que nous appelons les 3 F, les trois fédérations des instances locales, départementales et régionales, avec des questions de transfert de compétence qui sont soulevées par la fameuse loi NOTRe. A notre niveau, cela concerne les communautés de communes, les com d’agglos, les communautés urbaines et les métropoles. Ce sont bien les quatre niveaux qui peuvent être concernés par les questions touristiques. La répartition aurait pu ne pas être pas évidente, mais elle s’est plutôt bien passée à 90% autour de ce que j’appelle des « projets de territoires ». Sur la région que je connais plus particulièrement, Provence-Alpes-Côte d’Azur, il reste quelques points d’achoppement sur la place des deux grandes métropoles que sont Nice et Marseille. Il est vrai que cela concerne plus de 70 offices et que certaines attributions ne sont pas encore très claires. Par ailleurs, nous nous sommes battus pour que, dans la loi Montagne précédente à la loi NOTRe, les stations classées puissent conserver leurs compétences tourisme. Toutes n’ont pas pu ou voulu le faire, acceptant parfois contraintes par le rapport de force, le transfert au profit des métropoles.

Cette relative complexité et les questions encore en suspens sont-elles de nature à freiner vos initiatives sur le terrain ?

La mise en œuvre de la compétence des métropoles doit intervenir au 1er janvier 2019 et pourrait entraîner une forme de stand-by chez les acteurs institutionnels. Mais globalement, cela n’a rien changé sur les actions en cours. Je prends une nouvelle fois un exemple que je connais bien, au sein de Sud Provence, Alpes, Côte d’Azur, le conseil d’administration accueille aussi bien le directeur de l’office du tourisme de Martigues, celui d’Aix que celui de Marseille. Tous sont prêts à poursuivre les grands projets que sont, par exemple, les contrats de destination. Au final, l’action touristique n’a pas pris ombrage de la réflexion qui a été menée au niveau politique, même si je dois reconnaître que ce n’est pas le meilleur climat pour bien travailler.

Compte tenu de la puissance médiatique des grandes métropoles, peut-on craindre un tourisme à deux vitesses au détriment des communes environnantes, qui ne récupèreraient que les « miettes » ?

Soyons réalistes, ce n’est pas une situation nouvelle. Mais il faut reconnaître que tous les acteurs jouent davantage un jeu collectif en ayant pris conscience de l’évolution du tourisme, aussi bien de ses structures que de ses enjeux. Et en particulier avec ce que l’on appelle le eTourisme. La lisibilité accrue des offres touristiques nous met un peu tous sur le même bateau. Il y aura toujours ceux qui voyagent en 1ère classe et les autres dans des classes plus modestes, il n’empêche que l’objectif commun est partagé autour de cette notion de projet de territoire. Je le vois comme un phénomène de cascade. Cela ne me dérange pas que Marseille reçoive des millions de croisiéristes et assume une forme de leadership régional qu’elle ne revendique d’ailleurs absolument pas. Il y a une telle mosaïque d’intérêts touristiques de la part de ces visiteurs, en matière de patrimoine, d’architecture, de montagne, de littoral, etc que chacun a sa carte à jouer, en effaçant même les limites administratives. Pour illustrer mon propos, je vous dirai que c’est le maire de Gréoux-les-Bains, un village de 3 000 habitants, mais qui accueille 3 millions de curistes dans ses 15 000 lits, qui a été naturellement choisi pour animer la délégation Tourisme sur le pays de Manosque. Il faut croire à l’intelligence des élus.

Y a-t-il une difficulté à bien répartir le tourisme sur ces territoires ?

Il faut rappeler les chiffres, la France compte 36 000 communes. Avant la mise en place de la loi NOTRe, on comptait plus de 2 500 offices de tourisme. Aujourd’hui on est passé à 1 500, mais les anciennes structures qui n’ont plus d’existence juridique existent toujours comme autant de bureaux d’informations touristiques. La difficulté à contourner dans la nouvelle organisation est de ne pas voir laminer les petites communes touristiques dans les discussions budgétaires quand ce n’est pas la priorité des agglos ou des métropoles. Les 200 stations classées sont un peu le fer de lance de la stratégie d’accueil touristique sur l’ensemble de la France, mais c’est un chiffre relativement faible par rapport à l’ensemble. Au niveau national, je mène un constant travail pédagogique auprès des élus, même s’ils n’ont pas une sensibilité première pour le tourisme, pour ne pas détruire les outils qui ont été construits mais continuer de les améliorer. D’autant que l’efficacité de l’eTourisme implique des investissements technologiques très importants.

Comment pouvez-vous définir la légitimité ou l’identité touristique d’un territoire, qui peut servir de support au projet que vous évoquez ?

Chaque projet doit être lié à une histoire ou à une thématique. Je vais vous livrer un scoop. Nous avons engagé un travail de fonds au niveau de notre région sur les sites reconnus au patrimoine mondial de l’Unesco. Ce travail a été mené par les responsables touristiques avant même d’impliquer les politiques. Cela se traduit par une première convention entre Arles et Avignon, qui s’inscrit d’ailleurs dans le plan de gestion des sites inscrits au patrimoine de l’humanité qui comprend un volet de promotion touristique. Cette convention vient d’être élargie à Orange, à la grotte Chauvet, au pont du Gard, à l’œuvre du Corbusier à Marseille et Saint-Gilles avec les chemins de Saint-Jacques…

Et peut-être demain à Nîmes, si son patrimoine romain gagne les faveurs du jury ?

C’est une évidence, mais je ne siège pas au comité mondial du patrimoine. Pour en revenir à mon concept de projet de territoire, c’est une parfaite illustration d’un axe stratégique fort qui répond à une attente culturelle et patrimoniale exprimée par les visiteurs. Ce doit être avant tout une affaire de professionnels, qui ne cherchent pas à se faire plaisir mais à faire plaisir et à construire des produits à valeur ajoutée. Vous voyez bien à travers mon exemple que l’intelligence s’affranchit des frontières puisque nous sommes à cheval sur trois régions et x départements et structures administratives.

Cet exemple illustre-t-il aussi votre volonté de renforcer les actions communes entre les 3 F ?

Bien évidemment, à nous de donner l’exemple de la possibilité de réduire le mille-feuille. Nous pourrons traiter de questions transverses liées par exemple à la promotion tout en continuant chacun à nous occuper de nos ouailles sur d’autres sujets plus techniques. Pour être plus légitimes auprès des politiques, encore faut-il être capable de s’exprimer d’une seule et même voix institutionnelle.

Ressentez-vous auprès de vos adhérents une préoccupation vis-à-vis de ce que l’appelle désormais le sur-tourisme ?

Pour moi, le phénomène de sur-fréquentation est assez ambigu, car il est loin d’être une nouveauté pour des sites que vous connaissez aussi bien que moi. En revanche, nous sommes davantage préoccupés par le phénomène qui résulte des centrales de réservation entre particuliers, qui d’ailleurs sont en train d’étendre encore davantage leurs activités. Nous voulons absolument nous tenir à une démarche de qualité qui va à l’encontre de l’ubérisation du tourisme. La mise à disposition d’hébergements marchands de plus en plus importante au détriment des habitants mêmes des communes concernées est en train de détruire les centres-villes, notamment des villes historiques. Il y a une contradiction entre le projet gouvernemental de revitalisation des centres-villes et la vanne largement ouverte qui permet aux centrales de se déverser dans les centres anciens. Les locaux ne peuvent plus faire face à la hausse du foncier et à la pression sur les loyers que génèrent les revenus des locations touristiques de courte durée. La spéculation joue et provoque le mécontentement des habitants. Mais il ne faut pas faire d’amalgame avec la sur-fréquentation. Avant cette arrivée massive des centrales de réservation, les touristes n’empêchaient pas de vivre les habitants des communes visitées, bien au contraire. Mais aujourd’hui, l’opposition ressentie se manifeste pour des raisons de spéculation et de sécurité une fois la saison passée, quand plus personne n’habite dans le centre ancien ou ne peut plus y faire ses courses parce que les commerces de bouche l’ont déserté.

Ce phénomène a bouleversé le modèle économique de beaucoup de communes touristiques ?

Il y a cinq ans, la location de courte durée était gérée par les chambres d’hôtels, les gites qui bénéficient d’un classement et d’un contrôle. Ce qui n’est plus le cas et les touristes viennent se plaindre à l’Office des mauvaises conditions de logement dans leur appartement loué à un particulier. On marche sur la tête. Le tourisme est l’une des plus belles choses quand il est fondé sur le partage, sur la connaissance les uns des autres. Favoriser l’autarcie et la possibilité d’importer son mode de vie, ce n’est plus dans la philosophie que nous défendons.

Vos rapports avec les professionnels du tourisme de groupe n’auraient-ils pas intérêt à se renforcer pour, justement, mieux gérer les flux et la qualité des visiteurs ?

Je ne vois aucune incompatibilité. A l’Office de tourisme d’Arles, qui est un Epic, notre département d’accueil ne travaille pratiquement qu’avec des groupes. C’est une clientèle que nous apprécions particulièrement, qu’elle provienne de l’étranger ou de France à travers les comités d’entreprise, les associations ou les écoles. Je me démène à Arles pour que l’on dédouble les appontements des croisières fluviales pour accueillir encore davantage de groupes et dans de meilleures conditions. Ceux qui craignent d’être « envahis » ont une parfaite méconnaissance de ce type de clientèle. On oublie que les participants aux groupes ont un beau pouvoir d’achat et sont de grands consommateurs de visites guidées et d’achats sur place. Je me réjouis de voir plus d’une vingtaine d’autocars arriver quotidiennement à Arles en pleine saison du festival et j’ai conscience que nous avons encore un déficit à combler sur l’accueil des chauffeurs. Et je ne parle pas des 90 000 passagers qui débarquent des croisières fluviales.

On aimerait entendre plus souvent ce discours accueillant…

Pour les communes qui visent un tourisme à l’année, c’est une évidence. D’autant qu’un groupe est constitué d’individuels qui auront une tendance naturelle à revenir quand ils auront juste effleuré la découverte du territoire.

 

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