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Vincent Fonvieille, président d’Agir pour un Tourisme Responsable

Bus & Car - Tourisme de Groupe | Entretien | publié le : 05.02.2020 | Dernière Mise à jour : 05.02.2020

Crédit photo Paula Boyer

Auteur

  • Bruno Courtin

Ariègeois, ancien forestier et passionné des Pyrénées, Vincent Fonvieille a changé de vie dans les années 80 en ouvrant d’abord un gîte de montagne, La Balaguère, et puis en se lançant sous le même nom dans l’accompagnement de randonnées. L’entreprise est aujourd’hui l’un des acteurs majeurs du tourisme dit d’aventure. Avec ses confrères, il a pris conscience assez vite de l’importance de développer une démarche responsable vis-à-vis des destinations et des populations.

D’où la création d’ATR qu’il préside depuis plusieurs années. Il nous livre son regard, plutôt optimiste, sur l’évolution du tourisme responsable.

« Cela ne doit pas nous empêcher d’agir »

Quand a commencé pour vous, tour-opérateurs, la prise de conscience d’un tourisme durable ?

L’association a été créée en 2004, mais elle est le fruit de plusieurs années de discussion et de réflexion entre professionnels, issus du monde de l’aventure et de la randonnée. Il faut rendre à Daniel Popp, alors patron de Terre d’Aventure, le début de cette prise de conscience après avoir constaté la dégradation du désert algérien, pas mal fréquenté par les randonneurs. Il a proposé à ses confrères, professionnels de la randonnée, de se retrouver et d’en discuter. Une initiative remarquable alors que nous ne nous rencontrions pas très souvent. La date de cette rencontre est mémorable, le 12 septembre 2001, le lendemain des attentats sur les tours de New York. Il en est ressorti une première opération conjointe entre nous, que nous avons appelé « Déserts propres », et j’ai fait partie de ceux qui ont pensé qu’on pouvait aller plus loin.

Plus loin ? C’est-à-dire ?

D’abord que l’on devait élargir nos préoccupations au-delà des seuls déserts et ensuite qu’il fallait prendre aussi en compte la dimension sociale et sociétale du tourisme durable et pas seulement son volet environnemental. Le ministère du Tourisme de l’époque a soutenu notre initiative en mettant à disposition un consultant pour animer ce débat interne et nous aider à définir ce que nous souhaitions achever. Il y avait déjà tout un débat sémantique sur les adjectifs accolés à Tourisme, durable, éthique… et je revendique d’avoir limité nos ambitions pour ne pas avoir la prétention d’atteindre immédiatement Le tourisme durable, mais parler davantage d’un engagement et donc d’un tourisme responsable. D’où le nom de notre association qui s’est bâtie autour d’engagements, concrétisés par une certification délivrée par un organisme extérieur qui ne serait pas juge et parti. Cette première certification de tourisme responsable a d’abord été définie avec l’Afnor. Plus tard, pour des raisons pragmatiques et de simplicité, nous avons évolué vers un Label en partenariat avec EcoCert, celui qui est toujours en vigueur aujourd’hui.

Comment voyez-vous votre action, une limitation de l’impact du Tourisme ou une dimension plus volontariste sur ses effets bénéfiques ?

Il y a ces deux dimensions, d’une part réduire les effets négatifs indéniables de l’activité touristique, mais aussi et encore plus d’accentuer la perception de ses effets positifs, tout en s’imposant, entre nous, des engagements de bonnes pratiques. Chaque année, pratiquement, nous renforçons ces engagements et nous encourageons fortement des pratiques vertueuses associant aussi tourisme et solidarité envers les populations locales. C’est une tendance assez naturelle pour les fondateurs, pratiquant leur activité dans des pays souvent pauvres, aux conditions de travail précaires et peu soumises à la protection sociale. Notre action se déroule autour de 3 grandes orientations, et symbolisons notre action par un triangle, traduisant un premier aspect tourné vers les clients avec des engagements de transparence, un second aspect touchant aux engagements envers les partenaires dans les pays d’accueil des touristes, et un troisième aspect de cohérence au sein de nos entreprises et vis-à-vis de nos propres salariés.

Diriez-vous qu’au bout de 15 années de pratiques, le résultat est satisfaisant ?

Oui, absolument. Le premier bénéfice a été d’apprendre à se connaître mutuellement et de d’échanger sur nos pratiques et de les harmoniser. Ensuite lors des discussions il est surtout question de savoir où se place le curseur entre les pratiques et les engagements, que certains trouvent trop exigeants et d’autre pas assez. Le consensus est forcément un compromis mais, pour autant, je trouve que nous avons énormément progressé. Nous avons commencé à mettre la barre très haut et nous avons réalisé, les uns et les autres, que tenir la promesse est plus difficile qu’à la faire. Cette démarche, qui n’est autre qu’une démarche qualité, nous a tous appris l’humilité et nous a conduit à améliorer constamment l’organisation de nos entreprises et de notre chaîne de valeur. L’autre satisfaction, depuis ces quelques dernières années, est d’avoir aussi élargi notre cercle au-delà des TO dits d’aventure à des TO plus généralistes, des croisiéristes, des hôtels-clubs.

Quel est votre sentiment par rapport aux préoccupations insistantes qui s’expriment à propos du surtourisme ? A-t-on atteint une côte d’alerte sérieuse ?

Je n’ai pas la même vision pessimiste. Le tourisme, à l’évidence, peut-être la pire et la meilleure des choses mais je considère que les effets positifs sont largement supérieurs et qu’il est possible de gérer, de minimiser l’impact négatif. L’attention se concentre sur quelques cas qui font réellement problème et on les connaît tous, que ce soit Venise, Barcelone, Dubrovnik, etc. mais dans la globalité de son activité, le tourisme est une chance de développement pour beaucoup de destinations qui rêveraient même d’en profiter encore davantage, car elles sont loin de la saturation. Cela représente une part non négligeable de leur économie, des emplois, des investissements. Je ne nie pas que le tourisme de masse pose des problèmes, mais il faut être intelligent et, à notre modeste niveau, nous essayons de chercher, de proposer des solutions.

En quoi pouvez-vous apporter votre contribution à cette meilleure compréhension ?

Nous lançons régulièrement des actions, notamment à travers notre label que je considère comme un outil, qui est de plus en plus exigeant, avec un nouvel axe fort qui est la compensation carbone. L’autre dimension de notre action est une communication régulière sur l’aspect vertueux du tourisme auprès des médias et des institutionnels. Nous laissons, faute de moyens suffisants, la communication grand public à l’initiative individuelle de nos adhérents. Nous privilégions une communication plus technique, mais qui touche un aspect important du tourisme responsable, c’est la réduction tant que faire se peut de nos émissions carbone et, ensuite, de la compensation des émissions que l’on ne peut réduire. Cela nécessite beaucoup de pédagogie.

Jusqu’où adhérez-vous à des mouvements populaires de préoccupation environnementale, comme le Flygskam, la « honte de voyage en avion » ?

Il faut être raisonnable, si on commence à clouer au pilori tous ceux qui voyagent encore en avion on va condamner au chômage des millions de travailleurs qui dépendent du tourisme. Certes il y a des modes de transport alternatifs, le train, l’autocar, quand c’est possible. Il y a aussi des efforts entrepris pour réduire les émissions du transport aérien et il y a la compensation à laquelle nous, et y compris pas mal de compagnies aériennes, nous engageons.

Y-a-t-il une responsabilité partagée pour parvenir à une situation plus équilibrée ?

Nous faisons de sérieux efforts et, pour les situations qui sont régulièrement montrées du doigt, il appartient aux États, aux villes, aux gestionnaires de sites dans les destinations de régler au cas par cas les excès et opérer une gestion des flux qui nous dépasse. Je prends pour exemple ce que les gestionnaires du Machu Pichu ont engagé pour limiter la fréquentation et la planifier davantage. Avec ma casquette de Balaguère, nous avons accompagné cette décision en retirant partiellement le Machu Pichu de nos circuits pour proposer des alternatives au chemin de l’Inca avec d’autres sentiers tout aussi beaux. Et, à condition de l’expliquer cela passe très bien auprès de nos clients qui sont conscients aussi de cette nécessité de préservation. La transparence que j’évoquais auprès de nos clients passe par de la formation et de l’information sur l’intérêt des pratiques vertueuses.

Sentez-vous une évolution dans la perception des clients, notamment des jeunes générations ?

Alors, les jeunes générations sont globalement beaucoup plus sensibles à l’environnement, à la gestion des déchets, au développement durable, mais heureusement pas seulement les jeunes générations. Il faut reconnaître qu’elles ne sont pas les principaux clients des tour-opérateurs. Mais depuis quelques années, nos clients traditionnels (plus âgées) sont de plus en plus sensibles à toutes ces questions. Nous pratiquons régulièrement des enquêtes auprès des voyageurs sur leurs motivations et on s’aperçoit que la soif d’apprendre, de partager des moments vrais est de plus en plus manifeste. Et quand on pose la question de savoir si le fait d’afficher le label ATR a joué un rôle dans le choix du TO, la réponse grandit un peu plus chaque année. Il est satisfaisant de constater que l’on ne travaille pas pour rien.

Dans le paysage du tourisme durable, on trouve plusieurs acteurs, comme vous, ATD, ATES… Est-ce que derrière ces sigles il y a des acteurs complémentaires ou un peu rivaux, comme c’est souvent le cas en France ?

Il y a une vraie complémentarité entre ATR, qui ne compte que des TO ou entreprises avec une démarche commerciale, et ATD, Acteurs du tourisme durable, qui est un plus large groupement avec des hébergeurs, des transporteurs, des consultants, des parcs naturels…. La Balaguère est dans les deux associations qui ont des objectifs et des actions différentes, tournées davantage vers la sensibilisation au tourisme durable et la communication pour ATD. ATES répond aussi à une autre démarche, uniquement associative, autour de « petits » acteurs, sans que cela soit péjoratif. Nous cherchons des terrains de travail communs, notamment sur la question du carbone.

Y-a-t-il des axes de travail qui vous semblent prioritaires dans les années à venir, avec en arrière-plan des craintes éventuelles d’un reflux du tourisme ?

Je ne crois pas du tout à une baisse de l’activité touristique, mais il y aura certainement des inflexions dans les comportements et les choix, notamment celui peut-être de voyager moins loin si l’impact du réchauffement climatique impose des réductions supplémentaires d’émission carbone. Cela profitera aux destinations de proximité. Le grand défi est bien celui de la réduction et de la compensation des émissions carbone, avec en parallèle un sujet qui va nous mobiliser en 2020 et pour la prochaine décennie, celui de la gestion des déchets, notamment de tous les plastiques.

La situation dramatique que vit l’Australie et d’autres pays n’entame-t-elle pas votre optimisme ?

C’est effectivement dramatique et je suis consterné par la faible prise en compte des États du changement climatique et de ses effets. On ne peut s’en sortir que si les citoyens, les entreprises et les dirigeants politiques groupent leurs efforts. Il est plus compliqué de faire prendre des actes forts aux États mais cela ne va pas nous empêcher, nous entreprises, d’agir.

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