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Hervé Novelli, président du Conseil supérieur de l’œnotourisme

Bus & Car - Tourisme de Groupe | Entretien | publié le : 06.02.2019 | Dernière Mise à jour : 06.02.2019

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Réussir l’alliance entre le vin et son terroir Hervé Novelli est actuellement président du Conseil supérieur de l’œnotourisme (CSO), après avoir été notamment secrétaire d’État chargé du Commerce, de l’Artisanat, des PME, du Tourisme, des Services et de la Consommation, dans le gouvernement de François Fillon. Il est également maire de Richelieu en Indre-et-Loire. Il a présidé aux récentes Assises nationales qui ont débouché sur 20 propositions pour dynamiser la filière.

Considérez-vous que la filière œnotouristique est enfin en train de gagner ses lettres de noblesse ?

Si j’ai accepté de présider le Conseil Supérieur de l’œnotourisme et de m’investir dans cette responsabilité, c’est bien que j’avais le sentiment que les décisions au bénéfice de cette filière devaient être accélérées, et donc que l’œnotourisme devait devenir une filière à part entière au sein d’une véritable politique touristique. Ce n’était pas le cas jusqu’à ce jour, même s’il y a dix ans, lorsque j’étais en responsabilité au gouvernement, j’avais engagé la démarche oenotouristique à travers deux initiatives : la création du label Vignobles & Découvertes et le Conseil supérieur. La nouveauté, qui n’était pas claire à l’époque, c’est que le changement de mode de consommation touristique, plus court, plus fractionné, est une véritable opportunité de développement de la filière. Je suis persuadé désormais que l’œnotourisme est sans doute l’une des filières potentiellement parmi les plus importantes en France dès lors que l’on maîtrise mieux cette alliance entre le produit qui est le vin et son terroir, avec une forte dimension d’identité qui fait partie des attentes des nouveaux consommateurs.

Pour autant, les Routes des vins font partie des circuits touristiques parmi les plus fréquentés…

Oui, certes, mais ces routes très populaires étaient avant tout des circuits de découverte sans approfondir l’intégration nécessaire des prestataires complémentaires pour créer des produits touristiques à forte valeur ajoutée autour d’un territoire. C’est cette dimension qui n’était pas suffisamment mise en avant à l’époque de la création du label Vignobles & Découvertes. On ne labellise pas un vin mais son territoire, qui se laisse appréhender dans toute sa diversité culturelle ou patrimoniale, je dirais même identitaire avec le vin comme clef d’entrée. Le travail se met en place aujourd’hui autour d’une territorialisation de la politique oenotouristique qui est très porteuse. C’est d’autant plus important que la filière est géographiquement très présente, couvrant pratiquement les deux-tiers du territoire, à travers les différents vignobles.

Avez-vous senti que les différents acteurs, très diversifiés, étaient prêts à unir leurs efforts pour le développement de cette filière ?

Il faut reconnaître qu’au départ, la viticulture n’a pas besoin du tourisme. En tous cas, qu’elle avait ce sentiment que l’œnotourisme n’était pas un accélérateur des ventes et donc qu’il n’y avait pas d’urgence à s’y investir. Mais j’ai le sentiment qu’il faut faire accéder le vin à un statut différent de ce qu’il est en ce moment, c’est à dire l’ériger en produit culturel. Je considère que c’est un enjeu vital car partout, en France et dans le monde, on constate une poussée des interdits pour préserver le « bien-être » de nos concitoyens, en commençant par la réduction de la consommation d’alcool. Cette « bien-pensance » qui se généralise me fait dire que le vin sera peut-être plus difficile à vendre s’il n’est pas rattaché à sa dimension culturelle. Il m’apparaît que le vin est idéal pour réaliser cette alliance entre mondialisation et territorialité, entre le développement mondial du tourisme et l’attrait pour des produits porteurs d’une forte identité. Les propositions qui ont été faites en conclusion des premières Assises de l’œnotourisme vont dans ce sens : jeter des ponts entre viticulture, culture, patrimoine et tourisme.

Pensez-vous qu’à travers sa dimension territoriale, l’œnotourisme puisse participer à une meilleure diffusion des visiteurs à travers la France ?

C’est une évidence et je comprends qu’un certain nombre de territoires ait un sentiment d’abandon de la part des autorités quand on constate la persistance de cette règle qui veut que 80% des visiteurs se concentrent sur 20% du territoire. A ce titre, l’œnotourisme est un formidable outil de désenclavement touristique car, je le rappelle, les vignobles sont présents sur plus des deux-tiers de notre surface. Il sera désormais plus facile de proposer un certain nombre d’animations territoriales autour de la filière.

L’une des caractéristiques de la production touristique française, et particulièrement de la filière oenotouristique, c’est la morcellisation des offres et la difficulté de les mettre en réseau pour mieux la commercialiser. Votre objectif est-il justement de faciliter cette mise en réseau ?

Le tourisme, c’est de la mise en réseau, et la volonté de développer le label Vignobles & Découvertes, c’est bien d’accélérer cette mise en réseau en suscitant davantage d’adhésions de professionnels pour qu’ensemble ils définissent des produits touristiques autour du vin. Nous allons justement modifier le règlement de ce label pour y intégrer les Routes des vins, qui n’avaient pas trouvé leur place. De même, la convention qui est en discussion avec le ministère de la Culture pour susciter des dégustations de vins dans des sites et lieux emblématiques patrimoniaux français correspond à la mise en place de vitrine de nos produits d’excellence. Chambord le fait déjà de manière empirique, il faut que cela soit davantage généralisé et encouragé. Le processus est toujours un peu lent entre pouvoirs publics, il est plus facile de lancer des initiatives privées comme c’est le cas avec cette convention, qui est déjà rédigée, entre les hôteliers et les labellisés. Elle va permettre de procéder à une véritable cartographie des hébergements, dont les grandes chaînes, sur chacun des territoires des labels, et de renforcer la création de packages et leur commercialisation.

La filière peut-elle permettre de valoriser l’offre touristique et d’améliorer encore les retombées économiques en devises pour notre balance des paiements ?

Tout à fait et de manière très conséquente. Atout France a l’habitude d’évoquer les 5 milliards d’euros de chiffre d’affaires de la filière réalisé par les visiteurs dans les vignobles. C’est bien notre volonté à travers les propositions faites aux Assises.

Le développement n’est-il pas ralenti par un certain nombre de freins règlementaires ou administratifs que vous pouvez contribuer à éliminer ?

Si vous parlez notamment de la possibilité pour les touristes de participer à des vendanges à titre d’activité ludique, je considère comme aberrant que l’on n’ait toujours pas trouvé de solutions pratiques. Atout France a rédigé la circulaire qui permettrait de lever toutes les difficultés, il suffirait de la faire approuver au niveau du ministère du Travail et de la diffuser dans les préfectures pour éviter toute intervention de l’inspection du Travail et de l’Urssaf. Nous faisons face à d’autres difficultés plus complexes comme la visite des caves qui tombe sous le coup du code de l’Urbanisme et de l’accessibilité. Elles devraient être équipées pour pouvoir accueillir les personnes à mobilité réduite mais c’est quasiment impossible dans un grand nombre de sites qui ne se prêtent pas à l’installation d’ascenseur ou de rampes. Il y a beaucoup de réticence à délivrer les dérogations. Ce sera long à régler et il faudra faire appel à la volonté politique d’être cohérent entre la volonté de développer une filière porteuse de retombées économiques importantes et l’obstination à garder ces obstacles.

Il y a également un autre sujet qui freine l’exploitation commerciale avec l’autorisation de construire sur site des installations favorisant la dégustation. Ce n’est plus du ressort du code de l’Urbanisme mais de celui de l’Agriculture, qui interdit de construire des bâtiments qui ne soient pas directement liés à l’objet de l’exploitation agricole, pour éviter la disparition de surfaces agricoles.

Vous sentez-vous une mission de « lobbying » au bon sens du terme pour faire sauter ces verrous ?

Je propose, au sein du Conseil, et ensuite le gouvernement dispose. Mais nous essayons de mettre sur table les contractions actuelles entre les priorités du développement et l’absence de moyens. Il y a un moment où la contradiction devient insoutenable. Le rôle du Conseil, tel que je l’identifie, est de régler les problèmes au niveau de la sphère privée et de poser les problèmes dans le champ public.

Y-a-t-il à l’étranger des politiques, des initiatives dont il serait bon de s’inspirer ?

Oui, bien sûr, notamment chez nos voisins européens vis-à-vis desquels la France ne peut pas être en retard. Je fais référence à notre premier concurrent en matière de production vinicole qui est l’Italie qui a développé une approche plus globale baptisée « agroturismo », qui touche l’ensemble des exploitations agricoles, dont les viticulteurs qui y sont totalement intégrés. Il suffit de voir ce qui a été fait sur la route des vins de Toscane, de Florence à Sienne, pour comprendre l’importance accordée au tourisme rural en Italie et les aménagements réalisés le long de ces routes. L’Espagne est également un concurrent redoutable qui investit massivement et depuis longtemps, notamment dans la région du Rioja, pour créer des lieux touristiques avec une dégustation de vin très appréciée. Et n’oublions pas le Portugal et la région de Porto. Si on élargit un peu plus l’horizon, on constate un mouvement mondial d’investissement dans ce domaine pour pousser la valorisation de l’œnotourisme. On peut citer l’Afrique du Sud, la Nouvelle-Zélande ou l’Australie, mais les Américains ne sont pas en reste. Les investissements y sont considérables même si je considère que ce n’est pas un exemple à suivre car il s’agit davantage de véritable resorts œnotouristiques où le vin n’est qu’un prétexte pour pousser à la consommation, tout comme les personnages de Disney sont là pour attirer le public dans les parcs.

Etes-vous plutôt confiant d’être suivi par les autorités françaises dans les propositions que vous avez suggérées ?

J’ai de très bons rapports avec le secrétaire d’Etat, Jean-Baptiste Lemoyne, qui suit les dossiers du tourisme et qui vient d’une région viticole. Je n’ai pas ressenti la volonté de mettre des feux rouges aux initiatives, ma crainte est plutôt celle d’une inertie propre à l’administration qui serait préjudiciable à un développement rapide de la filière. Il faut comme toujours une impulsion forte au niveau politique, qui doit être soutenue à Matignon et, si possible même à l’Elysée, pour lever toutes les inerties possibles au niveau interministériel.

Préparez-vous déjà les secondes Assises nationales de l’œnotourisme ?

Avant même de les évoquer, nous allons faire des points d’étapes et je dois rencontrer le directeur général d’Atout France, Christian Mantei, avant qu’il ne quitte son poste, pour exécuter les premières mesures qui ont été décidées aux Assises et les relayer par le Conseil supérieur de l’œnotourisme. Nous entrons dans une phase d’exécution qui me paraît plus importante que la préparation de nouvelles Assises.

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