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Christian Mantei, directeur général d’Atout France

Entretien | publié le : 06.03.2019 | Dernière Mise à jour : 06.03.2019

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Auteur

  • Bruno Courtin

La performance touristique passe par l’offre

Directeur général d’Atout France depuis sa création en 2009, il présidait auparavant l’agence d’ingénierie touristique Odit France, après plusieurs années à la tête de l’Office du tourisme de Paris et six ans à la direction marketing de Maison de la France. Autant dire qu’il connaît son monde touristique sur le bout de doigts. Dans un mois pourtant, il va quitter ses fonctions opérationnelles pour le poste de président d’Atout France. Il nous en dit plus sur la suite des événements…

A l’heure où toutes les destinations produisent leurs statistiques de fréquentation, on n’entend parler que de records battus, au niveau international ou régional. Ces chiffres sont-ils pertinents et reflètent-ils une bonne santé du secteur ? Où faut-il commencer à s’inquiéter quand tout va trop bien ?

Il y a dans les bilans que nous sommes en train de faire sur la France davantage de raisons de se réjouir que de s’inquiéter. Le premier constat positif est celui de la dépense, qui est évaluée à 57 milliards d’euros de recettes générées par les visiteurs étrangers, soit 6% de plus que l’an passé. Entre parenthèse, malgré les grèves et les manifestations des gilets jaunes. Pour la seule région de Paris-Ile-de-France, que l’on pourrait croire en saturation, on enregistre une croissance de 8% de la fréquentation. Autre point de satisfaction, les Européens sont au rendez-vous des performances en 2018, avec deux clientèles majeures en croissance, les Britanniques – malgré leurs inquiétudes sur le Brexit – et les Allemands, qui repartent à la hausse après dix ans d’effritement. Et l’une des satisfactions supplémentaires est que nous reprenons des parts de marché à l’Espagne auprès de la clientèle allemande. Je rajoute que le marché asiatique est toujours en croissance et que la reprise en provenance du marché américain ne se dément pas. Seuls les marchés sud-américains connaissent le contrecoup des crises au Brésil ou au Venezuela.

Ces chiffres de 2018 ne sont-ils pas en train de masquer une réalité beaucoup moins glorieuse depuis le mois de décembre et jusqu’à nos jours, lourdement affectée par la violence qui accompagne chaque manifestation des gilets jaunes ?

Il y a une réalité incontestable, alors que le mois de décembre se présentait comme un mois exceptionnel, la baisse des arrivées internationales aériennes se monte à 10% en décembre. Les nuitées hôtelières à Paris ont baissé en moyenne de 5 à 6 % en décembre, mais de 20 à 25% dans l’hôtellerie haut de gamme, beaucoup plus sensible aux questions de sécurité et d’image. On peut relativiser la situation au regard des derniers chiffres : une baisse de « seulement » 6% des arrivées aériennes en janvier avec une perspective de stabilisation dès mars et de reprise de croissance en avril, au vu des réservations qui s’engrangent.

Vous n’avez donc pas d’inquiétude réelle sur le moyen, long terme ?

Notre chance est que structurellement le marché touristique mondial est en croissance et que la France bénéficie d’un capital de sympathie et d’attachement qui s’est renforcé à travers ses performances de 2017 et 2018. Les millions de visiteurs qui repartent avec une expérience réussie sont autant d’ambassadeurs sur les réseaux sociaux. Nous avons mis en place une cellule de veille sur les réseaux sociaux. Autant les commentaires étaient virulents et notre image malmenée en fin d’année, autant la vague retombe ces dernières semaines.

A quoi attribuez-vous notre performance, encore plus que notre résilience face à ces chocs à répétition ?

Nous – et je veux dire collectivement les acteurs du tourisme – avons fait de gros efforts. Là encore, il y a un chiffre qui ne trompe pas, l’investissement touristique a augmenté de 1 milliard d’euros en 2017 et encore d’1,2 milliard en 2018. Nous frôlons les 14 milliards annuels alors que pendant des années, nous stagnions autour et en dessous de 10 milliards. Le marketing et la promotion sont une chose, mais la performance du marché touristique passe avant tout par l’offre. Que ce soit dans le MICE, dans les infrastructures d’aéroport, dans l’hôtellerie, etc. les investissements récents ont été très lourds. Ma crainte tient au fossé qui se développe entre deux France, celle plutôt urbaine qui investit et capte encore plus le trafic touristique, et celle d’une France plutôt rurale, environ un tiers du territoire, qui ne peut pas ou ne veut pas investir dans le tourisme. Je ne citerai pas les régions concernées, mais nous constatons à travers les porteurs de projets que nous pouvons assister ou conseiller qu’un grand nombre se heurte à des oppositions sur le terrain, parfois pour de bonnes raisons de préservation, parfois pour des motifs plus égoïstes de tranquillité personnelle.

On ne peut pas reprocher à des territoires de vouloir préserver leur cadre naturel. Peut-on concilier le développement et l’aménagement ?

L’exemple des Grands Sites de France est très intéressant. Le travail réalisé dans ces sites est remarquable et permet une bonne fréquentation sans toucher aux paysages, voire en les réhabilitant quand ils ont été défigurés. Mais tous les sites naturels ne sont pas des Grands Sites et souvent le développement de l’activité va se heurter au problème de l’hébergement qui est mal résolu. On ne peut arriver à allonger les séjours sans développer les hébergements et les activités. La diffusion souhaitée des visiteurs sur tous les territoires ne peut être atteinte que si les investissements suivent. Sur le Grand Paris, le schéma prévoit 10 000 chambres supplémentaires dans les 3 ans. C’est le ballon d’oxygène nécessaire qui va permettre de faire face à la croissance attendue du nombre de visiteurs.

Les Régions ont-elles toujours un rôle déterminant dans la conduite de la promotion ?

Elles ont un rôle très important car même si elles ont fusionné et rapproché leur CRT le niveau d’investissement au sein du GIE est toujours de même nature. D’une manière générale, les territoires sont très présents à travers également les villes et les départements, mais j’insiste sur le fait que sur nos quelque 1 300 adhérents, 850 sont des entreprises privées. Elles ont permis d’abonder le budget d’Atout France de 39 millions d’euros l’an passé, à mettre en parallèle avec les 36 millions versés par l’Etat. C’est pour moi le signe de la reconnaissance du travail, aussi bien de promotion que d’ingénierie sur les filières.

La nouvelle répartition ou non répartition des compétences touristiques entre les territoires à travers la loi NOTRe a-t-elle perturbé le fonctionnement d’Atout France ?

La loi avait pour vocation de simplifier le dispositif, cela n’a pas été le cas. Cela nous a en partie affect au niveau des prises de décisions, mais assez vite une réalité s’est imposée, celle de la contribution budgétaire. Et au final, elle n’a pas diminué de la part des instances territoriales, même si la répartition a pu évoluer. Cela ne nous empêche pas de travailler, y compris, pour les destinations qui ont moins de budget qui ont aussi leur place et qui s’expriment au sein d’Atout France. Le constat à ce jour est bien que les CRT, même redessinés dans leur périmètre, sont des interlocuteurs capables de s’engager ; de même qu’une dizaine de départements qui font du tourisme une priorité ; et les métropoles qui jouent effectivement un rôle de plus en plus actif.

Ces grandes métropoles ont-elles vocation à prendre encore plus de poids ?

Elles deviennent des acteurs de plus en plus dynamiques, en regroupant leurs moyens et leurs structures. C’est un niveau d’autant plus intéressant que les métropoles ont la compétence sur les infrastructures qui sont le support de l’activité touristique. Le tout dans un contexte où le tourisme urbain est en pleine croissance.

C’est un mouvement presque paradoxal alors que l’on parle de plus en plus de développement durable, de ressourcement, de « slow tourisme »…

C’est paradoxal sans doute, mais on voit bien à travers les statistiques mondiales que les déplacements courts se multiplient autour d’un thème très porteur, la culture. La culture se décline de nombreuses manières avec les expositions, les concerts, le patrimoine bâti, le patrimoine vivant, mais aussi au sens plus large du partage d’expérience, de la gastronomie.

Récemment ce sont tenues les Assises de l’œnotourisme et la France a accueilli la Ryder Cup, prestigieuse compétition golfique, révélant ainsi plusieurs filières qui connaissent un réel succès, y en a-t-il d’autres qui attendent d’être dynamisées de la sorte ?

Je crois beaucoup au développement de la randonnée, comme une filière à forte valeur ajoutée, randonnée pédestre et à vélo. Dans le premier cas, c’est une réponse possible à l’étalement de la saison en montagne l’été. Dans les deux cas, c’est la possibilité de développer de nombreux services périphériques en hébergement, en expérience gastronomique, en assistance technique aux touristes en location, réparation, que sais-je encore. C’est autant de valeur ajoutée et de retombées économiques sur les territoires qui soutiennent les investissements en circuit et balisage. On a encore une vision « sociale » presque paupérisée des randonneurs. Ils ne renoncent pas à la voiture par manque de moyens, mais par choix d’un mode de découverte encore plus « expérientiel ». Et compte-tenu de leur niveau de dépenses, ce sont loin d’être des CSP défavorisées. 

On a pas mal galvaudé la notion d’art de vivre à la française pour englober la restauration, les visites gourmandes et autres caractéristiques de notre culture hédoniste, qu’en pensez-vous en tant que filière ?

A la notion d’Art de vivre à la française, qui évoque aussi les codes de savoir-vivre et un maintien en société un peu guindé, je préfère celle du plaisir de vivre. Cette notion de plaisir est derrière toute la recherche actuelle d’expériences. Les savoir-faire, les visites de sites gourmands se marient en plus très bien avec l’authenticité et la spécificité des territoires. Le secteur s’organise.

Cette organisation des filières est un peu la deuxième casquette, moins connue, d’Atout France qui œuvre à l’amélioration de l’offre par son ingénierie touristique. Est-elle suffisamment appréciée et utilisée par les acteurs français ?

Oui, les études que nous menons et les ouvrages pratiques que nous publions sont attendus et appréciés. Nous avons presque des best-sellers sur la connectivité aérienne ou le tableau de bord des investissements, qui sont des outils de travail très demandés. Je parlais justement de la filière randonnée, elle a fait l’objet d’une étude pratique qui est à l’impression et qui porte sur le développement touristique de la randonnée. Cela ne veut pas dire que nous n’avons pas de marges de progrès. Elles sont mêmes considérables. J’aimerais même que l’on s’attache davantage à analyser les raisons de nos succès autant qu’à explorer de nouvelles filières. Il y a des enseignements à tirer de nos succès.

Le prochain Rendez-Vous en France à Marseille s’annonce-t-il comme une bonne édition ?

Je vais vous surprendre… Nous allons battre tous les records de participation, tant chez les exposants que chez les participants tour-opérateurs et prescripteurs étrangers qui seront plus d’un millier. Il y a très peu de pays au monde qui peuvent se vanter d’organiser un marché du réceptif aussi complet et d’attirer autant de professionnels en provenance de tous les coins du globe. Cette affluence traduit aussi l’attractivité du pays et la montée en puissance de pays émetteurs, notamment en Asie du Sud-Est, que l’on regardait avec une certaine condescendance. Le choix de Marseille joue car les participants s’attendent à être surpris et j’espère bien qu’on ne va pas les décevoir.

On a récemment annoncé votre départ de la direction générale et votre arrivée à la présidence d’Atout France, quel y sera votre rôle ?

Je vais prendre à compter du mois d’avril prochain la présidence non exécutive d’Atout France. Cela veut dire que je n’interviendrai plus dans la gestion opérationnelle de l’organisme mais que je consacrerai mon temps de président à veiller à sa stabilité et à accompagner le directeur général ou la directrice générale dans ses fonctions.

Prendre du recul, est-ce aussi prendre du champ sur les missions ?

Je vois davantage mon prochain rôle dans sa dimension stratégique, reformuler les ambitions et la feuille de route quand c’est nécessaire, assurer le lien avec les grands partenaires institutionnels, avec les ministères, former un tandem avec mon successeur qui pourra s’appuyer sur ma connaissance des arcanes de l’administration du Tourisme.

Votre successeur est-il déjà choisi ?

La procédure est en cours mais elle n’a pas abouti. A l’annonce de ma nomination comme président, le ministère de tutelle, les Affaires étrangères, a reçu plus de 200 CV pour postuler à ma succession. C’est un signe très encourageant d’intérêt pour la fonction. 

 

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