Alma Mundi, donner du sens au voyage de groupe

De ses origines en partie finlandaises, Tanja Duhamel a hérité d’une attirance pour la nature et d’une volonté de faire partager la sagesse des peuples lapons, et d’une manière générale des populations autochtones.

Cette double attirance pour la nature et la quête de sens se retrouve dans le nom même de sa jeune entreprise, créée en 2014. Alma Mundi résulte du mélange de deux expressions qui définissent déjà l’orientation de l’activité : Alma Tierra (la terre nourricière) et Anima Mundi (l’âme du monde), tout un programme qui se retrouve dans chacune de ses initiatives.

Mais d’abord, un petit retour en arrière, en 2007, à l’arrivée de Tanja Duhamel au sein du groupe Psychologies. Elle s’y consacre à la gestion du « Copyright » puis au Business Development de l’entreprise médiatisée grâce à son célèbre patron, Jean-Louis Servan-Schreiber. C’est à ce titre qu’elle participe à l’organisation des croisières thématiques qui sont l’un des points forts du groupe de presse. Au moment de la cession de l’entreprise à un nouvel actionnaire, en 2014, elle se sent prête à développer son projet personnel en capitalisant sur l’expérience acquise. D’organisatrice en interne, elle propose d’être prestataire pour le magazine Psychologies tout en commençant à proposer ses propres « produits ».

Ce sera d’abord une nouvelle approche des séjours en thalasso. « En discutant avec les clients des croisières, qui parlaient volontiers de thalasso, j’ai compris qu’ils étaient en manque d’activité entre deux soins, que le temps libre leur paraissait un peu vide. D’où l’idée de transformer les séjours thalasso en « moment pour soi », en les agrémentant d’activités qui leur donnaient du sens », explique Tanja Duhamel, qui développe au Thalazur de Carnac, un concept à base de conférences sur les principes de la médecine ayurvédique, agrémenté de massage, atelier yoga et alimentation saine… Le succès est rapidement au rendez-vous et les « stages » se multiplient toujours sur le même modèle des individuels regroupés.

Commercialisation digitale

« Comme j’ai appris à le faire pour les croisières du magazine Pyschologies, je définis d’abord un programme avec des dates, un contenu élaboré autour d’intervenants experts, que je commercialise essentiellement via les réseaux sociaux », décrypte la jeune chef d’entreprise.

S’il ne s’agit pas de groupes constitués à la base, le contenu et l’atmosphère de partage d’expérience conduit rapidement créer une cohésion entre les participants, dont un grand nombre deviennent des fidèles du concept. « Lorsque l’on organise une réception, on ne parle pas de repas de groupe et pourtant, il s’agit de plusieurs individus regroupés pour passer un bon moment. De même, chez Alma Mundi nous avons à cœur de considérer nos séjours comme des événements qui réunissent des personnes différentes, et non comme des voyages de groupe », explique la créatrice.

Au bout de quelques années, la collaboration avec le groupe Psychologies prend fin : « C’est un peu de ma faute et j’apprendrai désormais à mieux rédiger mes contrats », constate Tanja. « J’ai expliqué que j’avais un peu de mal à conduire toutes mes activités de front et plutôt que de trouver une solution, le magazine a préféré reprendre la main sur ses croisières. Je n’avais pas assez bien verrouillé notre partenariat ».

Séjours thématisés sur la quête de soi

Qu’à cela ne tienne, il reste encore tant de choses à faire pour la jeune équipe d’Alma Mundi qui se lance dans un nouveau projet, des séjours à l’étranger, sur la terre des ancêtres lapons. « J’avais très envie de faire partager la culture de ce peuple en l’associant à une quête d’épanouissement personnel. J’ai conçu un séjour avec Christophe André, psychiatre et psychothérapeute, qui est l’un des principaux spécialistes français de la méditation et de la pleine conscience », explique Tanja Duhamel, qui se propose comme community manager des réseaux sociaux du médecin et profite ainsi largement de son audience digitale. Elle n’a pas de mal à réunir 250 clients autour du concept, qui se renouvèle plusieurs fois.

Pour l’année 2019, trois séjours sont déjà programmés en Laponie à la quête des aurores boréales avec une série de conférences et d’animations conduites par ses intervenants habituels Christophe André, bien sûr, et Frédéric Lenoir, philosophe et auteur d’ouvrages sur la sagesse dont « Petit Traité de vie intérieure », « L’Âme du monde », « La Puissance de la joie » ou sa « Lettre ouverte aux animaux ». Dans son dernier essai, Le miracle Spinoza, il montre comment ce dernier a révolutionné notre vision du monde en proposant une éthique fondée sur la connaissance de soi, qui vise à nous conduire à la joie parfaite.

Yoga et méditation au Québec

Ardent défenseur du « slow travel », Alma Mundi s’engage dans la voie du voyager autrement, celle où l’expérience compte autant que les visites, celle où la rencontre avec les « autochtones » est l’occasion de s’enrichir et de s’épanouir. Le succès des séjours en Laponie encourage l’entreprise à ouvrir de nouveaux horizons similaires, notamment au Québec à la rencontre des communautés amérindiennes sur les mêmes thèmes du ressourcement. Le partenariat est conclu avec Yoga Journal et une « célébrité » québécoise, la chanteuse Natasha St-Pier, qui se trouve être aussi professeure de yoga. Un coach qui affirme en préambule de ses cours : « Le yoga est la résolution des agitations de l’esprit ».

Parallèlement, Alma Mundi veut proposer des expériences plus courtes et plus proches, en développant le concept des week-ends thématiques autour des « défis » qu’offre ou qu’impose la vie de tous les jours. « Ce sont des séjours dans un établissement hôtelier au cœur de la Forêt d’Orient pour donner des clefs face à des situations souvent difficiles à vivre », explique Tanja. « Nous avons commencé par ce qui est sans doute le plus douloureux : comment vivre et dépasser un deuil récent, une fois encore avec la participation d’un spécialiste reconnu, Christophe Fauré, également psychothérapeute, spécialiste de l’accompagnement du deuil, de la fin de vie et des problématiques du couple et de la famille ». D’autres thèmes suivront dans la même optique : préparer sa retraite ou sa reconversion, vivre la perte d’un emploi, accueillir une naissance… autant de sujets délicats qui pourraient impliquer une nécessaire légitimité dans la pratique médicale.

Pas de thérapie mais de la convivialité

La directrice de l’agence de voyages sait où s’arrêtent ses compétences : « On m’a reproché d’accueillir trop de monde dans ces séjours et de perdre la dimension intime, voire intimiste. Ma réponse est justement de proposer des occasions de discuter pour ceux qui le veulent, mais aussi de rester silencieux et de ne participer que si l’envie s’en fait sentir. La vertu d’un groupe est aussi de pouvoir s’y noyer sans être au centre de l’attention. Je ne propose pas de thérapie mais des moments de partage ». Sa plus grande satisfaction est d’arriver à transformer le traitement de sujets perturbants en week-ends joyeux et de redonner un sens au mot « bien-être ».

1% pour la planète

L’idée de ces séjours participe aussi de la volonté de l’agence d’être impliquée dans la protection de l’environnement, comme l’explique sa dirigeante : « Nous avons décidé de proposer davantage de séjours en France pour réduire notre bilan carbone et proposons un service de covoiturage aux participants. Nous privilégions les partenariats avec des agences locales manifestant la volonté d'aller vers un tourisme durable et éthique ». Cet engagement se traduit aussi par l’adhésion à la fondation « 1% pour la planète » qui la conduit à reverser 1% de son chiffre d'affaires à des association de protection de l'environnement.

Récemment, la « petite » équipe, « au total nous sommes trois salariés et deux stagiaires », dixit Tanja, a été récompensée pour sa créativité en décrochant le Prix du Jeune Entrepreneur APST 2018, décerné par l’Association professionnel pour soutenir les nouveaux arrivants dans le monde du tourisme. La lauréate a répondu à cette distinction par un nouvel engagement, être porte-parole des Nouveaux Acteurs Du Voyage, une association créée par l’APST pour faciliter l’intégration des jeunes pousses dans cet univers. « J’y vois l’opportunité de créer et d’entretenir un réseau pour rencontrer d’autres camarades confrontés aux mêmes problématiques et de creuser ensemble des sujets qui nous concernent tous », explique-t-elle.

Nouvelle étape

La progression de l’activité est constante depuis la création il y a quatre ans et demi, passant déjà de 600 pax en 2017 à plus de 750 en 2018. La multiplication des projets doit permettre de franchir de nouvelles étapes encore dans la croissance. La prochaine étape est celle de l’organisation de circuits thématiques. « Jusqu’à présent, j’ai surtout privilégié les séjours, que ce soit en France ou à l’étranger. Je voudrais arriver à organiser des circuits d’une semaine ou plus dans mes contrées favorites du Canada ou de Finlande, où chaque étape sera l’occasion de nouvelles rencontres et de nouveaux partages d’expérience. Il se trouve que les cultures autochtones sont très similaires, sans doute parce que leurs origines sont mêlées il y a quelques millénaires ».

Les projets ne s’arrêtent pas là avec une nouvelle version du séjour thalasso en mêlant les soins du Thalazur de Carnac avec une sensibilisation à l’énergie des mégalithes sur le site de Carnac.

En 2020 va se poser la question de la croissance et de la taille critique. Déjà très organisée, Tanja Duhamel saisit forcément les limites du développement quand l’équipe et les moyens restent « modestes » au regard des autres acteurs du secteur. Faudra-t-il pour autant trouver un puissant partenaire au risque de perdre son autonomie ? Ce n’est certes pas dans l’intention de Tanja qui a quitté un grand groupe pour préserver sa créativité et sa liberté d’entreprendre. Le dossier est ouvert avec l’espoir de trouver un relais pour accompagner le développement d’un tourisme original, qui s’inscrit totalement dans l’air du temps, la quête d’authenticité et le vécu d’expériences mémorables.