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Le nouveau monde tarde à éclore


Publié le : 27.02.2024 I Dernière Mise à jour : 27.02.2024
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Auteur

  • Jean André Dœuvre, Atout France - Responsable de projets stratégie et prospective

L’activité du tourisme est par nature interdépendante avec son environnement naturel, économique et social. De ce fait, elle en accompagne l’histoire pour le meilleur (prospérité…) et pour le pire (catastrophe naturel, terrorisme, crises financières…).

 

De la croissance inéluctable aux interrogations existentielles

Depuis la Seconde Guerre Mondiale, le tourisme international a crû dans des proportions inédites, passant de quelques dizaines de millions dans les années 50 à 1,5 milliard de touristes internationaux en 2019, avant la pandémie. Trois grandes phases ont rythmé le développement extraordinaire du tourisme :

 

1. Le décollage progressif :

Dans les décennies 1950 – 1960, le tourisme était pratiqué par des visiteurs d’un petit nombre de pays allant dans un petit nombre de pays (occidentaux entre eux pour faire simple !).

 

2. L’ouverture du champ des possibles :

Dans les années 1970, avec l’arrivée du Boeing 747, le fameux « Jumbo jet », et l’accessibilité à moindre coût du transport long courrier, ce sont toujours des visiteurs d’un petit nombre de pays, mais qui allaient cette fois dans un grand nombre de pays. 

 

3. Le village mondialisé :

Enfin au tournant des années 2000, le développement d’une classe moyenne à l’échelle des grandes nations émergentes a constitué la base d’un tourisme où des visiteurs d’un grand nombre de pays voyagent dans un grand nombre de pays, la mondialisation avait fait son œuvre.

Évidemment, de multiples crises, généralement localisées dans un pays ou une zone géographique, sont venues infléchir cette trajectoire haussière, parfois impactant l’ensemble de nos économies (crise des Subprimes de 2008 par exemple). Mais la force du tourisme et de l’aspiration mondialisée était plus forte que tout et sa marche en avant reprenait bien vite après chaque évènement majeur, telles les vagues de terrorisme en Egypte, en Europe, les crises économiques et financières en Asie et beaucoup d’autres.

Avec la crise du Covid-19, pour la première fois le tourisme était touché dans l’un de ses fondamentaux, la liberté de circulation, et à l’échelle mondiale de surcroît ! Avant le début de cette crise sanitaire, on parlait de surtourisme, de l’environnement qui était « malmené » par l’activité humaine… et à la faveur de cette pause inédite dans notre histoire collective, nous avons vu s’épanouir les prédictions les plus radicales. Le monde d’avant c’est fini ! Le tourisme était annoncé cette fois comme la filière qui mettrait le plus de temps à se remettre de cet extraordinaire coup d’arrêt (pour peu qu’elle puisse s’en remettre).

Toutefois, les envies de voyage, de rencontres, d’enrichissement culturel ne sont pas si faciles à enterrer. Le Cabinet Roland Berger présentait déjà en 2020 une étude qui s’interrogeait sur « Le tourisme d’après : la crise accélérateur des tendances pré-covid ? », pour conclure à la hausse de la prise de conscience environnementale et à l’effet d’accélérateur de la crise sur des changements amorcés avant la pandémie. Également, dans Le Monde en 2021, on pouvait lire un article intitulé « Après le Covid, le tourisme repartira. Il importe que ce rebond ne se fasse pas sur des bases identiques ». Un cycle nouveau de l’histoire humaine allait naître, plus vertueux pour la Nature et pour l’homme qui en est indissociable. Les articles se multipliaient, et le public ne demandait qu’à y croire, l’aidant sans nul doute à se projeter vers un après qui tardait à se dessiner.

 

Chassez le naturel…

Ce faisant, toutes les destinations touristiques, au travers de leurs opérateurs publics et privés, ont multiplié les plans de relance pour espérer faire revivre une activité qui pèse un poids considérable dans leurs économies (l’OMT évalue à 1 700 milliards de dollars l’exportation générée en 2019 par le tourisme, un secteur qui représente 10% du PIB mondial). Certains parlaient du Revenge travel qui allait booster le retour à meilleure fortune, le sociologue Jean Viard esquissait la possibilité d’une période faste qu’il appelait les « 10 glorieuses ». A titre d’exemple, les compagnies low costs ont continué à anticiper un avenir comme avant, mettant rapidement des capacités en sièges sur le marché. On voit même l’A380 voler de nouveau car rentable avec les taux d’occupation élevés constatés. Les observateurs économiques n’ont cessé de répéter que les ménages ont accumulé une épargne considérable, disponible notamment pour des voyages.

Et ce qui devait arriver arriva, la reprise a eu lieu, par cercle concentrique, sur le tourisme de loisir domestique ou de proximité d’abord, avant de se répandre inexorablement sur l’ensemble de la planète ou presque, la zone asiatique étant restée la plus longue à reprendre. Cela reste d’ailleurs à ce jour encore en retrait des performances de l’année 2019, qui constitue pour toutes nos observations la référence absolue de la vitalité de la reprise. Ainsi du côté de la demande, les arrivées de touristes internationaux dans le monde ont atteint au premier trimestre 2023 : 80% du niveau de la même période sur 2019, niveau tiré à la baisse du fait de la zone Asie, sinon l’Europe s’établit à 90% quand le Moyen-Orient est revenu au niveau antérieur. Dans les grandes masses, le tourisme d’après ressemble follement au monde d’avant, malgré une accélération croissante de certains sujets (prise de conscience de l’impératif de décarbonation de la filière, problématique d’attractivité des métiers…).

S’agissant de l’offre, on mesure en France avec le Tableau de bord des investissements touristiques une progression des investissements dans le secteur marchand, entre 2022 et 2019, de +6,8% pour s’établir à environ 13,7 milliards d’euros, qui témoigne d’une conviction des opérateurs que la demande est appelée à croître, forte d’une appétence intacte pour les voyages dans la population mondiale.

Le Secrétaire général de l’OMT, Zurab Pololikashvili, a déclaré : « Ce début d’année 2023 illustre une fois encore la capacité incomparable qu’a le tourisme de rebondir ».

 

Un autre futur pour le tourisme est-il possible ?

Cette reprise est certes vigoureuse, mais elle s’accompagne d’un inventaire à la Prévert des fléaux qui nous menacent tous, et ce bien au-delà du seul tourisme (hausse des taux d’intérêt directeurs, inflation, coût de l’énergie et des matières premières, pénuries, guerre en Ukraine et réarmement mondial, amplification et intensification des menaces environnementales liées au réchauffement climatique…). Comment concilier donc ce rebond « naturel » de l’envie de voyager avec la nécessaire transition écologique, sociale et économique de la filière ? Comment faire évoluer les rapports au voyage ? D’aucuns vont même jusqu’à demander « Faut-il voyager pour être heureux ? », expression d’un développement qu’on anticipe pour nos sociétés vers plus de frugalité et de sobriété dans nos vies pour atteindre la durabilité, maître mot de tout discours responsable.

Pour y parvenir, il faut réformer ces injonctions paradoxales qui nous entourent et nous conduisent à penser par exemple qu’un voyage à l’étranger est le gage d’un voyage réussi, et plus largement qu’une consommation effrénée de tourisme peut seule nous mettre sur la voie de l’accomplissement personnel. Cela passe également par une adaptation de la mesure de la performance de l’activité pour accompagner cette mue vers la durabilité, un vaste chantier. Le monde d’avant s’évacue et celui d’après ne s’installe pas tout d’un coup. Ceci pour dire que la substitution ne se fait pas sans heurts, il y a des à-coups, des soubresauts, des retours en arrière, mais inexorablement le changement s’opère et la voie nouvelle se dessine.

 

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