130 représentants du secteur du tourisme viennent de participer à la 21ème rencontre du Forum des pionniers. Objectif : échanger autour des thèmes majeurs afin de mieux appréhender le monde de demain
L'hybridation, un vrai projet de société
Face à la situation environnementale actuelle et aux changements des mode de vie liés à la pandémie du coronavirus, l’ESCAET propose de débattre sur la thématique des « nouveaux espaces temps du tourisme ».
Mais qu'entend-elle par-là? Cyril Blanchet, Directeur pédagogique de l'ESCAET explique : « La notion d’espace-temps évolue constamment, donc nous souhaitions la questionner. Afin de la rendre plus tangible, il fallait la décliner en sous parties. La première étant celle de l’hybridation, car après avoir interrogé des chercheurs, des professionnels du secteur et des artistes, nous avons remarqué que des forces s’entrelaçaient.
Le monde actuel est en pleine évolution et est sujet à la réinvention. Pour Gabrielle Halpern, philosophe spécialisée dans l’hybridation « il faut repenser les lieux, les modèles, les services, les offres, les parcours et les expériences ». Le secteur hôtelier illustre en premier chef cette évolution. Ils deviennent des espaces tant de travail (coworking), de commerces (épiceries) que de culture (musées et résidences d’artistes).
La pandémie du coronavirus y est pour quelque chose : l'hôtellerie revoit son modèle économique et cherche à travailler avec les acteurs locaux pour ne plus être autant dépendant de la clientèle étrangère.
Cyril Blanchet poursuit : « nos recherches permettent d’identifier dans l'idée d’hybridation, des mouvements qui s’opposent jusqu’à faire naitre le concept de paradoxe. Loin de brider les développements, il permet au contraire de faire naître des forces menant beaucoup plus loin que la situation dans laquelle nous sommes aujourd’hui. Concrètement, la prospective s’accompagne d’une dynamique permettant de nous projeter plus qu'avant pour mettre en œuvre des processus de transformations. Ce travail débouche sur des solutions engageant les adaptations nécessaires pour que le tourisme de demain corresponde aux attentes de la société ».
L’hybridation s’affirme également dans les nouveaux modes de vie des touristes occidentaux. En effet, la façon de consommer le voyage diffère aux années passées. Depuis la fin de la pandémie, tous les sondages montrent un attrait pour l’expérience singulière et le sur-mesure. Autre enseignement, le loisir et le travail, autrefois parfaitement divisés, se superposent avec le télétravail et le prolongement du WE suite à un déplacement d’affaires.
Gabrielle Halpern poursuit : « nous ne sommes plus dans une société de service, qui correspond à ce que vous apportez à vos clients, mais plutôt dans une société de relation. La société de relation est celle de l’implication, celle où le territoire de la destination propose une métamorphose réciproque, c’est-à-dire que chaque partie accepte de se transformer pour rencontre l’autre ». Elle rajoute : je pense que demain nous évaluerons un hôtel, une agence de voyage ou autre selon sa capacité à hybrider et à s’hybrider. C’est-à-dire, à imaginer des mariages improbables avec un autre secteur. C’est cela l’hybridation ».
Vers un tourisme réflexif et transformatif
Face aux paradoxes que subit le monde du tourisme, entre voyager et conscience écologique, Emmanuel Salim, chercheur post doctoral à l’Université de Lausanne, exprime l’importance de mettre en place un tourisme réflexif pour élever les consciences à la préservation des territoires.
Prenons l'exemple des régions montagneuses. Le changement climatique transforme ces espaces notamment avec la réduction des lieux de pratiques, la montée en altitude des activités, la réduction des saisons et surtout, l’incertitude sur l’avenir.
« Le cas du tourisme glaciaire dans les Alpes françaises est emblématique. L’abaissement des hauteurs de neige très rapide rend les transformations climatiques de la montagne très visibles » exprime Emmanuel Salim.
Alors, quelles réactions portent les touristes face au dérèglement du climat ? Les travaux menés autour de 6 grands sites des alpes françaises, suisses et autrichiennes montrent que ce retrait glaciaire devient une préoccupation centrale.
Pour certains touristes, qui représentent plus de la moitié des près de 1500 personnes enquêtées, il s’agit d’aller voir la glace avant qu’il ne soit trop tard. Cette volonté se double de la volonté de constater les transformations du glacier et de comprendre le changement climatique, avec notamment l'idée de transmettre aux générations futures ces paysages considérés comme patrimoniaux.
Mais visiter, voir et comprendre le paysage glaciaire permet-il réellement de favoriser les comportements responsables ? « Comprendre ce que l’on voit, augmente les intentions d’adopter des comportements responsables. Les sites du tourisme de la dernière chance, par l’intégration d’un volet réflexif, pourraient être propices à une meilleure compréhension du changement climatique et aux moyens de l’affronter. » soulève Emmanuel Salim.
Cette 21ème édition du Forum des pionniers et ses trois journées de réflexion mettent lumière un tourisme en pleine évolution, dans lequel les secteurs s'entrêmelent. Mais aussi « un face à face imprévu : avec un tourisme d'hier qui tente en vain de retarder l'échéance et un tourisme d'avenir qui sera construit par la jeune génération, bien consciente qu'il va falloir s'adapter. » exprime Fabrice Pawlak, co-fondateur d’Agence Serendip.