Laurent Letailleur, Chef de bureau de l'accompagnement des acteurs économiques du monde sportif au Ministère des Sports et des JO et Paralympiques, ainsi que Vincent Massardier, Chargé de mission, expliquent l'importance des événements sportifs, véritables contributeurs au rayonnement d'une destination
En partenariat avec le Welcome City Lab, Tour Hebdo et Quotidien du tourisme proposent un feuilleton hebdomadaire du cahier des tendances crée par ce laboratoire du tourisme innovant.
Contexte et enjeux
Le tourisme est un levier majeur de l’économie française. En 2018, la consommation touristique intérieure a représenté 174,2 Mds€, soit 7,5 % du PIB. 63 % de la consommation a été réalisée par les touristes français (110,3 Mds€) et 37 % par les visiteurs étrangers (63,9 Mds€). La destination France restait la plus visitée au monde, avec 90 millions d’arrivées de touristes internationaux. Elle s’est placée au 3ème rang mondial en termes de recettes (55,5 Mds €) en 2018. En 2017, les secteurs d’activités liés au tourisme représentaient environ 1,34 M de salariés.
Dans ce cadre, le tourisme sportif a tendance à prendre un poids croissant dans l’économie française. En effet, avec la multiplication sur le sol français des événements sportifs et de leur popularité, ainsi que l’intégration de plus en plus importante d’activités physiques et sportives dans le cadre des séjours de vacances et la montée en puissance dans la société française des enjeux de lutte contre la sédentarité et de reconnexion avec la nature, le tourisme sportif trouve de réels inducteurs de développement.
À ce titre, le tourisme sportif lié aux grands événements sportifs internationaux (GESI) correspond à des séjours motivés par la participation en tant que spectateur à de grandes manifestations sportives. Ce segment de marché génère d’importantes retombées économiques. En effet, au même titre que les événements culturels, les GESI constituent des vecteurs d’attractivité des territoires et contribuent au rayonnement international du pays hôte. De plus, ils participent à rehausser la consommation intérieure. L’État, les fédérations sportives, les collectivités territoriales et les entreprises soutiennent ainsi l’organisation de ces GESI.
À titre d’exemple, durant l’Euro 2016 de football, 536 500 touristes étrangers sont venus spécifiquement en France (13,4 % de Britanniques, 12,7 % d’Allemands, 5,8 % de Suisses) sur une durée moyenne de séjour de 7,9 jours. Cet enjeu de la rétention des spectateurs et de l’optimisation des retombées touristiques prendra par ailleurs une acuité particulière lors de l’organisation en France en 2023 de la Coupe du monde de rugby, compétition au cours de laquelle parfois près d’une semaine sépare deux rencontres d’une même équipe lors du premier tour de la compétition, renforçant la pertinence d’un enrichissement significatif de l’expérience client des spectateurs.
Un marché des GESI fortement concurrentiel au regard des potentielles retombées économiques, sociales et environnementales
La France a une forte culture d’organisation d’événements sportifs internationaux à l’instar des Jeux Olympiques d’hiver 1992, de la Coupe du Monde de football masculin 1998 ou de la Coupe du Monde de rugby masculin 2007. Cette grande tradition se vérifie actuellement avec l’organisation, sur la période 2015-2024 de plus de trente événements sportifs d’envergure internationale, tels que le Championnat d’Europe de football masculin 2016, les Championnats d’Europe de basketball masculin 2015, la Coupe du monde de handball masculin 2017 et la Ryder Cup 2018, démarche couronnée par l’attribution à Paris de l’organisation des Jeux Olympiques et Paralympiques d’été 2024 précédés un an auparavant de la Coupe du monde de rugby.
Le potentiel du marché des GESI est très important, tant sur le plan économique et social qu’en termes de visibilité internationale. Au moment des JO de Londres, le Ministère du commerce international du Royaume-Uni (UKTI) estimait le potentiel de marché des GESI à environ 50 Mds€/an. De plus, malgré des investissements lourds de la part des États accueillant ces événements, ce marché présente plusieurs caractéristiques positives ainsi que des potentialités importantes sur plusieurs dimensions :
-Au même titre que les événements culturels, ils sont des vecteurs d’attractivité des territoires et contribuent au rayonnement international du pays hôte ;
-Ils contribuent à l’attractivité touristique des territoires et peuvent rehausser la consommation intérieure ;
-Ils exercent un effet d’entraînement vertueux sur plusieurs marchés à enjeux à l’export, relatifs notamment à la ville durable, la mobilité, la gestion de la sécurité des personnes, etc. ;
-Ils constituent des catalyseurs de projets publics de modernisation d’infrastructures sportives, des réseaux de transports et de communication, ainsi que de santé et d’accueil ;
-Ils exercent des effets d’entraînement sur les autres marchés de l’économie du sport (tourisme, textiles et articles de sport, numérique, santé-bien être, etc.) ;
-La complexité du cahier des charges imposé par les organisations sportives internationales suppose la mise en œuvre de solutions innovantes en termes de financement, de conception, de réalisation et de maintenance ;
-L’intensité de l’exposition médiatique dont bénéficient ces GESI confère un potentiel de vitrine pour l’offre de services déployée à l’export.
Au regard de ces potentielles retombées économiques, sociales et environnementales, de nombreux pays se livrent à une forte concurrence afin d’accueillir ces GESI. Initialement réservés aux pays développés pour des raisons financières, ils sont, depuis une dizaine d’années, de plus en plus organisés par des pays émergents dont les capacités financières, liées notamment à l’exploitation de leurs ressources naturelles, sont très importantes. Ces pays s’appuient sur l’organisation de ces GESI afin de renforcer leur diplomatie internationale, comme le montre l’exemple de la Coupe de Monde de football masculin 2022.
Au regard de la concurrence internationale, les pouvoirs publics ont souhaité offrir un cadre compétitif aux fédérations sportives
C’est dans ce cadre fortement concurrentiel que la France a souhaité développer une politique d’accueil de grands événements sportifs internationaux, avec, comme point de départ, la candidature, en février 2009, à l’organisation de l’Euro 2016 de football et en point d’orgue, la candidature de Paris aux Jeux Olympiques et Paralympiques d’été de 2024. En adéquation avec les attentes des instances en charge de l’attribution de ces grandes compétitions (FIFA, UEFA, CIO, FIBA, IHF, etc.), le gouvernement, favorable à l’organisation d’événements sportifs internationaux à même de valoriser le patrimoine du pays et de les utiliser comme levier du développement en infrastructures de tous types (transport, logement, équipements sportifs, etc…), a travaillé sur la mise en place d’un dispositif fiscal en analysant de la manière la plus fine possible les critères d’éligibilité permettant de justifier la mise en place de ce dispositif. L’objectif est de renforcer l’attractivité de la France vis-à-vis des événements générant des retombées économiques et sociales exceptionnelles.
Mise en place d’un cadre visant à rationaliser les échanges entre les territoires d’accueil et les propriétaires d’événements
Depuis 2016, la France a engagé un travail avec l’Organisation de Coopération et de Développement Économiques (OCDE) visant à définir les grands principes permettant de garantir que l’accueil de tels événements soient de réels catalyseurs de croissance inclusive sur l’ensemble des territoires.
Cette initiative française a abouti à l’adoption, le 30 mai 2018, d’une recommandation relative aux Grands événements et au développement local par l’OCDE afin de poser un cadre visant à rationaliser les échanges entre les territoires d’accueil et les propriétaires d’événements. L’objectif attendu de la mise en œuvre de cet instrument (le premier dans le domaine du sport) est de réduire l’asymétrie entre les parties prenantes. Cet instrument fera l’objet d’une évaluation par l’OCDE en 2024.
Le rapport DIRX a également contribué à poser des jalons en matière d’attractivité des GESI en matière tourisme
S’appuyant sur 21 mesures réparties en 11 axes et visant à optimiser les retombées touristiques des GESI organisés en France, ce rapport, commandé le 19 janvier 2018 par le Premier Ministre Edouard Philippe, s’est attaché à faire une synthèse complète des axes d’amélioration afin de faire de ces événements des réussites sportives, économiques et sociales en renforçant les synergies entre l’événementiel sportif et touristique.