
Une mesure gouvernementale prévoit de limiter les paiements en liquide chez les commerçants à 1 000 € au lieu de 3 000 €, à partir de la rentrée.
Le 25 mars dernier, le gouvernement a annoncé une série de mesures, applicables à la rentrée, pour lutter contre le financement du terrorisme. Dans la foulée des attentats de Paris de début janvier, les huit mesures présentées sont censées faciliter le repérage des paiements suspects (armes, véhicules, etc.) et faire reculer l'anonymat dans l'économie.
La première mesure concerne donc l'abaissement du plafond de paiement en espèces, de 3 000 euros à 1 000 euros, entre un commerçant et un particulier, ou entre commerçants. L'objectif est d'imposer des moyens de paiement offrant une véritable traçabilité (chèque, virement, carte bancaire…).
Tour Hebdo a voulu savoir quel sera l'impact dans les agences de voyages. Même si l'essentiel des paiements s'effectue par carte bancaire, certains clients règlent leurs voyages en liquide, notamment, selon les commentaires des distributeurs, les clients exerçant en tant que commerçants, forains, membres de professions libérales ou les clients affinitaires pour retourner dans leur pays d'origine pendant les vacances.
Pas une bonne nouvelle
Chez Marne et Morin Voyages à Meaux, Catherine Buratti reconnaît que le plafonnement des espèces va poser un problème. "Les commerçants payent en liquide leurs vacances, ce n'est pas nouveau. Et les clients affinitaires, qu'ils soient algériens ou maliens, fonctionnent de cette manière-là pour payer leurs billets d'avion ou de bateau, témoigne-t-elle. La profession va forcément trouver des solutions, les agences ne peuvent pas se passer de cette clientèle."
Toni d'Andrea, directeur d'Ingetours à Rungis, est également impacté : "1 000 euros, ce n'est pas beaucoup, cela correspond à deux billets Paris-Dakar ! constate-t-il. La clientèle africaine qui paye en liquide vient justement en agence pour ce service, plutôt que sur les sites Internet. Ce n'est pas une bonne nouvelle pour nous. Sans compter l'impact sur les clients grossistes de Rungis, qui disposent de cash".
Et d'évoquer une solution : segmenter les dossiers, client par client, pour ne pas dépasser le plafond autorisé. "Cela va nous demander de la gymnastique !"
Un process compliqué
Lotfi Tazi, directeur de Voyages Paris Normandie à Rouen, estime que les paiements en liquide représentent de 20% à 25% des paiements dans ses quinze agences à l'enseigne Thomas Cook et Jet tours. "Tous les clients ont une bonne raison de payer en liquide jusqu'à 3 000 euros, quelle que soit leur profession, remarque-t-il. Ils vont être gênés quand le plafond passera à 1 000 euros."
Quant à sa clientèle affinitaire, d'origine maghrébine, elle ne dispose pas de carte bancaire, dans 60% à 75% des cas. "Chez les anciens, c'est culturel, analyse-t-il. Le plafonnemement va compliquer le process, pour eux et pour nous."
Enfin, pour Jean Ghibaudo, directeur des agences Aliso Voyages, filiales de la SNCM (actuellement en redressement judiciaire), la limitation des espèces à 1 000 euros est beaucoup trop restrictive. "Beaucoup de nos clients magrébins payent la traversée en liquide autour de 1 500 à 2 000 euros, en famille, avec un véhicule, note-t-il. Le plafonnement à 2 000 euros serait moins pénalisant", conclut-il.
Catalina Cueto
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