
Mercredi, c’est permis ! Thierry Beaurepère est de retour pour vous faire part de son humeur du moment. Cette semaine, il évoque l’invasion touristique subie par certaines destinations et les dérives qui en découlent…
A Disneyworld, en Floride, un décor reproduit Venise. La foule patiente devant les tourniquets pour découvrir une Place Saint Marc plus vraie que nature. Aujourd’hui, plus besoin de traverser l’Atlantique.
Dans la vraie Venise, on vient d’installer des portiques d’accès à la Sérénissime afin de contrôler les flux de visiteurs ! A quand le panneau indiquant le temps d’attente ? La décision s’inscrit dans une série de mesures prises par les autorités pour faire face à ce que les habitants appellent une "invasion touristique".
Elle est accompagnée d’une campagne de sensibilisation baptisée #EnjoyRespectVenezia, dans laquelle il est rappelé quelques règles de bon sens.
A-t-on réellement besoin de préciser qu’il est interdit de plonger dans les canaux, de piquer-niquer au pied du Campanile et qu’il ne faut pas vandaliser les ponts en y accrochant des cadenas ? Manifestement oui, quand on sait que 10 touristes britanniques viennent d’être condamnés pour s’être adonnés à des danses pornographiques dans les temples d’Angkor.
Cela dit, les Anglais n’ont pas le monopole du mauvais goût. En 2015, trois Français avaient été expulsés pour s’y être photographiés nus ! Et récemment, des Européens ont crû bon de faire croire qu’ils avaient des c.... en photographiant leurs derrières devant le Machu Picchu.
On peut s’amuser de ces comportements, voire les encourager comme certaines émissions de télé potaches (regardez donc du côté de C8) ! Ou plus sûrement en pleurer car ils ne font qu’alimenter une vague de "tourismophobie", qui risque encore de s’accentuer dans les prochains mois tant la croissance du tourisme mondial donne le tournis. Ainsi, à l’initiative d’associations d’habitants, le réseau SET (villes du sud de l’Europe face au Tourisme de masse) vient d’être créé afin de "poser des limites à l'industrie touristique, voire viser sa décroissance". Il regroupe pour l’heure des villes espagnoles, mais aussi Lisbonne, Malte et Venise.
Des quotas pour limiter la fréquentation des grands sites
Paris risque fort de rejoindre le mouvement rapidement. Il suffisait de faire un tour sur les rives de la Seine ou au pied de la Tour Eiffel au petit matin, après le pic de chaleur d’il y a deux semaines, pour constater que les pique-niques avaient fait place à une décharge sauvage.
"On a le droit de s’amuser. Les balayeurs d’Hidalgo sont payés pour nettoyer", lisait-on sur les réseaux sociaux. Les mêmes dénoncent l’invasion de Paris par les rats ! Soyons honnêtes, les touristes ne sont pas les seuls responsables ; mais tout Parisien qui habite dans un logement désormais squatté par Airbnb, cette belle start-up qui "valorise l’expérience et réhabilite l’authentique", sait à quel point les dérapages sont fréquents…
Surtout, partout dans le monde, des quotas fleurissent pour limiter la fréquentation des grands sites: à l’Alhambra, au Machu Picchu, à Santorin ou au Taj Mahal, et demain sans doute à Dubrovnik ou Angkor.
A quand le Mont Saint-Michel ? Et des interdictions sont décrétées, souvent à juste raison. Les Philippines ont ainsi fermé pour six mois Boracay, l'île la plus courue de l'archipel, victime du tourisme de masse et devenue une "fosse septique" d’après le président du pays.
En Thaïlande, c’est la baie de Maya, immortalisée par le film La plage, qui doit être fermée de juin à septembre pour permettre à l'écosystème de se régénérer. Il suffit d’y avoir posé une fois le pied, d’avoir vu ces dizaines de speed-boat lâchant sur la plage des groupes éméchés venus y réaliser leur "very bad trip", pour comprendre la nécessité de cette mesure.
Ces deux exemples sont loin d’être anecdotiques. Ils sont, au contraire, le signe qu’il est temps pour nos autorités touristiques - à commencer par la France - de repenser leurs stratégies, en mettant un terme à cette ridicule course au nombre de visiteurs...