
Mercredi, c’est permis ! Thierry Beaurepère est de retour pour vous faire part de son humeur du moment. Cette semaine, il ne fait pas dans la dentelle et livre une vision grinçante du Puy du Fou.
Pendant la grève, le spectacle continue ! Le week-end dernier, le comité d’entreprise de la SNCF a envahi le Puy du Fou ; une ribambelle de joyeux lurons venus en famille, comme un hommage à cette France rurale et à cet aménagement du territoire que nos cheminots défendent avec tant d’ardeurs... L’histoire ne dit pas s’ils sont venus en train. Ils auraient pu, la circulation était annoncée normale samedi et dimanche. Sauf que les orages qui se sont abattus sur l’ouest ont endommagé les caténaires… et ont perturbé le trafic. Quand ça ne veut pas...
C’était ma première fois dans le parc vendéen, un véritable baptême avec une nuit dans l’hôtel Clovis (pour ceux qui ont zappé leurs cours d’histoire, le premier roi chrétien du royaume des Francs) ! En toute logique, en guise de message de bienvenue, j’ai donc eu le droit à une homélie tournant en boucle sur la chaîne interne du parc, du vicomte Philippe Marie Jean Joseph Le Jolis de Villiers (son nom entier !), heureux créateur du Puy du Fou avant que Nicolas (l’un de ses sept enfants) n’en prenne la direction en 2012, au nez et à la barbe... de papa !
Voilà pour la petite histoire, qui fait la légende du Puy du Fou. En revanche, pas sûr que les historiens valident la Grande Histoire qui inspire les attractions, et semble sortie d’un manuel scolaire poussiéreux du début du XXe siècle !
Dans les tribunes des arènes où s’affrontent des gladiateurs huilés, les spectateurs "gaulois" sont invités à chanter un sympathique "Ici, on est chez nous". Ça ne vous rappelle rien ? Quant au spectacle, il voit s’affronter les gentils chrétiens et les Romains dépravés... Chez les Vikings de l’attraction voisine, le message fait lui aussi dans la dentelle ! Les Francs ne font pas que résister aux horribles envahisseurs du Nord, dans un déluge de feu. Ils vont aussi les convertir au christianisme (sic) ! Et je vous passe Jeanne d’Arc et ses preux chevaliers...
"On n’est pas à Disneyland"
Pas de quoi choquer les visiteurs venus par milliers. Il est vrai que dans les allées, on a parfois plus l’impression d’être sur le chemin de Saint-Jacques de Compostelle que dans un parc de loisirs ; comme si le Puy du Fou était devenu une étape sur la route qui relie Lisieux à Lourdes. Sauf que les pèlerins sont harnachés de sacs Quechua... "Ici, au moins, c’est notre histoire", peut-on entendre. Comprenez : "On n’est pas à Disneyland." Un quart de siècle après l’arrivée des "envahisseurs" américains en terre de France, le match Mickey vs François 1er n’est toujours pas terminé. Un vrai blockbuster !
Cette "Chouannerie" est entretenue par le vicomte lui-même, qui n’oublie pas de préciser (toujours dans son film de "propagande"), que le Puy du Fou n’a bénéficié d’aucune subvention publique, comprenez contrairement aux méchants de Marne-la-Vallée. Le message est même rappelé en préambule du spectacle nocturne de la Cinéscénie. C’est oublier que ses milliers de participants sont bénévoles ; et qu’il est quand même plus facile de gagner de l’argent quand on ne paie pas les figurants !
Soyons... francs. Décors somptueux, costumes colorés, mises en scène inventives et effets spéciaux explosifs... le Puy du Fou ne manque pas de panache, et ses attractions sont visuellement époustouflantes. Mais elles mériteraient un peu plus de nuance. A moins que je ne sois moi-même de mauvaise foi !