L’aviation civile internationale se désengage de l’information sur les zones de conflit et laisse le soin aux Etats de se prononcer sur la dangerosité des survols.
Difficile d’être plus hypocrite et maladroit deux ans après la destruction du Boeing du vol MH17 par un missile. L’Organisation de l’aviation civile internationale (OACI), dans un communiqué, indique qu’"elle modifie les procédures relatives au Répertoire d'information sur les zones de conflit (CZIR) de l'OACI".
Désormais, les publications sur ces zones à l’espace aérien non sécurisé "ne seront immédiatement disponibles que lorsque les informations sur les risques sont soumises par l'Etat où le conflit a lieu". En clair, dans un pays où l’Etat (Soudan, Yémen, Libye, etc.) est défaillant, si l’aviation civile locale ne se manifeste pas, l’OACI se désengage vis-à-vis de la communauté aéronautique internationale, des compagnies aériennes et des passagers.
Pour bien enfoncer le clou, l’OACI indique que "des dispositions ont également été prises pour continuer à permettre à un Etat de publier des avertissements de zone de conflit concernant l'espace aérien souverain d'un autre Etat, lorsqu'il n'existe pas de désaccord entre l'Etat soumettant les informations et l'Etat concerné".
Ce qui veut dire que deux Etats en guerre doivent néanmoins se mettre d’accord pour diffuser des consignes de restrictions de survol… On croit rêver. C’est sûrement le cas des fonctionnaires de l’OACI dans leur bel immeuble de Montréal, très éloigné de la réalité des zones de conflit.
Seule concession, "les Etats conservent le droit de publier sur leurs sites Web nationaux respectifs des avertissements sur les risques pour la sûreté et la sécurité de l'aviation internationale, et le CZIR de l'OACI sera maintenant modifié de manière à inclure des liens vers les pages de ces Etats". Un subtil transfert de responsabilité !
Une agence onusienne qui s'efforce de ne fâcher personne
Comment expliquer un tel désengagement ? L’OACI, ne l’oublions pas, est une agence onusienne qui s’efforce de ne fâcher personne. Or diffuser une information sur un espace aérien non maîtrisé ne fait pas toujours plaisir.
De plus, cette indication de zones dangereuses provoque une modification des routes aériennes. Conséquence, cela entraîne un manque à gagner en devises des redevances de survol pour le pays concerné.
Dans la pratique, les services opérations des compagnies aériennes prennent le relais et construisent les itinéraires des avions en fonction des informations recueillies, parfois en temps réel, par leurs escales, les représentations diplomatiques et les autorités militaires présentes sur place.
T.V.