Habilement dissimulée sous un mas provençal, au milieu de la végétation protégée de ce Parc national, la fondation expose 70 pièces, du Pop Art à la sculpture contemporaine, sur 2.000 mètres carrés.
Une série d'œuvres allant d'un labyrinthe de miroirs du Danois Jeppe Hein à un nid d'oeuf géants posés dans une clairière par l'Allemand Nils-Udo sont également disséminés dans un parc de 15 hectares.
Dès l'entrée, les visiteurs doivent retirer leurs chaussures pour arpenter pieds nus les salles d'exposition immaculées. Une façon de se "connecter" avec la nature, selon les concepteurs des lieux, sur cette île préservée au large de Hyères, où les voitures sont bannies. "Ce n'est pas un musée virtuel qu'on visite avec un écran. L'idée, c'est de ressentir ce lieu vivant et plein d'éléments naturels", explique Charles Carmignac, avant d'ôter ses espadrilles. Directeur de la fondation, il est l'un des fils du gestionnaire de fortune Edouard Carmignac.
Parmi les principales pièces de l'exposition, destinée à être renouvelée chaque année, deux portraits de Lénine et Mao par Warhol, qu'Edouard Carmignac, pied de nez de milliardaire, avait fait installer dans son bureau parisien. Ou encore une série de nus de Roy Liechtenstein qui côtoient sur un même mur, et dans un audacieux carambolage, une Vierge à la grenade et une Vénus de Boticelli. A côté de ces grands noms, se déploient des commandes, dont un impressionnant panorama sous-marin de l'Espagnol Miquel Barcelo ou des façades sculptées sur un baraquement par le street-artist portugais Vhils.
- "On sort à peine de l'eau" -
"Mon père voulait éviter que son lieu dédié aux arts soit un lieu de consommation, que l'on visite entre deux rendez-vous, ou avant d'aller au supermarché", explique le directeur. D'où un écrin préservé et isolé comme Porquerolles, qui peut rappeler l'île-musée de Naoshima au Japon. "On sort à peine de l'eau, on passe deux heures dans un musée d'art contemporain, donc (...) on redécouvre les oeuvres complètement différemment", abonde Estève Marie, une enseignante, le maillot encore dégoulinant après une baignade. "Et quand on regarde par la fenêtre, on a l'impression de voir une gigantesque œuvre d'art... C'est la nature ! C'est peut-être la plus belle œuvre qu'on puisse voir", souligne une touriste allemande, Regina Reich.
Mais sur une île déjà saturée par le tourisme, avec plus de 1,25 million de visiteurs par an, la fondation a dû se plier aux strictes règles du Parc national. La collection Carmignac, 300 pièces au total, a été constituée depuis 30 ans par Edouard Carmignac, qui a fréquenté la scène new-yorkaise période Factory et fondé la société financière Carmignac Gestion. Charles, qui a échappé à l'attrait des salles de marché, et même mené une carrière de musicien au sein du groupe rock Moriarty, espère ouvrir le lieu à des concerts, performances, et résidences.
Avec ce site, le directeur se défend de participer à une course entre grandes fortunes qui exposent leurs collections, à l'instar de la future fondation Pinault à Paris. "Porquerolles est un lieu populaire, il y aura du public averti, mais aussi des gens qui viennent pour la plage", espère Charles Carmignac, qui affirme ne pas pouvoir chiffrer l'investissement, porté par un montage financier complexe entre sociétés.
Ouverte depuis le 2 juin, la fondation espère dépasser ses prévisions d'accueillir 30.000 visiteurs durant la saison. Elle est ouverte tous les jours jusqu'au coucher du soleil et fermera le 4 novembre pour l'hiver. L'entrée coûte de 5 à 15 euros, auxquels il faut rajouter une vingtaine d'euros pour se rendre en bateau sur l'île.