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Technologie

Smartphone : un terrain d’application massif pour le tourisme


Publié le : 31.08.2022 I Dernière Mise à jour : 31.08.2022
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Auteur

  • Dominique Hummel – Expert Tourisme

Pour choisir ses vacances, pour s’informer, réserver ou acheter ses prestations, et de plus en plus pour évaluer ou partager son expérience sur la toile, ce petit objet technologique a réinventé le tourisme

On ne l’avait pas vu venir… Les futurologues nous avaient bien annoncé l’irruption des robots (à tort), les progrès de l’intelligence artificielle ou des moyens de transport (à raison), mais aucun expert n’avait pointé le déferlement du smartphone et de son usage ! En l’espace de 10 ans, dans notre seul pays, plus de ¾ des personnes l’ont adopté et l’utilisent plusieurs heures par jour.

Et c’est évidemment sur lui que repose la possibilité d’aller encore plus loin dans le partage de l’information. Le scepticisme d’hier a cédé la place à l’unanimité enthousiaste d’aujourd’hui, puisqu’aussi bien les professionnels, les pouvoirs publics et les consommateurs auraient à gagner de cette inexorable évolution.

Il serait ridicule de contester les progrès apportés par cette innovation et prétentieux de vouloir endiguer un mouvement quasi civilisationnel. Mais faut-il rejoindre sans discernement cette croyance dans un éden numérique ? Faut-il emboiter sans lucidité le pas d’un système technique, social, économique, culturel qui fait de l’information et de son bombardement multisource, multicanal, multiusage … le remède miracle ?

Dans cette contribution il s’agit moins de déceler une « contre tendance » que de lancer quelques alertes et d’interpeller les acteurs que nous sommes tous sur ce que cette évolution construit. Car par la technique l’homme se réinvente : fait-on progresser son libre arbitre, son autonomie, sa capacité à plus de disponibilité à soi, aux autres, au monde. Interrogation générique sur l’avenir de notre espèce dira-t-on, oui, mais qui impacte de plein fouet la problématique de notre secteur d’activité, souvent aux avants postes des transformations sociales. Si le tourisme de demain doit passer par plus de sens, plus de respect, plus de responsabilité, plus d’empathie, plus de personnalisation, plus de partage, est-ce-que (et comment) ces évolutions vont lui en donner les moyens ?

L’illusion du choix

Commençons par le commencement, le pouvoir du verbe numérique.

On sait que dans le parcours clients, l’amont est la séquence qui a été la plus transformée par la toile. Près de 80 % de ceux qui cherchent leur destination y trouvent leur source d’inspiration. Formidable opportunité pour le monde de l’offre puisque n’importe qui peut être vu par un milliard d’internautes et les scores vont encore progresser ! Opportunité aussi pour le monde de la demande ? Semble-t-il puisque les utilisateurs estiment à 90 % qu’internet leur a permis de « gagner en autonomie » ?

Réalité ou illusion ? Un peu les 2 … Les informations qui nous parviennent ou … qui ne nous parviennent pas obéissent à un système de tri qui surfe à la fois sur nos désirs anticipés (« à l’insu de notre plein gré », grâce au tracking) et sur notre part d’indécision : on est sollicité par des « influenceurs », on se fait « targété », et on aime ça … 91 % des utilisateurs de Google se satisfont des propositions qui apparaissent sur la seule première page du moteur de recherche.

La toile nous piège en même temps qu’elle nous rassure et consolide nos égos en nous donnant le sentiment d’un pouvoir accru sur le monde. Ce qui inspire à Alain Damasio, auteur de SF, ce clin d’œil à George Orwell : Big Mother is cocooning us … Certes la prescription a toujours existé, mais les progrès informatiques ont non seulement permis une croissance exponentielle des propositions mais ont aussi changé leur nature. Responsables : les algorithmes de recherche. Secret bien gardé des plateformes digitales (alors que la plupart des industries sont soumises à des obligations de transparence), boostés par l’intelligence artificielle et les big data, ces algorithmes sont la nouvelle trame du monde.

Du fait de leur conception même, ils fabriquent des « bulles de filtre » axées sur nos centres d’intérêt au risque de nous enfermer dans notre groupe social de référence ou dans nos propres convictions. On change peu d’avis sur la toile qui n’est pas cette agora rêvée par ses fondateurs … Il faut donc s’imposer une stricte hygiène d’usage pour en revenir aux fondamentaux d’un web qui nous ouvre au monde et nous enrichit !

Une hygiène numérique

Dominer l’outil numérique plutôt que se laisser manipuler par lui, vaste programme ! Les règles sont assez simples à édicter mais tellement difficiles à mettre en application. Hier, l’information était rare. Aujourd’hui elle est prolixe, accessible et souvent gratuite. Mais ce qui est rare aujourd’hui c’est notre capacité à digérer ce flux et tout simplement à fixer notre attention. Notre cerveau, en surcharge de sollicitations, transforme ses habitudes et significativement sa durée moyenne de concentration. L’infobésité est l’autre défi du web. L’accumulation d’informations ne fait pas du touriste quelqu’un de mieux informé. Notre façon de lire - petite transformation insidieuse - a changé et nous a changé. On surfe en faisant défiler l’information, sans filtre, comme on déroulerait un parchemin de 141 mètres de long et cela chaque jour ! C’est d’ailleurs l’origine du mot anglais « scroll » … Certains champions dépassent même les 700 mètres par jour du côté des pays asiatiques. Notre temps d’attention se réduit alors que notre temps passé devant les écrans frise les 5 heures par jour (plus de 10 chez nos champions).

Pour les plus jeunes, la durée de concentration sur les réseaux sociaux est de 8 secondes pour un temps passé qui a doublé en 10 ans. L’OMS recommande d’ailleurs de réduire à moins d’une heure par jour l’exposition des enfants de moins de 5 ans aux écrans et de ne pas confier de smartphone aux moins de 12 ans. Restrictions que les grands patrons du web imposent au demeurant à leurs propres descendants.

Le sujet est sensible pour la jeunesse, il explose aussi dans le monde du travail occasionnant un stress intense à un Français adulte sur quatre. Il y a donc fort à parier que les propositions digitales detox pour adultes qui émergent dans les offres de séjour aient un bel avenir devant elles… N’avons-nous pas atteint le point d’inversion des courbes où le rapport avantages / inconvénients risque de basculer du mauvais côté ? La révolution numérique n’est pas seulement une révolution socio-économique, elle se révèle aussi comme une révolution anthropologique. Le smartphone en est devenu l’icône, comme une extension de nous-mêmes qui augmente nos capacités physiques et mentales. Et le domaine du voyage et des loisirs en a été transformé.

Il nous a donné un POUVOIR accru, celui de faire faire. Et cela fonctionne d’autant mieux que l’outil outille nos paresses, nous détourne de notre peur de la solitude et nous berce dans le rêve transhumaniste de l’homme augmenté.

Mais ne nous fait-il pas perdre une part de notre PUISSANCE d’agir, de faire par nous-mêmes, d’habiter le monde, d’être présent aux autres, à soi, au monde. Toutes ces facultés que nous déléguons (l’orientation, la mémoire, la manière de regarder elle-même), ne nous exposent-elles pas au risque d’une forme de dévitalisation, de perte de ce qui est sensible, vivant et donc profondément humain ? Avec pour résultat un affaiblissement de notre capacité à sortir de nous-mêmes, de nous ouvrir à la surprise, à la rencontre, et l’impossibilité de lâcher prise. Ce qui est précisément une des plus belles ambitions de l’expérience touristique !

« Les chemins nous inventent, il faut laisser vivre les pas ». La boucle est bouclée. C’est par un retour au sens profond du tourisme que chacun devra faire le bon usage du numérique pour faire le « bon usage du monde ».

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