Mercredi, c’est permis ! Thierry Beaurepère est de retour pour vous faire part de son humeur du moment. Et cette semaine, il nous parle de chant des sirènes, de Gaulois grognons et de gloutons à la digestion difficile. Tout un programme !
Quelques jours seulement après l’annonce de la mise en vente de l’ensemble Karavel/Fram, dont on ne sait encore à quelle sauce (ketchup, moutarde, gribiche/tête de veau ?) il sera mangé, c’est au tour de Kuoni de succomber au chant des sirènes. Devrais-je plutôt dire de la Lorelei, puisque l’acquéreur n’est autre que l’allemand DER Touristik ?
Il aura donc fallu un long marathon de quinze ans pour que les quatre mousquetaires - comprenez TUI, Thomas Cook, FTI et DER - avalent les tour-opérateurs français un à un, ne laissant que quelques miettes aux autres, notamment aux Chinois qui ont gobé tout cru (une tradition asiatique !) le Club Med.
Bon d’accord, dans ce meccano touristique hexagonal qui tarde à se construire, j’y perds un peu mon latin. Car après tout, Kuoni a longtemps été suisse, avant d’être français une petite poignée d’années. Et Thomas Cook est aujourd’hui côté à la bourse de Londres. Mais à ma décharge, ses actionnaires historiques (Lufthansa) et ses marques emblématiques (Neckermann) évoquent plus les rives du Rhin que celles de la Tamise.
Qu’importe ! Pour défendre notre valeureux tourisme tricolore, il ne reste aujourd’hui que quelques Gaulois, forts en gueule et grognons juste comme il faut (je sais de quoi je parle !). La palme revient à nos deux meilleurs représentants, Jean-François Rial à ma gauche et Laurent Abitbol à ma droite, chacun dans son genre ; bobo parisien tendance écolo pour le premier, provincial tendance nouveau riche pour le second… Pas de quoi décrocher une médaille d’or. Tout juste peuvent-ils prétendre à une place au pied du podium, en regardant le drapeau allemand et l’Union Jack flotter au firmament.
La rigueur anglo-saxonne tarde à porter ses fruits
Remarquez, je n’ai rien contre les étrangers qui investissent en France. Ce n’est, après tout, que le juste reflet de la faiblesse de notre tourisme émetteur. On ne peut pas, d’un côté, se réjouir quand nos entreprises du luxe rachètent les griffes italiennes ou lorsque Peugeot met la patte sur Opel et, de l’autre, s’offusquer de voir nos TO filer à l’anglaise. Cela fait partie du jeu !
Encore faudrait-il que ces gloutons n’aient pas la digestion aussi difficile. Car après des promesses vaporeuses, des dizaines de millions investis, une palanquée de salariés remerciés et des pertes cumulées qui atteignent plusieurs centaines de millions d’euros, on ne voit toujours pas l’herbe reverdir en France après le passage de Thomas Cook et TUI.
Chaque année, les deux géants nous promettent le retour aux bénéfices. Mais la "belle" rigueur anglo-saxonne tarde à porter ses fruits, au point de commencer à sérieusement énerver les états-majors de Londres et Hanovre.
DER Touristik saura t-il retenir la leçon et éviter les erreurs de ses aînés ? Le groupe de Cologne prétend débarquer dans l’Hexagone sur la pointe des pieds. On ne change pas une équipe qui gagne et le staff de Kuoni, les marques comme les méthodes, devraient rester en place, tout au moins ces trois prochaines années. On a envie de les croire, comme on a crû TUI lorsque ses dirigeants nous ont expliqué que le rachat de Marmara ou de Vacances Transat serait créateur de valeur ! Affaire à suivre …