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Economie

Aux États-Unis, la débâcle de SVB devrait être un problème isolé


Publié le : 14.03.2023 I Dernière Mise à jour : 14.03.2023
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Auteur

  • Patrick Gautier

L'affaire laisse quand même une impression malsaine. D'un point de vue pragmatique, trois banques américaines ont fait faillite en deux semaines

Silvergate, certes une banque crypto, puis SVB et Signature, deux établissements aux profils atypiques, mais avec des dépôts conséquents. Il s’agit d’une crise de liquidité typique liée à :

  • Une mauvaise gestion actif-passif
  • Un passif faiblement diversifié
  • L'absence de couverture des risques de taux d'intérêt à l'actif du bilan

Bien qu'il soit lié à des sujets macroéconomiques plus larges (assèchement du financement pour les entreprises du secteur de la Tech, clientes de SVB, fuite des déposants obligeant la banque SVB à vendre des actifs à perte), le problème de SVB reste, à notre avis, isolé. Nous pensons que la Fed a mis en place un dispositif de cantonnement crédible pour éviter les problèmes systémiques. Cela devrait permettre de s'assurer que la faillite de SVB reste un cas isolé.

Les autorités ont dû sortir du bois pour rassurer tout le monde

L'affaire est suffisamment grave pour qu'elle pèse sur la politique monétaire. Les paris de hausse de taux de 50 points de base lors de la prochaine réunion de la Fed, la semaine prochaine, se sont évaporés. Le marché n'entrevoit plus qu'un tour de vis de 25 points de base, et quelques économistes pensent déjà que la Fed ne fera rien, pour éviter d'autres SVB. C'est le cas de Goldman Sachs, qui estime dans un papier publié hier que la banque centrale américaine sera forcée de passer son tour le 22 mars.

Sur le plan de l’économie : Les risques de récession restent modérés à court terme

Les prévisions de bénéfices continuent d'être revues à la baisse aux États-Unis, mais pas en Europe. Le consensus ne prévoit désormais aucune croissance des BPA aux États-Unis en 2023 par rapport à 2022, mais s'attend toujours à une croissance des BPA de 1,5 % en Europe. La confiance des chefs d'entreprise semble amorcer un rebond aux Etats-Unis. Dans l'ensemble, avec le récent repli des indices de référence, nous avons maintenant un potentiel de hausse de près de 10 % aux États-Unis d'ici la fin de l'année (objectif pour le S&P 500 à 4 250) et de 7,5 % en Europe (objectif pour le STOXX Europe 600 à 490).

 

Record du CAC…Attention la hausse ne se fera pas en ligne droite !

Mon dernier point marché s’intitulait « 2023 : Normalisation de l’Inflation ? Faut-il être earning Bulls ou Bears ? » Et nous avions conclu : « À ce stade, nous nous sentons à l'aise avec ce scénario haussier pour le T1-23, avec une saison de bénéfices probablement meilleure et de meilleures données sur l'inflation. »

Pour autant…. Cette hausse ne se fera pas en ligne droite….

Retournons quelques instants dans le passé :

Quand l’économie mondiale a été frappée par une première vague d’inflation en 2021, les banques centrales, sauf rares exceptions, n’ont pas réagi, car ce choc des prix était vu comme réversible par lui-même. Les confinements soudains, les réouvertures presque aussi rapides, les mesures d’aide aux ménages et aux entreprises, toutes ces perturbations associées à la pandémie n’avaient pas vocation à se prolonger, mais au contraire à disparaître.

De fait, on constate aujourd’hui que les délais de livraison des marchandises sont revenus à la normale, que les pénuries de tel ou tel bien sont en large partie surmontées et que les prix de matières premières sont pour la plupart redescendus de leur pic.

Toutefois, quand une deuxième vague d’inflation s’est profilée au début de 2022, les banques centrales ont presque toutes engagé un revirement rapide de leur politique monétaire. Ce deuxième choc de prix – se manifestant alors que le premier n’était pas encore résorbé – leur avait fait craindre que l’économie bascule dans une situation de spirale inflationniste comparable aux années 1970.

Tout au long de l’année 2022, les banques centrales des pays développés ont donc resserré leur politique à un rythme qu’on n'avait jamais (ou rarement) vu par le passé. Elles ont ralenti ce rythme ces dernières semaines, mais la tendance reste orientée vers le haut. Au total, en moins de douze mois, la Fed a relevé ses taux directeurs de 450 points de base, la BCE de 300 points de base, etc. (graphe)

Et maintenant que vont faire les banques centrales ?

Il est temps pour les banques centrales de faire le point pour déterminer la suite de leurs actions.

  • Ont-elles suffisamment pesé sur la demande pour calmer les tensions inflationnistes ?
  • Ont-elles trop durci leur politique au risque de provoquer une récession ?
  • Peut-on d’ailleurs réussir à maîtriser l’inflation sans casser la croissance ? Telles sont les questions essentielles.

Dans l’ensemble, l’activité économique a mieux résisté que ce qu’on ne pouvait craindre. Les marchés du travail restent solides, affichant des taux de chômage au plus bas depuis des décennies. Les Etats-Unis ralentissent mais ne sont pas en récession. L’Europe est proche de la stagnation, mais en l’absence de blackouts cet hiver, il n’y a pas eu de sévère contraction de la production. Dernièrement, avec les espoirs que fait naître la réouverture de la Chine, il y a une petite éclaircie sur les perspectives.

En janvier, pour la première fois en un an, le FMI a ainsi rehaussé sa prévision de croissance mondiale. La révision est certes minime (+0.2 point en 2023, de 2.7% à 2.9%, après +3.4% en 2021), mais son sens est symbolique.

Dans ces conditions, les banques centrales abordent une phase critique où il faut mettre en balance le scénario d’un durcissement excessif, qui viendrait ruiner la résistance de l’économie, et le scénario d’un arrêt trop précoce, qui risquerait de raviver les tensions inflationnistes. Le problème ne se pose pas exactement dans les mêmes termes dans toutes les zones.

La Réserve fédérale américaine aborde les toutes dernières étapes de son cycle de resserrement. La vue médiane du comité de politique monétaire est qu’il reste encore deux hausses de taux de 25 points de base, avant de faire une pause, le temps de confirmer la convergence de l’inflation vers sa cible. En l’absence d’une récession, un assouplissement monétaire rapide paraît peu probable. C’est pourtant l’attente d’une large partie du maché. A l’opposé, si les tensions salariales restent vives, la Fed aurait toute raison de garder une politique restrictive, voire de la durcir davantage.

La Banque centrale européenne a beaucoup moins de motifs de satisfaction que la Fed

Le repli de l’inflation est plus récent qu’aux Etats-Unis. Il s’amorce depuis un niveau plus élevé. Il est surtout limité pour l’instant aux seuls prix de l’énergie, une composante qui ne dépend pas des décisions de la BCE. Le pic d’inflation n’est pas encore atteint en ce qui concerne les produits alimentaires, ni les biens manufacturés, les services ou les salaires.

En zone euro, la désinflation est un espoir, une projection, pas encore une réalité. De ce fait, le ton de la BCE reste restrictif. Les hausses de taux vont se poursuivre à un rythme soutenu, et aucune pause ne se dessine avant la mi-année au plus tôt.

A l’exception du Japon, seul pays où la politique n’a pas été durcie l’an dernier, les autres pays développés approchent également de la fin du cycle de resserrement monétaire. Là encore, l’inflation reste éloignée de sa cible.

En somme, au-delà des spécificités de chaque pays, le point commun est que les politiques monétaires sont désormais restrictives presque partout et vont le rester pour un bon bout de temps. C’est un changement d’ère. Depuis la crise financière de 2008, on était habitué à des politiques stimulantes ou ultra-stimulantes. Nulle part aujourd’hui, on ne sent un grand appétit pour faire machine arrière.

Alors pourquoi le CAC 40 a battu son record historique de 7.384 points atteint lors de la séance du 5 janvier 2022 ?

C’est le 16 février 2023 sur les coups de 11h30, que le CAC 40 a battu son record historique de 7384 points atteint lors de la séance du 5 janvier 2022.

Les investisseurs ont-ils perdu la raison ?

En réalité, cette performance est logique même si elle ne doit pas masquer des fragilités à court terme. La phase de hausse des marchés a commencé, selon les zones géographiques, il y a plus de quatre mois, soit entre fin septembre et mi-octobre 2022. Ce n’est donc pas une réaction épidermique de court terme, largement déclenché par des éléments purement techniques, au sein d’une longue phase de marché baissier (le célèbre « bear market rallye »), mais un mouvement puissant qu’il convient d’analyser.

Trois moteurs ont été à l’œuvre durant cette période.

1- Le premier est celui de la désinflation :

À partir du quatrième trimestre, la baisse accélérée des prix des matières premières, celle du fret et la baisse continue des prix à la production en Chine ont permis d’alléger les craintes sur une prolongation des tensions inflationnistes post-CoVid. D’autant plus que les anticipations d’inflation inclues dans les enquêtes auprès des ménages et des entreprises, ont également montré une nette décélération.

2- Le second moteur est la résistance :

Des deux côtés de l’Atlantique, l’emploi, la consommation et plus largement le secteur des services, qui, conjugué à un hiver doux en Europe, a permis d’écarter le scénario d’une rapide plongée de l’activité économique. Et de conforter a contrario celui d’un atterrissage en douceur.

3- Le troisième moteur, celui qui s’est allumé en fin d’année dernière et a permis aux indices de retrouver de la vigueur après le coup de froid de mi-décembre, est la réouverture de la Chine :

Les entreprises pouvant potentiellement profiter du retour en force du consommateur chinois ont alors porté les indices, à l’image du luxe français ou de l’industrie allemande. Les investisseurs sont, dès lors, passés du scénario d’atterrissage en douceur (« soft-landing ») à pas d’atterrissage du tout (« no-landing »).

Alors c’est quoi les Challenges qui brouillent la lisibilité de l’environnement de marché et doivent prévenir toute euphorie ?

1- Le premier challenge est géopolitique :

Les tensions sont fortes dans trois zones géographiques très importantes pour l’économie mondiale.

L’Asie bien sûr, avec une pression chinoise qui ne se dément pas sur Taiwan et dans un contexte diplomatique rendu très difficile par l’affaire des ballons d’observation (empêchant de retisser sereinement les fils du dialogue avec les Etats-Unis).

L’Europe évidemment, où la Russie pourrait avoir rapidement la tentation de l’escalade pour éviter une humiliation militaire.

Mais aussi et surtout le Moyen Orient, alors que le triangle d’instabilité Iran-Arabie Saoudite-Israël n’a jamais semblé aussi incandescent dans une région critique pour un système énergétique mondial déjà tendu.

2- Le deuxième challenge est économique :

Le scénario de « no-landing » ne peut se matérialiser que si, d’une part, la Chine parvient à stabiliser puis à relancer son secteur immobilier, et d’autre part, si le secteur manufacturier américain évite un ralentissement trop prononcé.

Or ces deux conditions sont loin d’être remplies. En Chine, les crédits immobiliers ne décollent pas et la priorité est d’achever les constructions arrêtées pour rebâtir la confiance des ménages. Aux Etats-Unis, le dernier indice ISM des directeurs d’achats dans le secteur manufacturier, à 42,5 pour la partie « nouvelles commandesؘ » n'incite pas à l’optimisme, et l’indicateur d’activité de la Fed de Philadelphie du 17 février, à -24, va dans le même sens.

3- Le troisième challenge tient à l’attitude des banques centrales dans ce contexte incertain :

Comme expliqué en première partie, tous les regards sont tournés vers les possibles hausses de taux à venir. Au-delà du seuil psychologique des 6% - celui qui avait précédé le Krach d’octobre 1929 et celui des valeurs technologiques en mars 2000, ainsi que le plongeon du Nikkei en 1990 – c’est plutôt du côté des bilans de ces institutions qu’il faut être vigilant.

La Fed comme la BCE ont déjà commencé à réduire fortement leurs actifs en portefeuille, et le rythme va aller croissant ces prochains mois. Le marché s’y est habitué. Mais il va désormais falloir intégrer le changement inéluctable de cap de la BoJ (Banque centrale du Japon).

Le remplacement annoncé de Haruhiko Kuroda par Kazuo Hueda à la tête de la banque centrale nippone, à partir du 1er mars prochain, coïncidera en effet selon toute vraisemblance avec la fin de la politique de soutien tous azimuts et d’achats massifs sur le marché. Déjà, les banques et institutions financières de l’Archipel ont anticipé le mouvement en s’allégeant de plus de 100 milliards de dollars d’obligations étrangères par semaine depuis le 1er janvier.

Cette nouvelle donne devra être absorbée par les investisseurs : l’ère de la liquidité ultra abondante est bien terminée et le dernier soutien va abdiquer.

Malgré le record du CAC, tout n’est donc pas rose sur les marchés.

Cependant nous restons constructifs, car notre scénario demeure celui d’une croissance positive de l’activité mondiale, couplée à une rapide désinflation, en particulier aux Etats-Unis. Mais cette hausse ne se fera pas en ligne droite et certains épisodes de volatilité traditionnels pourraient se produire avant de nouveaux sommets.

Patrick Gautier Conseil en Gestion de Patrimoine

 

 

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