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E-tourisme

INTERVIEW. John-Lee Saez : "Kayak doit s'enraciner dans chaque marché"


Publié le : 07.12.2016 I Dernière Mise à jour : 07.12.2016
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John-Lee Saez, Dg de Kayak France, Espagne et Autriche. © Kayak I Crédit photo

En Frenchy mâtiné de pragmatisme anglo-saxon, le directeur général de Kayak France, Espagne et Autriche explique les évolutions du comparateur pour Tour Hebdo

John-Lee Saez a l’enthousiasme contagieux. Dans le décor du Café de la Paix dans le quartier de l’Opéra à Paris, il raconte avec le sourire et l’œil qui pétille ses débuts très romanesques dans les affaires. On apprend qu’il a scellé son avenir professionnel en sauvant de la noyade un entrepreneur autrichien emmêlé dans les filins de son kitesurf au large de Miami. 

Le début d’une carrière dans le e-tourisme que le jeune Français, issu d’une famille cosmopolite installée en région lyonnaise, se plaît à restituer pour donner le ton : derrière le story-telling, on devine d’emblée l’envie de saisir les opportunités, de donner la mesure d’un sens aigu du business, de vivre vite et fort…

Sous les codes de la réussite à l’américaine, le dirigeant laisse poindre une sensibilité européenne et une vraie connaissance de ses différentes spécificités. Bien qu’avare de chiffres (entreprise cotée oblige), John-Lee Saez tente de compenser les ellipses en faisant preuve de pédagogie : nous aurons notamment droit à une simulation des requêtes entre la plate-forme technologique de Kayak et les prestataires à l’aide de ce qu’il a sous la main, croissants, verre de jus d’orange, iPhone ! Rencontre avec un trentenaire pressé mais qui prend le temps de se faire entendre…

Tour Hebdo : Kayak vient de lancer de nouvelles fonctionnalités permettant de réserver des activités et du transport en train. Quels sont les enjeux ?
John-Lee Saez : Ce sont effectivement les dernières nouveautés produits lancées en 2016. Il s’agit de trouver les bonnes solutions pour intégrer la multitude de nouveaux entrants dans le domaine ferroviaire, mais aussi les bus, le covoiturage et la location collaborative avec des acteurs comme BlaBlaCar ou Drivy. La difficulté est d’intégrer ces opérateurs dans les bonnes "verticales". On ne va pas créer une verticale BlaBlaCar, cela n’aurait pas de sens. En revanche, le covoiturage peut être comparé à une offre de train, ce sont des offres concurrentes.

THO :
 Quel est l’objectif stratégique de Kayak face aux autres grandes plates-formes mondiales ?

J.-L.S. : La vision de Kayak, à la base, est de proposer les fonctions de recherche et de réservation. On a ajouté deux mots-clés, qui sont la planification et la gestion du voyage. En amont même de la recherche, l’outil "Explore" est là pour inspirer, en appliquant des filtres à travers des outils ludiques comme une grosse mappemonde avec des drapeaux et des prix. Le client peut choisir un certain nombre de critères, comme la saison, le budget maximum, le nombre d’heures d’avion, etc. Et on lui fait des propositions. Ensuite, une fois que la ou les réservations sont faites, on peut accompagner le client dans son voyage avec l’outil MyTrip. C’est une sorte d’assistant virtuel qui organise pour vous toutes vos réservations…

THO : Comment cela fonctionne-t-il ?
J.-L.S. :
Lorsque vous avez effectué toutes vos réservations, que ce soit sur le site de Kayak ou ailleurs, vous avez des numéros de résas, des adresses, des papiers dans tous les sens. Vous pouvez tout envoyer à MyTrip via Kayak.com : un ordinateur va lire les informations et vous simplifier l’ensemble du voyage. On vous indique à quelle heure vous devez être à tel endroit, votre numéro de porte à l’aéroport, on vous donne plein d’astuces et la possibilité de réserver des services sur place, comme un transfert avec Uber, qui est intégré dans l’application. Les services nous permettent d’être présents auprès du client durant toute la durée de son voyage, en lui donnant également la possibilité de donner des notes, de poster des commentaires et des avis…

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THO : Où en êtes-vous en matière de chatbots (conciergerie robotisée) ?
J.-L.S. :
La technologie est déjà disponible, mais pas encore déployée en France. Nous développons trois partenariats : via les bots de Facebook, Slack (messagerie instantanée intra-entreprise) et Alexa d’Amazon…

THO : Qui considérez-vous comme vos concurrents sur le marché français ?
J.-L.S. :
Les comparateurs les plus connus en France, bien évidemment Easyvoyage et qui fonctionne désormais sous marque blanche avec Liligo. Depuis quelque temps, puis le rachat par Webedia, Easyvoyage a quelque peu abandonné la course à la technologie pour se concentrer sur le contenu. Ensuite, il y a Liligo à proprement parler, qui dispose de financement depuis qu’ils sont entrés dans le giron d’Odigeo et qui continue l’offensive sur le marché français. Face à cette offre, Kayak, en tant que leader en terme de technologie, est un peu copié. On est passé d’un statut de challenger il y a cinq ans à une force de frappe de leader aujourd’hui. On a mis les ressources sur le marché pour y arriver…

THO : Kayak a investi des moyens importants en France pour développer sa notoriété, notamment en télévision. On parle de 40 millions d’euros par an. Quel est le rythme d’investissement prévu dans les prochains mois et années ?
J.-L.S. :
Ce sont des chiffres que je ne peux pas partager, car nous sommes cotés en bourse et faisons partie du groupe Priceline depuis 2013. Nous ne citons ni les chiffres de Kayak en France, ni ceux de Kayak en général. Seul Priceline est habilité à communiquer, mais les chiffres globaux n’ont pas de sens pour le marché français. Sachez juste que les investissements réalisés ces dernières années devraient se maintenir, ni plus ni moins. 

 

« La monétisation sur mobile est compliquée : on convertit deux fois moins que sur ordinateur. »

 

THO : Vous évoquez le rachat de Kayak par Priceline. Qu’est-ce que cela a changé pour Kayak d’être intégré dans ce géant du voyage au niveau mondial ?
J.-L.S. :
On a surtout accès à beaucoup d’informations sur les différents marchés internationaux. Nous étions tous très focalisés sur les Etats-Unis et l’Europe, désormais nous avons une vue plus globale de nos axes de développement à l’international. Le deuxième aspect, c’est bien sûr les moyens financiers à disposition, notamment les budgets marketing. Par rapport à nos investissements de départ, c’est quasiment illimité. Le groupe est très puissant dans ce domaine : sous l’impulsion d’une de nos autres marques, Booking.com, qui est l’un des plus gros annonceurs dans les campagnes PPC [pay per clic, ndlr], Priceline a créé sa propre plate-forme marketing, la plus performante du monde, que nous pouvons intégrer. En termes d’avantages, cela fait déjà beaucoup !

THO : Quelles sont les autres éventuelles synergies avec les autres marques de Priceline ?
J.-L.S. :
Nous fonctionnons tous en filiales indépendantes. Le groupe Priceline essaye vraiment de nous maintenir en situation de compétition. Nous échangeons sur les axes stratégiques de développement, mais concernant l’acquisition client, là, c’est la guerre !

THO : On observe que les grandes OTA ou les grands comparateurs ont vocation à intégrer tous les segments du voyage, même s’ils sont spécialisés à la base. Booking.com a-t-il aussi vocation à vous concurrencer sur tous les segments du voyage ?
J.-L.S. :
Je ne suis pas porte-parole de Booking.com, mais vue de l’extérieur, la vocation est vraiment la guerre du contenu avec la vocation de proposer l’offre la plus exhaustive d’hébergements possible. Comme pour Kayak, c’est sur le contenu que nous faisons la différence avec nos concurrents. Booking.com est l’agence de voyages qui a le plus d’hôtels aujourd’hui, et l’évolution est constante, même si des nouveaux entrants comme Airbnb ou HomeAway ont un peu chamboulé le paysage. ­Aujourd’hui, il existe un partenariat entre Booking.com et ­HomeAway pour intégrer ces nouvelles offres de locations de vacances. C’est la priorité de Booking.com : augmenter le volume de contenu afin que le client soit certain de trouver l’offre qu’il recherche. Par ailleurs, en termes de communication, ils se mettent à investir les canaux classiques, comme la télévision, à côté de l’achat de mots-clés. 

THO : Dans ce contexte, Kayak veut-il garder sa spécificité de comparateur de vols qui a fait sa force à l’origine, ou souhaite-t-il être reconnu comme généraliste ?
J.-L.S. :
Sur la page d’accueil du site, ce n’est pas le vol qui apparaît en premier, mais l’hôtel. Notre message est de dire : "Tout ce que vous avez aimé sur le produit vol, on le fait sur les autres produits du voyage", notamment en matière de séjours et d’hôtels. Le produit train n’est pas encore au niveau où je le souhaiterais, mais si l’on attend que le produit soit vraiment abouti sur Internet, on ne se lance jamais !

THO : Quel bilan tirez-vous des réservations sur mobiles ?
J.-L.S. :
Un tiers du trafic provient du mobile au niveau des réservations mondiales, et il atteint même 50 % dans certains pays comme l’Espagne ou l’Italie. Le Brésil bat tous les records. Mais l’on ne convertit pas aussi fortement que sur ordinateur, de l’ordre de deux fois moins. La monétisation du mobile est compliquée. Si l’on tenait compte uniquement de la monétisation, cela signerait l’arrêt pur et simple du mobile ! On travaille à des solutions pour réduire au maximum le chemin de réservation. Plus le temps de transfert entre notre système et les partenaires est court, plus le taux de transformation est bon, c’est pourquoi nous poussons un système simplifié en marque blanche, qui implique que la réservation se fasse chez nous. 

THO : Les partenaires ne sont-ils pas réticents à mettre en place ce type de réservations ?
J.-L.S. :
Ils perdent effectivement en visibilité, mais le taux de transformation est doublé car le temps de transfert passe de neuf minutes à trois. Une autre solution, "Save for later", consiste à effectuer la recherche sur mobile pour concrétiser l’achat sur ordinateur…

THO : Au-delà de la technologie, quelle est votre approche en termes de contenus éditoriaux, que vous avez plutôt délaissés jusqu’ici ?
J.-L.S. :
Les choses changent chez Kayak. Avant, nous ne voulions pas entendre parler des contenus éditoriaux ni des réseaux sociaux. 70% de nos effectifs mondiaux sont des ingénieurs, analystes, statisticiens, programmeurs, etc. On se dit entreprise technologique avant d’être comparateur de voyages. Tout ce qui concernait les contenus, on n’y croyait pas trop. Mais après avoir exploité les autres canaux d’acquisition, on se rend compte qu’on est très puissant en termes de visiteurs, mais que l’on n’est pas du tout connecté à nos utilisateurs. On a rectifié le tir en embauchant une équipe de journalistes basée à Berlin, un responsable des réseaux sociaux, un autre pour notre blog… La stratégie est en place, et elle sera déployée en 2017. C’est un changement majeur pour nous.

En chiffres :

Résultats : Priceline, la maison mère américaine de Kayak, ne publie pas les résultats par marque. Pour l’exercice clos au 31 décembre 2015, le groupe Priceline a annoncé un chiffre d’affaires de 9,2 milliards de dollars pour un résultat d’exploitation de 3,2 milliards, et un résultat net de 2,5 milliards (soit 2,5 fois plus qu’en 2011). 

Données disponibles pour Kayak

Nombre de requêtes annuelles : 1,5 milliard.

Nombre de visiteurs annuels sur le site : 100 millions.

Nombre de téléchargements de l’appli : 5 millions.

Nombre de bureaux dans le monde : 8.

Nombre de langues de traduction du site : 21.

Propos recueillis par Virginie Dennemont

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