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INTERVIEW. Marion Carrette : "OuiCar doit s'intégrer dans la chaîne du voyage"


Publié le : 14.01.2016 I Dernière Mise à jour : 14.01.2016
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I Crédit photo © Jean-Philippe Glatigny / Visavu pour Tour Hebdo.

La fondatrice de la start-up OuiCar, Marion Carrette, nous a reçus en novembre dernier dans ses locaux au cœur de Silicon Sentier, le temple du digital à Paris.

Tour Hebdo : Comment vous est venue l’idée de OuiCar ?
Marion Carrette : Je me rendais en train à Marseille en pensant trouver un copain sur place pour me déposer ou une voiture à louer. Mais personne n’était disponible et les cinq ou six agences de location n’avaient plus de véhicule. Me retrouver face à un parking où dormaient 300 voitures de particuliers m’a paru complètement idiot. L’idée est née comme ça. On s’est vite dit que c’était valable aussi pour une perceuse et tous les objets qui dorment chez nous. On a commencé par créer Zilok en 2007, un site de location entre particuliers. Comme la voiture était ce qui marchait le mieux, on l’a isolée en créant un site dédié, Zilok Auto, en 2012, que l’on a renommé OuiCar début 2013.

THO :
Quel est l’intérêt pour un utilisateur d’avoir recours à OuiCar ?

M.C. : L’idée est de proposer à des gens qui ont une voiture de gagner un peu d’argent en la louant près de chez eux. Et à des locataires qui n’ont pas forcément de voitures d’en trouver une à louer pour un prix très attractif, tout près de chez eux et à toute heure si le propriétaire est d’accord. Le propriétaire gagne de l’argent et le loueur loue moins cher.

THO :
L’aspect financier est donc la motivation principale ?

M.C. : Nos propriétaires se disent qu’ils vont pouvoir rentabiliser leur voiture en couvrant des frais comme l’essence, l’assurance, etc. Pour les locataires, on note aussi que la proximité leur plaît beaucoup. Sur le site, le moteur de recherche permet de cibler une adresse précise. Nous avons 500 000 membres et 30 000 voitures, soit à peu près l’équivalent de la flotte d’Avis ou Hertz, même si nos voitures ne sont pas disponibles tout le temps puisque les propriétaires les utilisent aussi. Mais chez les loueurs, les voitures sont concentrées sur 300 à 500 agences ; chez nous, elles sont disséminées sur tout le territoire. Quand on a des enfants, une ou deux valises, cela peut être beaucoup plus pratique que d’aller en agence.

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THO : Qu’est-ce qui empêche un locataire et un propriétaire qui habitent à proximité l’un de l’autre de se passer de la plate-forme OuiCar dès la deuxième réservation ?
M.C. : L’assurance est pour nous un facteur clé pour éviter le copinage. La plupart des contrats de location classique excluent la location entre particuliers et toute forme de monétisation de la voiture.

THO :
Quel est votre modèle économique ?

M.C. : Nous prenons une commission de 30 % sur la transaction. À chaque fois qu’un locataire réserve en ligne, il paye la totalité du prix sur le site Internet ou sur les applis et OuiCar reverse 70 % au propriétaire chaque mardi par virement. La moitié de notre commission est consacrée à l’assurance. Au final, il nous reste environ 15 % pour faire vivre la plate-forme.

THO :
La moitié de votre chiffre d’affaires est consacrée à l’assurance, est-ce viable ?

M.C. : C’est beaucoup. Nous avons mis deux ans à trouver une solution, car il a été vraiment compliqué de convaincre un assureur. L’enjeu est d’essayer de réduire nos frais dans ce domaine, d’autant que parallèlement les voitures sont déjà assurées à l’année par les propriétaires.

THO :
Vous avez récemment déclaré ne pas viser les profits à court terme. À quelle échéance serez-vous rentable ?

M.C. : On vise la rentabilité en 2017. On pourrait atteindre l’équilibre plus rapidement, mais nous sommes plutôt dans une phase d’investissement fort et de croissance.

THO :
Y a-t-il une urgence à préempter le marché ?

M.C. : Nous sommes deux acteurs de taille équivalente à investir sur ce marché. C’est donc à celui qui accélérera le plus vite. Notre concurrent [Drivy, ndlr] est déjà parti à l’international, alors que nous pensons qu’il est trop tôt. Ils ont levé beaucoup d’argent aussi, mais hormis notre force de frappe financière très importante, nous avons l’opportunité de nouer des partenariats industriels qu’ils ne pourront pas répliquer. On est à la fois dans un marathon sur plusieurs années et une course de vitesse. La complexité consiste à convaincre le maximum de propriétaires de voitures de nous rejoindre… Nous aurons atteint la taille critique à 100 000 voitures.

 

« L’expérience client doit passer avant tout. […] Il faut qu’elle soit très simple, fluide, sans aucune friction. »


 

THO : La SNCF a pris 75 % du capital de OuiCar et investi 28 M€ en juin dernier. Sur quels chantiers vont se concentrer les investissements ?
M.C. : Aujourd’hui, l’équipe compte 30 personnes, et l’on aimerait en recruter 15 de plus rapidement, notamment sur la partie technique. Mais il est difficile de recruter des développeurs, du fait de la concurrence féroce à Paris sur le digital, avec l’arrivée de certains acteurs américains qui débauchent les gens grâce à des salaires parfois 20 % supérieurs. L’autre priorité, c’est de faire connaître la marque car aujourd’hui nous sommes tout petit, alors que le marché de la location en France est le plus gros d’Europe. La part des besoins personnels dans ce domaine, hors BtoB, représente environ 1,5 Md€, dont seulement 1 % pour le CtoC [marché entre particuliers, ndlr]. On a un potentiel de croissance énorme. Après avoir multiplié l’activité par quatre l’an dernier, nous sommes en passe de la multiplier par trois cette année.

THO :
Quelles sont vos priorités en matière d’amélioration de services ?

M.C. : L’expérience utilisateur doit passer avant tout. Quand on propose un service disruptif, il faut que tout soit très simple, fluide, sans aucune friction. On est en train de dématérialiser ce qui relève des contrats, de l’état des lieux… pour pouvoir tout faire sur son smartphone. On veut déployer tout cela sur notre marché avant d’aller à l’international. Dans la mesure où tout doit être décliné à la fois sur le site Web, le site mobile, et les applications iPhone, Android et Apple Watch, et multiplié par le nombre de langues, cela peut vous ralentir énormément.

THO :
Dans quel pays pensez-vous pouvoir dupliquer votre modèle le plus facilement, et à partir de quand ?

M.C. : L’international viendra courant 2016. Il y a des facteurs clés de succès en France que l’on recherche ailleurs, comme le fait d’avoir beaucoup de congés, d’être à la fois proche de la mer, de la campagne et de la montagne, de bénéficier du TGV qui permet d’aller très vite, très loin et nécessite de disposer d’une voiture sur place. Les difficultés économiques combinées au prix élevé de la location à la journée, de l’ordre de 52 € en France contre 25 € en Angleterre par exemple, jouent aussi. Par ailleurs, on a la chance sur le marché français d’être à la pointe sur la consommation collaborative, illustrée par le succès du Bon Coin, Airbnb ou BlaBlaCar, et sur la mobilité, avec les Autolib’ et les Vélib’. L’Espagne présente des similitudes. On regarde l’Europe du Sud, l’Europe du Nord. En revanche, pour des raisons différentes, nous n’ambitionnons pas pour l’instant de nous lancer en Allemagne ou aux États-Unis…

 

« Le jour où l’on sera présent à chaque coin de rue, on aura vraiment disrupté le marché et changé les comportements. »

 

THO : La marque OuiCar sera-t-elle celle utilisée à l’international ?
M.C. : On se pose beaucoup de questions là-dessus. C’est en réflexion…

THO :
Quelles évolutions observez-vous dans votre activité en termes de tendances de consommation et d’usages ?

M.C. : Aujourd’hui, nous sommes très proches des usages de la location classique. Le jour où l’on sera présent à chaque coin de rue, on aura vraiment disrupté le marché et changé les comportements, dans le sens où l’on pourra louer une voiture à toute heure sans avoir trop anticipé. Aujourd’hui, on est encore sur de la planification de week-ends et de séjours, même si la location traditionnelle est déjà elle-même une activité de dernière minute : 75 % des locations se font à moins d’une semaine, dont 25 % moins de 24 heures à l’avance.

THO :
Est-ce que OuiCar se vit plutôt comme un acteur de la consommation collaborative ou de la chaîne du voyage ?

M.C. : On se sent plutôt appartenir à l’Internet et la consommation collaborative, mais il est évident que l’on devrait plus réfléchir en termes de voyage, en donnant des idées de week-ends, dans la mesure où deux tiers de nos locations se font sur le loisir. L’étape suivante sera d’intégrer OuiCar dans la chaîne du voyage en nous associant à des acteurs du loisir ou des vacances. On a commencé, mais au sein de notre univers, avec Airbnb…

THO :
Quel modèle économique envisagez-vous avec ces acteurs ?

M.C. : Dans ce domaine, on parle souvent de partage de revenus. Il s’agirait de s’intégrer dans des parcours car la voiture n’est pas la première chose à laquelle on pense dans l’organisation du voyage. À ce titre, le train est essentiel pour nous : avec le logement, c’est ce que l’on réserve en premier. À l’inverse, les solutions de mobilité permettent aussi d’attirer les gens vers le train, c’est la raison pour laquelle la SNCF s’intéresse à nous. Il y a 3 000 gares en France, dont seulement 150 disposent d’une agence de location traditionnelle, soit 2 850 gares où il n’y a pas de solution.

THO :
L’offre OuiCar pourrait-elle intégrer celle de Voyages-sncf.com ?

M.C. : On y travaille ! Ce n’est pas évident car la SNCF a un gros partenariat avec Avis, qui rapporte beaucoup d’argent. Il faut donc préserver cela, même si Avis n’est pas présent dans la plupart des gares…

THO :
Quand on est une start-up, n’est-il pas difficile, notamment en termes d’agilité, de se retrouver dans le giron d’une grande maison historique comme la SNCF ?

M.C. : Non, car on a bien mis les choses au clair au départ et la SNCF est bien consciente de ses limites. On reste une start-up. Aujourd’hui, cela ne change rien, nous sommes dans nos locaux, nous avons des décideurs de la SNCF au conseil d’administration, qui nous ouvrent des portes, comme Hervé Richard, en charge du "porte-à-porte". La SNCF est plutôt un facteur clé de confiance qui permet de rassurer les utilisateurs. Et puis, Marc Simoncini, au capital de OuiCar depuis le début, veille au grain… La SNCF ne m’a pas encore imposé un directeur général. Ils savent que si c’était le cas, je ne resterais pas longtemps ! (Rires)…

OuiCar en chiffres :

Nombre de membres OuiCar : 500 000. 

Nombre de voitures disponibles : 30 000, avec un objectif d’atteindre 100 000 voitures d’ici 2018.

Comptes 2014 : non déposés. Créée en 2009, la société Zilok Auto, rebaptisée OuiCar en 2012, ne dépose pas ses comptes, trop stratégiques dans une phase de conquête
de marché face au concurrent Drivy, assure la fondatrice.

Modèle : le chiffre d’affaires est constitué des commissions de 30 % sur le prix de la location, dont la moitié est reversée à l’assureur. Reste 15 % pour faire tourner la plate-forme.

Actionnariat : la SNCF annonce en juin 2015 qu’elle investit 28 M€ dans OuiCar et prend 75 % du capital, aux côtés des fonds historiques (Jaïna Capital, le fonds d’investissement de Marc Simoncini, et Ecomobility Ventures).

Propos reccueillis par Virginie Dennemont

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