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Economie

Partenariats et rachats dans le tourisme : les dessous de la méthode chinoise


Publié le : 12.01.2016 I Dernière Mise à jour : 12.01.2016
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I Crédit photo © Fotolia.com

Les investisseurs chinois se positionnent pour offrir à leurs compatriotes une expérience de vacances "Made in France". Comment travaillent-ils avec les Français ? Tour Hebdo a enquêté.

Depuis que le gouvernement chinois a décidé d’ériger en priorité le développement du tourisme intérieur, les opérateurs ou les capitaux chinois prennent leurs marques pour offrir à près de 2 milliards d’habitants la possibilité de vivre le tourisme en version française. Ces nouveaux partenaires ont noué des partenariats ou racheté des entreprises françaises du tourisme pour s'offrir, à leur manière, leur savoir-faire. Comment travaillent-ils chez Louvre Hotels, le Club Med, Pierre & Vacances, ou encore Huttopia?

L’aventure a commencé il y a seulement quatre ans. Jin Jiang International et Louvre Hotels signent en 2011 un partenariat commercial inédit dans le secteur du tourisme. Le groupe français et son homologue chinois s’allient pour favoriser ensemble l’accueil des Européens en Chine et celui des Chinois en France.

30 établissements (15 Campanile en France et 15 hôtels Jin Jiang Inn en Chine) sont sélectionnés pour porter la double enseigne et offrir réciproquement des produits et services dédiés aux voyageurs à destination. Le succès est au rendez-vous et ouvre rapidement l’appétit de Jin Jiang. "Les premières discussions ont porté sur des participations croisées pour se garder toutes les options ouvertes, mais Starwood Capital [propriétaire à l’époque de Louvre Hotels, ndlr] avait des obligations de cession de fonds et ne voulait pas avoir d’actionnaire minoritaire. De son côté, Jin Jiang était prêt à transformer le partenariat en prise de contrôle", raconte Matthieu Evrard, vice-président développement de Louvre Hotels Group.

Le rachat du groupe français est effectif le 1er mars 2015 pour un montant de 1,3 milliard d’euros. Et depuis, les choses se sont accélérées. "On est partis tous azimuts", confie Matthieu Evrard, avec "un objectif à la chinoise", c’est-à-dire "entrer dans le top 3 mondial de l’hôtellerie pour conquérir tous les marchés". L’Europe bien sûr, mais aussi l’Asie du Sud-Est, "où Jin Jiang compte beaucoup sur nous", mais aussi les États-Unis – "là-bas, on lui laisse un peu la main" – et la Chine, "où il nous demande beaucoup d’intervenir sur la partie marketing et de mettre en avant notre savoir-faire européen", souligne-t-il.

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Une cause nationale

Sur d’autres projets, ce "savoir-faire à la française" est même un prérequis pour faire affaire. Cela a été le cas du groupe Pierre & Vacances-Center Parcs, qui a signé le 3 décembre dernier une joint-venture avec HNA détenue à 60 % par le groupe chinois et à 40 % par le groupe français, et portant sur la création de sites Center Parcs en Chine, où pour l’heure le concept de resort touristique n’existe pas.

Cet appétit pour les investissements touristiques ne vient pas de nulle part. Il y a un an et demi, le gouvernement chinois a érigé en priorité le développement du tourisme intérieur dans son plan quinquennal avec, à la clé, le potentiel de faire voyager 1,7 milliard d’habitants. "Quand le gouvernement dit que c’est une priorité, alors tout le monde s’aligne et ça va très vite. Les investisseurs chinois ont beaucoup d’argent, sont disciplinés et travailleurs. Ils ne sont pas là pour nous copier, c’est plus simple pour eux de nous racheter ou de faire appel à notre savoir-faire", explique Thierry Hellin, directeur général adjoint de Pierre & Vacances-Center Parcs, qui en sait quelque chose.

En moins d’un an, le leader de l’hébergement locatif en France a signé une première lettre d’intention avec Beijing Capital Land avant de se rétracter pour engager un partenariat de long terme avec HNA. Cinq sites ont déjà été identifiés, dont deux à proximité de Shanghai et Pékin, qui seront les premiers à sortir de terre d’ici à 2019. "Deux concepts les intéressent : les resorts Center Parcs et les stations de ski en vue de l’organisation des Jeux olympiques d’hiver à Pékin en 2022", ajoute Thierry Hellin, qui a fait découvrir plusieurs Center Parcs en France au président de HNA Tourism, alors que Gérard Brémond, le président du groupe français, a visité les terrains retenus en Chine. 

 

« Des managers de Jin Jiang viennent regarder les comptes mais ils n’interviennent pas dans l’opérationnel. »

Matthieu Evrard, vice-président développement de Louvre Hotels Group


 

"Chacun est à sa place"

"On commence les études de marché pour savoir comment adapter notre offre à la clientèle chinoise. Le groupe HNA ne sait pas précisément ce qu’il veut pour les concepts et se repose sur notre expérience. Chacun est à sa place. Eux sont davantage sur l’aspect investissement et financement, nous sur les produits et les terrains", détaille le directeur général adjoint. Une petite dizaine de personnes travaillant au siège parisien de P&V-Center Parcs va d’ailleurs très prochainement partir vivre à Shanghai pour suivre les projets sur place.

Louvre Hotels, qui vit désormais au quotidien sous la houlette d’un groupe chinois, semble ne pas subir non plus la pratique du mélange des genres. "Des managers de Jin Jiang viennent régulièrement regarder les comptes mais ils n’interviennent pas dans l’opérationnel. Il n’y a pas de mixité entre les actionnaires et le management. Au moment du rachat, la priorité a été donnée à la stabilité de l’équipe de direction", assure Matthieu Evrard. Resserré, le comité exécutif s’articule autour de neuf personnalités, en grande majorité françaises.

Les dirigeants de Fosun n’ont quant à eux pas intégré le comité de direction du Club Med, depuis qu’ils ont mis la main sur l’entreprise française en février dernier. À sa tête, comme à celle du conseil d’administration, Henri Giscard d’Estaing tient toujours la barre depuis plus de dix ans. Dans une interview récente accordée aux Échos, il reconnaissait cependant à demi-mot que la cohabitation avec le nouvel actionnaire majoritaire avait une influence sur la culture managériale. "Ce n’est guère une découverte du groupe mais un choix : il m’a semblé stratégique, dès 2010, de nouer alliance avec un chinois, en l’occurrence Fosun, qui est d’ailleurs entré au conseil d’administration dans la foulée. Les impacts que je distingue sont essentiellement business puisque nous avons ouvert en Chine, grâce à leur soutien, trois Villages et une dizaine sont en projet. La culture managériale du groupe est de longue date multiculturelle, avec plus de 21 nationalités recensées", assurait-il.  

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Une prise de participation obligatoire ?

Partenariat, joint-venture, prise de participation minoritaire puis acquisition, la méthode chinoise qui consiste à monter graduellement au sein d’une entreprise est-elle toujours la même ? "Tous les investisseurs avec lesquels nous avons parlé voulaient une prise de participation dans le capital du groupe, partant du principe qu’ils allaient nous enrichir et qu’en contrepartie ils devaient être présents chez nous", explique Thierry Hellin. L’accord signé entre les deux groupes prévoit donc une prise de participation par HNA au capital de Pierre & Vacances de 10 % ainsi qu’une présence au sein du conseil d’administration. L’accord, signé pour une durée de cinq ans, prévoit également que le groupe chinois puisse monter jusqu’à 15 % au capital de Pierre & Vacances. "Cinq ans, c’est une pratique de marché. Gérard Brémond ne perd pas le contrôle et l’entreprise n’est pas opéable", affirme Thierry Hellin.

Pour ne pas courir ce genre de risque, Philippe Bossanne, le fondateur et actionnaire à 80 % de la chaîne d’hôtellerie de plein air Huttopia, a refusé d’ouvrir son capital à STG (Sichuan Tourism Group) lorsqu’ils ont fait affaire ensemble en 2013, "même si des appels du pied ont été faits", confie-t-il. "Avec cet accord, nous n’avons pas de risques financiers majeurs. Nous avons créé une joint-venture de management à 50/50 portant sur le développement de 30 sites inspirés du concept Huttopia, dans le Sichuan et le Yunnan. STG trouve les terrains, puis on les conçoit et ensuite ils se chargent de les construire et de les financer sous notre supervision", détaille Philippe Bossanne.

 

« Il n’est pas exclu que [P & V] travaille un jour avec le Club Med et Fosun en Chine. »

Thierry Hellin, Dg adjoint de Pierre & Vacances-Center Parcs


 

Saisir d’autres opportunités

Le premier site Huttopia version chinoise a ouvert en janvier 2015 sur 8 hectares à 60 km de Chengdu, avec 280 emplacements, 20 chalets et 30 tentes fabriqués en France. Deux autres sites vont suivre rapidement même si l’accord entre les deux groupes n’est pas de nature exclusive. "La Chine est une aventure et il faut être prudent. Nous travaillons avec d’autres groupes sur l’Est de la Chine", souligne Philippe Bossanne.

Le groupe Pierre & Vacances compte, lui aussi, saisir d’autres opportunités qui pourraient se présenter à lui. "Il n’est pas exclu que l’on travaille un jour avec le Club Med et Fosun en Chine. Nos offres peuvent être complémentaires sur certains resorts et stations de ski", avance Thierry Hellin.

Des synergies ont également déjà été identifiées entre le Club Med et Thomas Cook (actions marketing, déploiement de corners Club Med dans plusieurs agences Thomas Cook, mutualisation de certaines lignes aériennes...), qui ont un actionnaire commun depuis février 2015 et la prise de participation par Fosun de 5 % dans le capital de Thomas Cook. La consolidation du secteur touristique européen passera-t-elle par la Chine ?

Céline Perronnet

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