Conséquences des attentats de 2001, les portes blindées, associées à un système de codes et de vidéo, montrent leurs limites vis-à-vis d’une agression de l’intérieur.
Actualisé à 16h29
Après la révélation des circonstances du crash hier, plusieurs compagnies aériennes ont annoncé qu'elles imposaient désormais la présence de deux personnes à tout moment dans le cockpit, notamment, parmi les premières, Norwegian Air Shuttle, EasyJet, Icelandair et les compagnies aériennes canadiennes; l'aviation civile du Canada a en effet annoncé la mise en place obligatoire de cette procédure avec effet immédiat.
Dans l'après-midi, la liste des compagnies aériennes appliquant cette mesure s'étendait à toutes les compagnies allemandes, Lufthansa, AirBerlin, Condor, TuiFly et DHL/European Air Transport Leipzig, aux compagnies autrichiennes Austrian Airlines (filiale de Lufthansa) et Flyniki (filiale d'Air Berlin). D'autres ont rejoint la liste : Thomson Airways et Corsair International (TUI), la compagnie lettone AirBaltic, ou encore la compagnie suisse Swiss (filiale de Lufthansa).
Air France n'a pas de son côté pris une telle décision pour ne pas agir dans la précipitation et l'émotion. "Air France est en contact avec l'AESA (agence européenne de la sécurité aérienne) et examine avec la plus grande attention les réflexions concernant ce sujet important".
L'AESA n'impose pas pour l'heure la présence continue de deux personnes dans le cockpit quand un de ses occupants, le pilote ou le copilote, doit s'absenter, pour se rendre aux toilettes par exemple. Sur les vols long-courriers, le commandant de bord est assisté par deux co-pilotes, et deux au moins de ces trois personnes se trouvent en permanence dans le cockpit.
La Commission européenne envisage d'imposer deux personnes dans le cockpit
En Europe, où l'émotion est très vive après les révélations sur l'état de santé du copilote, l'Union européenne a annoncé dans l'après-midi qu'elle envisage d'imposer la présence de deux membres d'équipage en permanence dans la cabine de pilotage des avions après le crash de l'Airbus A320 de Germanwings (Lufthansa) en France.
"Nous attendons les conclusions de l'enquête en cours et, si cela s'avère nécessaire, les règles de sécurité seront revues", a déclaré la porte-parole de la Commission, Mina Andreeva. L'obligation d'avoir en permanence deux membres d'équipage dans le cockpit "est à l'étude", a-t-elle ajouté.
En moins de 48 heures, l’énigme du crash de l’A320 de Germanwings a été résolue à la simple lecture du CVR, l’enregistreur vocal. Les mémoires informatiques où sont stockés les bruits et les sons du cockpit ont montré que le commandant de bord, sorti du cockpit un instant probablement pour aller aux toilettes adjacentes, n’a jamais pu revenir à sa place.
Le copilote ne lui a jamais ouvert la porte blindée qui donne accès au cockpit. L’avion avait été mis en descente à 3 500 pieds/minute et s’est fracassé contre les contreforts des Alpes. Un drame imprévisible qui va remettre en question recrutement, formation et suivi des équipages, procédures à bord, inviolabilité ou non des portes blindées.
Depuis les attentats de septembre 2001, les cockpits des avions de ligne de plus de cinquante sièges doivent être rendus inaccessibles pendant le vol. Cette obligation, jusqu'alors seulement recommandée pour les moins de cinquante sièges, a d’abord été exigée pour accéder au territoire américain. Puis, elle a été généralisée le 1er novembre 2003 par l'Organisation de l'aviation civile internationale (OACI), qui compte 187 Etats membres.
Des toilettes pour les pilotes dans le cockpit à bord de l'A380
L’équipement prévoit le blindage de la porte mais aussi celui des cloisons voisines qui séparent souvent les toilettes ou les galleys (cuisines) du cockpit. La porte doit rester fermée pendant toute la durée du vol. Seuls les pilotes peuvent l'ouvrir de l'intérieur par une commande implantée sur la planche de bord. Ils disposent d'une vidéo ou d’un œilleton leur permettant d’identifier sur un écran quelle personne demande l'accès. L’objectif de la caméra est suffisamment large pour voir si une seule personne se présente ou un groupe qui pourrait présenter un danger.
A l’extérieur du cockpit, un digicode permet de demander l’ouverture de la porte. L’équipage commercial utilise un code de routine qui déclenche un signal sonore dans le cockpit. La validation interviendra par un des deux pilotes.
Un autre code dit "d’urgence" est prévu quand un seul pilote est dans le cockpit, situation qui peut arriver pendant quelques minutes à bord d’un moyen-courrier piloté à deux ou parfois d’un long-courrier (sans équipage renforcé à trois). La composition de ce code, qui n’est pas connu de l’ensemble de l’équipage, entraîne l’ouverture automatique de la porte au bout de trente secondes, en supposant que le pilote seul est victime d’une incapacité. Mais ce pilote peut aussi interdire l’ouverture et même condamner la porte avec un verrou classique.
Des avions récents comme l’Airbus A380 sont beaucoup mieux agencés, avec un espace réservé aux pilotes comportant le poste de pilotage mais aussi la cabine de repos avec des couchettes et des toilettes. Ce qui évite d’avoir à ouvrir la porte blindée pour aller satisfaire un besoin naturel.
T.V. et AFP