L’annonce par Le Figaro d’un plan social de 5 000 postes (sur 96 000) n’est pas – et ne peut pas être – confirmée par la direction de la compagnie.
Que l’information donnée par Le Figaro de 5 000 suppressions d’emplois à Air France soit exacte ou non, prématurée ou non, elle ne peut qu’être démentie par la direction de la compagnie nationale. Sinon, cette dernière, qui aurait dû, en effet, en avertir en priorité les partenaires sociaux, risquerait d’être condamnée pour délit d’entrave au droit syndical.
Et il semble, à deux mois des élections professionnelles, que la période aurait été mal choisie pour une telle annonce, même si, selon plusieurs experts, elle apparaît comme plausible, voire nécessaire tôt ou tard. Sans cela, certains prédisent qu’il resterait deux ans à vivre à Air France…
Une situation économique tendue
Même enjolivée artificiellement par un coût actuel du carburant bas (moins de 50 dollars pour le Brent), la situation financière n’est toujours pas satisfaisante. Les économies consécutives à la suppression de près de 8 000 postes en trois ans grâce à des départs volontaires, des gels de salaires, des investissements reportés, n’ont pas apporté les résultats escomptés en termes de réduction de la dette (6 milliards d’euros ramenés à 5,27 milliards, contre 4 milliards prévus) comme des coûts. Ces derniers sont supérieurs à ceux des groupes européens concurrents Lufthansa et IAG qui, ayant réalisé leurs restructurations, peuvent ainsi maintenir une pression tarifaire à la baisse sur le groupe Air France-KLM.
Les 500 millions d’euros de pertes dues à la grève des pilotes en septembre n’ont pas amélioré l’état des comptes et Alexandre de Juniac, Pdg du groupe franco-hollandais, a dû lancer à la fin de l’année un troisième avertissement sur résultats à l’attention de la communauté boursière. Les chiffres définitifs de 2014 seront connus le 19 février prochain.
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A l’exception de la maintenance, bénéficiaire et en croissance, les autres activités d’Air France posent problème. Ainsi, le fret reste en baisse alors qu’il a repris sa croissance au plan mondial. Tous les domaines de l’activité "passage" souffrent.
Le court-courrier et le moyen-courrier restent en difficulté
Le court et moyen-courrier est très malade. Le redécoupage de l’activité entre Air France (vols vers le hub de Roissy-CDG), Hop! (vols d’Orly et transversales) et Transavia (vols low cost) doit faire ses preuves et reste très en retrait par rapport au concept Wings de Lufthansa.
Cette même activité chez KLM, sans devenir rentable, est parvenue à l’équilibre, notamment grâce au hub d’Amsterdam, plus productif que celui de Roissy-CDG. Les départs volontaires des plans précédents n’ont que peu touché les escales du Sud, celles où les sureffectifs sont criants. Les lourdeurs aussi. Le simple changement d’appareil – un A320 à la place d’un A321, par exemple – doit nécessiter un accord syndical. Sous la même marque Hop! (Airlinair + BritAir + Regional + Air France moyen-courrier), on compte autant de salariés qu’EasyJet dans toute l’Europe.
Le long-courrier à la peine face à la concurrence
Le long-courrier, moins rentable car très concurrencé, peine à émerger. Les efforts réalisés sur le produit (rénovation des cabines) consistent d’abord en une mise à niveau, notamment des sièges, par rapport à la concurrence. Le service à bord devra ensuite faire la différence.
Tout cela est long avant de marquer des points en termes de remplissage à des tarifs qui ne soient pas bradés ou imposés par la concurrence. Les compagnies asiatiques et du Golfe sont montrées du doigt mais Lufthansa ou British Airways sont aussi très présentes sur de nombreuses destinations communes. Certaines zones géographiques sont également devenues moins profitables, comme l’Afrique, touchée à la fois par Ebola, le terrorisme et la réduction de l’activité liée à la baisse du pétrole dans les pays producteurs.
Thierry Vigoureux